SAGUENAY – L’usine-pilote de biocarbone d’Elkem Métal à Saguenay vient d’atteindre un nouveau jalon vers l’opération de son procédé de pyrolyse au maximum de sa capacité. Si tout se déroule comme prévu, l’entreprise devrait parvenir à une production suffisante cet automne pour pouvoir lancer les tests avec les briquettes de biocarbone dans ses fours métallurgiques.

La production de biochar, première étape de la fabrication des briquettes de biocarbone, a été lancée l’automne dernier à 250 kilogrammes (kg) par heure (h). Elle est passée à 500 kg/h à la fin mars et devrait atteindre un nouvel échelon de 1 000 kg/h cet été. « La capacité du réacteur pour la pyrolyse est de 1 500 kg/h. On opère actuellement à un volume relativement bas, mais l’idée, c’est de faire sortir les problèmes et de les régler au fur et à mesure », indique le directeur général de la division Biocarbone d’Elkem Métal, Jean Villeneuve. 

Avant d’augmenter la production pour passer à un nouveau jalon, l’équipe de l’usine-pilote doit s’assurer d’avoir fiabilisé l’étape précédente. « Le biochar que nous avons fabriqué est conforme aux spécifications souhaitées. La qualité est bonne, malgré une opération à bas régime et instable, puisqu’en démarrage, on arrête et on repart souvent les équipements. C’est une très bonne nouvelle pour nous », affirme M. Villeneuve. 

Celui-ci explique que la stabilité du carbone fixe, soit le pourcentage de carbone d’un charbon après élimination des matières volatiles, est prioritaire pour Elkem. « Il ne faut pas qu’il y ait de variation dans le pourcentage, parce que c’est important de savoir ce que je mets dans mon four à la fin. C’est cela que nous avons réussi à atteindre », précise-t-il. 

Prochaines étapes

Avec l’augmentation à 500 kg/h, d’autres problématiques sont ressorties et l’équipe travaille présentement à les régler. Des modifications au brûleur sont notamment effectuées. Les prochaines étapes concernent le démarrage des phases suivantes du processus de fabrication des briquettes.

L’étape de l’agglomération est actuellement en démarrage. Elle permet de transformer la poudre de biochar issue du procédé de pyrolyse en briquettes. Les vérifications préopérationnelles à froid sont en cours pour la phase de durcissement. Le directeur général pense pouvoir lancer cette étape en mai, à condition que celle de l’agglomération soit efficace.

« L’agglomération, c’est la prochaine clé pour nous. Nous devons obtenir des caractéristiques précises. Pour que la briquette fonctionne dans notre four, il faut qu’elle ait des caractéristiques mécaniques, dont la résistance, à haute température. Des employés norvégiens d’Elkem sont venus récemment pour nous appuyer dans ces démarches », explique-t-il. 

Les phases de durcissement et de stabilisation permettent d’atteindre d’autres qualités. Celles-ci assurent notamment que les briquettes puissent être transportées sur de longues distances. « Elles ne génèrent pas de poussières lors de la manutention. Elles sont aussi densifiées afin de présenter une densité semblable à celle du charbon. »

Tests dans les fours

Si tout se déroule comme prévu, l’usine-pilote devrait avoir produit assez de briquettes de biocarbone cet automne pour commencer les tests dans les fours de l’usine de Chicoutimi d’Elkem Métal. Le but est de remplacer une partie du charbon utilisé dans le procédé de production de ferrosilicium par du biocarbone. Il s’agit toutefois d’une opération complexe : le charbon utilisé dans les fours à arc joue un rôle dans le procédé métallurgique permettant de séparer le silicium et l’oxygène contenus dans le quartz. Ces fours fonctionnent à haute température. « Le charbon qu’on utilise ne sert pas à chauffer. C’est un charbon métallurgique et il fait partie de la réaction du procédé. Il faut donc démontrer que notre biocarbone émettra son carbone à la bonne place dans le procédé. Il ne doit pas brûler trop vite à la surface, mais le libérer dans la zone de réaction », révèle Jean Villeneuve. 

Une première expérimentation avait été réalisée dans un four en Norvège avec une tonne de biocarbone produit en laboratoire et avait donné des résultats assez concluants pour passer à la phase suivante. « Il faut maintenant faire des tests à grande échelle. » Un premier essai est prévu avec 400 tonnes de biocarbone, ce qui équivaut au remplacement d’environ 10 % du charbon utilisé dans le procédé. Un second aurait lieu au printemps et devrait impliquer 1 000 tonnes (20 % du charbon). 

