Auteur

Karine Boivin Forcier

LA DORÉ – Un projet d’envergure dans le domaine de la cryptomonnaie pourrait voir le jour à La Doré. L’entreprise Hydraxis, qui possède déjà une installation de minage de Bitcoins dans cette municipalité, souhaite y mettre en œuvre un système d’économie circulaire alliant énergie, minage, agriculture en serre et extraction enzymatique.

Le but ultime d’Hydraxis, dont plusieurs membres de l’équipe de direction proviennent de la région, serait de produire sa propre électricité découlant de sources d’énergies vertes afin d’alimenter ses usines de minage de Bitcoin, puis d’utiliser la chaleur résiduelle générée par ces puissants ordinateurs pour chauffer des serres agricoles et un procédé d’extraction enzymatique. Ce dernier permet d’obtenir des ingrédients naturels destinés aux marchés des cosmétiques et de la nutrition santé à partir de plantes, algues, champignons et autres.

Afin de prouver la faisabilité du projet, Hydraxis prévoit la mise en place d’un complexe pilote. « Nous voulons commencer la production à plus petite échelle pour démontrer que nos solutions sont ingénieuses et fonctionnent. […] Notre usine sera ensuite appelée à grossir et nous prendrons de l’expansion de manière graduelle », affirme le Saguenéen Dominick Fortin, directeur des relations publiques de l’entreprise.

Ce projet pilote est basé sur le centre de minage de données de près de 1 000 mètres carrés qu’elle possède déjà à La Doré. « Nous avons acquis une entreprise qui a un droit octroyé par Hydro-Québec avant le moratoire, donc nous avons la possibilité de faire du minage au tarif commercial. […] Nous avons donc un approvisionnement de 0,7 mégawatt (MW) pour l’usine pilote », indique le président d’Hydraxis, Carl Beaulieu, également de Saguenay. Cela permet d’alimenter environ 100 mineurs avec une puissance de calcul de 335 terahash (Th) par unité.

Investissements

L’implantation du projet de démonstration nécessitera des investissements de huit millions de dollars. Puisque le centre de minage est déjà en fonction, ces sommes serviront principalement à la mise en place du dispositif de récupération de chaleur ainsi qu’à la construction de la serre et des installations d’extraction enzymatique.

Les dirigeants de l’entreprise souhaitent amorcer les travaux dès cet automne pour l’extérieur des bâtiments, puis le déploiement de la division agricole d’Hydraxis. « Nous avons fait toutes les études. Nous sommes vraiment rendus à l’étape de faire l’implantation. En ce moment, nous réalisons l’amélioration et l’ajustement de notre système de minage », précise M. Beaulieu.

Les locaux destinés au procédé d’extraction enzymatique seront construits en même temps que les autres parties du complexe, mais la mise en service de cette division est programmée seulement au printemps 2025, si tout se passe comme prévu.

Par étapes

L’équipe d’Hydraxis, qui compte une douzaine de personnes, est consciente de l’ampleur du projet, qui comporte à terme quatre divisions. Elle assure vouloir prendre une bouchée à la fois. « Nous nous concentrons d’abord sur la preuve de concept, qui est déjà un programme assez ambitieux », souligne Carl Beaulieu.

L’entreprise mise sur une technologie de refroidissement à l’eau des ordinateurs utilisés pour le minage de cryptomonnaie, qu’elle a testée en amont. « Nous avons fait un banc d’essai dans notre mine, avec des sondes de température à l’entrée et à la sortie de la machine. Nous savons que nous avons la température idéale à la sortie des appareils, mais également que les puces ne chauffent pas », résume le président.

Du côté des serres, les dirigeants ont opté pour la culture hydroponique, qui permet de contrôler plus facilement les nutriments et d’avoir un meilleur rendement. C’est la tomate et le poivron qui ont été ciblés comme premières productions, sur une superficie de 4 000 mètres carrés. « Nous nous sommes bien entourés au point de vue agricole avec plusieurs experts et agronomes. Nous travaillons notamment avec Innovagro Consultants », mentionne M. Beaulieu.

