SAGUENAY – La pandémie de COVID-19 a suscité une prise de conscience chez les entreprises de l’importance d’effectuer sa transformation numérique, mais encore beaucoup de chemin reste à accomplir pour assurer leur compétitivité dans cet univers en évolution constante et rapide.
En effet, selon un sondage effectué par Léger et dont les résultats ont été publiés en février dernier, 28 % des entreprises interrogées au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique considéraient la transformation numérique comme non urgente. Le sondage conclut également que les entreprises du Québec ont moins profité de la pandémie que celles de l’Ontario ou de la Colombie-Britannique pour prendre de l’avance dans leur transition numérique. Les entreprises qui pensent être en avance dans leur transformation sont ainsi moins nombreuses aujourd’hui au Québec qu’avant la pandémie (43 % contre 45,1 %), comparativement à une augmentation en Ontario (45 % vs 33 %) et en Colombie-Britannique (44 % vs 30 %), ce qui représente un enjeu majeur pour leur compétitivité.
« Ça, ça a un impact aussi. Au Québec, notre niveau de maturité numérique n’est pas si élevé que ça. Dans mon équipe […] on va constater le niveau de maturité numérique dans les entreprises. […] On travaille beaucoup avec les PME et on voit que la marche à franchir est quand même haute pour elles. On part de plus loin, il faut installer les bases, les fondations », indique Nancy Jalbert, leader de la pratique 4.0., Conseil en management, et associée chez Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT).
Un enjeu de pérennité
Ce constat constitue un enjeu pour la compétitivité, mais aussi pour la pérennité des entreprises. « Les marchés sont mondiaux. […] On est tous connectés sur le Web pour acheter des choses ou travailler avec nos fournisseurs. Dans ce contexte, si mon compétiteur, lui, s’est numérisé, je prends du recul et je vais avoir de la misère à remonter la pente. Il y a des études qui ont été faites, et ce sont 18 à 19 % de pertes de parts de marché, et même au moment où je me réveille et commence à faire ma transformation numérique, je vais récupérer une partie des parts de marché que j’ai perdu, mais jamais à la même hauteur », affirme Mme Jalbert.
Pour l’attractivité des RH
L’experte rappelle que de plus en plus d’entreprises sont fondées totalement en numérique, puisqu’en partant de zéro, elles choisissent de mettre en place les systèmes dès le départ. Elles partent donc avec un pas d’avance sur les autres. Par ailleurs, l’attractivité des entreprises pour la main-d’œuvre est également touchée par la numérisation. « Les jeunes arrivent sur le marché, eux, ce qu’ils connaissent, c’est la technologie. Ils ne veulent pas travailler avec du papier, des crayons ou les écrans DOS d’ordinateur qu’on avait il y a quelques années », souligne-t-elle, évoquant la pénurie de main-d’œuvre.
C’est, à terme, la productivité de l’entreprise qui en souffrira, de même que sa pérennité. « Si je ne me numérise pas, ma productivité est atteinte. J’ai une pénurie de main-d’œuvre, je pourrais faire réaliser une partie de ces tâches par des machines et systèmes pour compenser en partie cette pénurie […] mais on dirait qu’on n’ose pas encore y croire. C’est une question de pérennité et de maturité des organisations aussi », ajoute la leader en pratique 4.0.
L’importance des données
La transformation numérique va bien au-delà des simples gadgets ou outils technologiques. C’est en fait l’utilisation des données générées par une organisation, qui vont transiter par différents outils technologiques, pour prendre des décisions éclairées plus rapidement et mieux répondre aux besoins des clients. Il s’agit véritablement d’une transformation organisationnelle, qui peut prendre différentes formes selon les entreprises.
Ainsi, si le secteur manufacturier peut implanter des machines connectées pour la fabrication des caméras, des capteurs pour le contrôle qualité un bureau d’avocat pourrait, par exemple, en profiter pour créer un robot qui recherche les articles de loi, fouille la jurisprudence et peut donner des réponses sur des questions simples de droit, alors que du côté de l’agriculture, des producteurs pourraient utiliser des drones pour documenter l’état des champs et, si nécessaire, préparer automatiquement les dosages requis d’engrais, pesticides, etc. « Ça s’applique à tous les secteurs. C’est exponentiel, ce qu’on peut en faire », estime Nancy Jalbert.
Installer les fondations
« Souvent, quand on fait des audits ou des plans de transformation numérique et qu’on regarde ce qu’on a à faire, les gens disent : “ah, mais on pourrait mettre de l’intelligence artificielle !” Mais on n’a pas de données. Il faut que j’installe les fondations si je veux exploiter une donnée quelconque. […] Comment j’exploite une donnée non structurée, que je n’ai pas validée, dont je ne sais pas si elle est intègre, pour que ça donne un bon résultat ? », fait remarquer Mme Jalbert.
Pour avoir des résultats et être gagnant à long terme, il faut donc se donner une structure. « Le système ne réfléchit pas. Si tu as une donnée erronée, oui tu peux la valider avec des algorithmes, mais si tu as un algorithme derrière un autre algorithme, ça devient complexe. »
Pour se lancer, Nancy Jalbert conseille aux entreprises de participer au programme d’Audit 4.0, mis en place par le gouvernement du Québec, que l’équipe de RCGT, comme d’autres partenaires, offre. En plus de permettre d’établir un bilan de la maturité numérique actuelle de l’organisation, cet audit assure la mise sur pied d’un plan de transformation. « Ça aide à séquencer la démarche, à déterminer dans quel ordre je vais faire les choses. C’est vraiment essentiel, et les entreprises qui l’ont fait se sont dotées d’une vision numérique. C’est important de séquencer pour faire les bons choix et les vrais gains au bon moment. Ça met la table, parce que souvent, les entrepreneurs ne savent pas par où commencer », conclut la leader de la pratique 4.0.
Mentionnons que le programme Audit 4.0 permet aussi de bénéficier de soutien financier pour la réalisation du diagnostic et du plan de mise en œuvre. D’autres initiatives gouvernementales ont aussi été mises en place pour favoriser la transition numérique.