 

Un procédé en grande partie développé à Saguenay

 

SAGUENAY – En plus d’être testé à grande échelle dans une usine-pilote à Saguenay, le procédé de fabrication de briquettes de biocarbone a été en grande partie développé ici. 

" Nous avons des Norvégiens qui nous supportent, mais c'est vraiment ici qu'on a développé le procédé avec notre partenaire technologique, Pyrovac. C'est une belle fierté régionale ", affirme le directeur général de la division Biocarbone d'Elkem Métal, Jean Villeneuve.

Celui-ci explique que le projet est issu de la volonté affirmée par la multinationale en 2014 de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 % pour 2030. " En 2015, beaucoup d’idées ont été lancées un peu partout dans les installations d'Elkem à travers le monde, dont ici à Chicoutimi. En 2017, après avoir fait le tour de tous les projets, c'est celui de Chicoutimi qui a été sélectionné comme étant le plus porteur ", raconte-t-il. 

Cela a mené à la création de la division Biocarbone et de l'usine-pilote de 20 000 pieds carrés dans le parc industriel Henri-Girard. Ce sont près de 50 M$ qui ont été investis pour le développement de la division Biocarbone. " Pour 90 % de ce qui est dans l'usine ici, l'argent a été dépensé au Québec. Notre partenaire technologique est à Québec et nous avons fait fabriquer l'équipement ici ", souligne M. Villeneuve. Des entreprises locales ont aussi été mises à contribution, tant pour l'ingénierie que pour la construction.

Recherche et développement

Jean Villeneuve rappelle que les quelque 50 employés de l'usine-pilote oeuvrent dans une optique de recherche et développement (R & D) " Ce sont des procédés qui n'existent pas. Le seul qui existait, c'est celui de pyrolyse de notre partenaire technologique, mais à beaucoup plus petite échelle [500 kg/heure, contre 1 500 kg/h pour le pyrolyseur d'Elkem NDLR]. C'est le premier réacteur de cette grosseur-là réalisé par Pyrovac. Les autres procédés sont tous développés par Elkem et tout est conçu sur mesure ", indique-t-il. 

L'équipe doit aussi se doter de standards d'opération. L'objectif est que la production soit répétable à grande échelle tout en respectant des pratiques d'affaires exemplaires. Selon la directrice des ressources humaines, Valérie Boivin, c'est une véritable expertise qui a été créée au sein de l'usine-pilote. " Nous avons une équipe multidisciplinaire. C'est beau de voir toute l'implication des employés pour résoudre les problèmes. Des opérateurs aux ingénieurs en passant par les techniciens et les chimistes, ils sont vraiment engagés. La qualité des compétences autour de la table, c'est ce qui fait qu'on atteint ces succès au fil du projet ", assure-t-elle. 

Les deux gestionnaires confirment qu'il reste encore quelques postes clés à combler, notamment au niveau de l'ingénierie. " Si on avait un ou deux ingénieurs chimiques de plus, ça nous permettrait de travailler en parallèle sur les différents procédés ", précise M. Villeneuve. 

Usines pleine grandeur

Ultimement, le projet pourrait mener à la création d'usines de fabrication de biocarbone pleine grandeur, soit une production de 40 000 tonnes par an. Cela représente environ 10 fois la capacité de l'usine-pilote. Une installation de cette envergure permettrait une réduction de 130 000 tonnes de GES pour Elkem, soit 10 % de ses émissions.

Le projet original comprenait quatre usines afin d'atteindre la cible de 40 % de diminution des émissions de GES en 2030 visée par la multinationale. Cet objectif a été revu l'an dernier à une réduction de 50 % en 2031. Cela équivaudrait ainsi à cinq usines plutôt que quatre. La construction de la première est prévue pour la fin 2025.

Il est trop tôt pour dire où sera située cette première usine. Toutefois, Jean Villeneuve confirme qu'il aimerait que ce soit au Québec. " C'est ce sur quoi je travaille. L'idée, c'est qu'on soit proche de notre centre de développement afin que ce soit plus facile de transférer les connaissances ", mentionne-t-il. L'usine devra aussi être située à proximité de la matière première (résidus de scieries ou biomasse forestière), en raison des coûts de transport. 

Quant à l'usine-pilote de Saguenay, une fois les installations à grande échelle en place, elle sera maintenue en tant que centre de développement et d'excellence pour Elkem. Elle poursuivra la R & D pour la division Biocarbone et pourrait également concevoir des produits pour d'autres clients, comme les aciéries.