Expansion

Le président estime que, selon le plan d’affaires, les revenus agricoles devraient payer l’entièreté de l’électricité consommée pour le refroidissement des mineurs. Le projet pilote générerait environ 14 emplois à La Doré, s’ajoutant à l’équipe d’administration.

Hydraxis a déjà en main les plans et études pour une phase deux, qui pourrait aller jusqu’à 5 MW. Des terrains industriels ont également été réservés à La Doré. Ce développement futur nécessiterait l’autoproduction d’énergie. Parmi les options évaluées, on retrouve notamment l’éolien ainsi que l’acquisition de barrages hydroélectriques privés. « L’idée, c’est de grandir tranquillement », assure Carl Beaulieu.

À plus long terme, les dirigeants d’Hydraxis pensent que leur modèle de récupération de chaleur pourrait être étendu à d’autres créneaux, comme les centres de données, et permettre de chauffer différents types de bâtiments, comme des hôpitaux, des parcs aquatiques, etc.

Hydraxis : un projet blockchain unique

LA DORÉ – Afin de soutenir l’expansion de son projet de mine de Bitcoin, serres et extraction enzymatique, Hydraxis mise sur le développement de sa propre cryptomonnaie, le HYAX. Il s’agit d’un modèle assez unique dans l’univers de la chaîne de bloc (blockchain).

« Notre modèle est basé sur des actifs réels. Dans tous les projets de cryptomonnaie et de chaîne de bloc qui existent en ce moment, le nôtre n’en a pas qui lui ressemblent. Nous sommes assez uniques », mentionne le président d’Hydraxis, Carl Beaulieu.

L’équipe d’Hydraxis, qui compte une douzaine de personnes, souhaite également développer son projet dans les règles. « Nous avons la chance de lancer notre projet à un moment où les lois sont plus claires concernant la chaîne de blocs. C’est important pour nous de prendre le bon chemin. […] Dès le départ, nous disons que nous sommes une valeur mobilière et nous nous comportons comme tels. Nous ne démarrerons pas le projet avant d’avoir obtenu l’approbation », ajoute M. Beaulieu.

Un long processus

Les premières démarches visent à demander l’inscription de l’entreprise comme courtier restreint en valeurs mobilières auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF), un processus qui devrait prendre plusieurs mois. Par la suite, Hydraxis a l’intention de déposer un prospectus à l’AMF, comme c’est le cas pour l’approbation de l’émission de valeurs mobilières. Le prospectus vient fournir un exposé complet, véridique et clair de tous les faits importants des titres émis afin de permettre aux investisseurs de prendre des décisions éclairées.

Ce prospectus doit être approuvé par l’AMF. C’est uniquement à ce moment que l’entreprise pourra vendre le jeton HYAX au grand public, lui permettant de lancer une première émission de cryptoactifs (PEC), aussi appelé ICO (Initial Coin Offering).

Actuellement, Hydraxis, enregistrée comme société par actions selon le régime fédéral, peut seulement vendre des actions à des investisseurs qualifiés. Cela lui permet notamment de financer le projet pilote.

Tokenomique

Carl Beaulieu précise que l’équipe a porté beaucoup d’attention à la construction du modèle économique de sa cryptomonnaie, aussi appelée tokenomique. « C’est un risque. La tokenisation d’un actif, c’est créer une économie à part entière. C’est très délicat. Beaucoup de projets de cryptomonnaie tombent parce que leur économie n’est pas viable. De notre côté, ça a été travaillé avec beaucoup de soin, parce que nous ne voulons pas que ça nous arrive. Beaucoup de gens ont passé sur notre modèle », explique Alejandro Campos, directeur de la division Smart X Digital d’Hydraxis.

Les dirigeants de l’entreprise préfèrent toutefois ne pas donner plus de détails sur les caractéristiques du HYAX tant que les démarches réglementaires ne seront pas terminées.

La sécurité est aussi une priorité pour l’équipe d’Hydraxis. « Nous voulons faire auditer le projet par une entreprise leader d’audit blockchain, Certik. Ils vont attaquer notre projet pour tester sa sécurité. Rien ne sera lancé tant que nous n’aurons pas au moins un audit », conclut Carl Beaulieu.

Commentaires