Écrire ces lignes en pleine soirée électorale, point culminant d'une campagne présidentielle si polarisante est un drôle de moment.

20h44

Soirée intense où l'excitation, l'angoisse et l'espoir se mêlent à chaque annonce de résultat. Le système politique américain étant ce qu'il est, la soirée est longue. Pleine de rebondissements. Chaque mise à jour nous fait retenir notre souffle. Ici, une soirée électorale, c'est à chaque fois suivi avec plus de ferveur que le Superbowl, que la finale de la Coupe Stanley, que n'importe quel autre événement. Il faut dire que cette fois chez nos voisins du Sud, la campagne a pris les allures d'un film hollywoodien qui nous aurait fait dire que tout cela ne se pouvait pas "dans la vraie vie", il n'y a pas si longtemps. Et à Hollywood, clairement la fin heureuse nous aurait permis de voir une élection de Kamala Harris. 

21h21

Un visage familier, celui de Pauline Marois, apparaît sur mon écran. Cette élection est une opportunité de parler égalité. De parler des attentes envers les femmes dans l'arène politique. Du double standard qui prend tout son sens ce soir, et du sentiment de frustration que je ne suis certainement pas la seule à ressentir ce soir si je me fie à mes réseaux sociaux. Certes il ne s'agit pas du seul facteur déterminant de l'actuelle campagne présidentielle. Mais il est difficile d'en faire fi lorsqu'on analyse les choses, même à chaud. Surtout à chaud. Une candidate n'est pas seulement jugée sur ses idées et ses actions. L'analyse, aussi implicite que systémique, s'attarde en bonne partie sur des critères auxquels ses homologues masculins échappent en grande partie : le ton de sa voix, son attitude, sa tenue, et même les choix qu'elle fait dans sa vie personnelle. « Quand ils descendent bas, nous montons haut, » disait Michelle Obama dans un discours devenu emblématique. La hauteur exigée de la part des femmes en politique se révèle un chemin parsemé de jugements injustes et de stéréotypes profondément ancrés. 

22h57 

Ce serait une grave erreur de ramener le résultat électoral de ce soir à ce seul facteur. Comme il serait très grave d'en faire fi. La situation économique, l'inflation, le sentiment d'être incompris, mal servis, jugés qui habite plusieurs partisans de Donald Trump sont tout autant de facteurs à considérer. Quel que soit le résultat de cette élection, avec ce qu'on a vu comme extrême dans le cas républicain, si on ne fait pas de prise de conscience relativement à ces questions, inévitablement on reculera. Actuellement, il n'y a pas une seule chef de parti au Québec (même pas d'aspirante à la chefferie libérale) ou au Fédéral.  Après un nombre historique de mairesses élues au Québec, un nombre record d'entre elles qui quittent en cours de route ou ne se représentent pas, un peu brisées par leur expérience. « Une femme doit travailler deux fois plus pour être vue à moitié aussi capable. » Cela résume une dure réalité politique, où une femme doit constamment se montrer irréprochable pour éviter de se voir cataloguée comme « trop émotive » ou « trop froide ».

23h37

Il est difficile au Québec de lire ce qui est à se passer chez nos voisins. Les mines des analystes à la télévision sont basses. La majorité des États pivots semblent pencher vers les républicains de Donald Trump. Il est l'heure d'aller dormir. 

8h30

Trouver que le pire, c'est d'avoir à expliquer aux enfants que le monsieur fâché a gagné. Les prochaines années seront déterminantes. Reste maintenant à observer.