L’actuelle pandémie de coronavirus aura des impacts sanitaires, financiers et économiques considérables sur l’ensemble des entreprises mondiales. Nous avons tenté d’identifier quelles pourraient être les conséquences de cette pandémie sur les grands projets en cours de développement au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
Actuellement cinq grands projets industriels/miniers sont en phase avancée de réalisation dans la région : Arianne Phosphate, Métaux Black Rock, GNL Québec, la phase 2 de l’aluminerie Alma et une série de 16 autres cuves d’électrolyse, pour compléter l’aluminerie AP-60 à Jonquière.
Dans le cas d’Arianne Phosphate, soulignons que près de 90 % de ce minerai sert à la fabrication d’engrais phosphatés. En ce moment 100 % de ces produits utilisés au Canada doivent être importés… Considérant que nos gouvernements et la population feront de l’autonomie agroalimentaire une haute priorité post-pandémie, la réalisation du projet Arianne Phosphate sera vraisemblablement accélérée après la crise.
Métaux Black Rock vise à extraire du minerai à partir d’un gisement près de Chibougamau, pour produire, sur le site de Grande-Anse, de la fonte brute, du vanadium et de la scorie de titane. Le marché de la fonte est associé à la production d’acier, secteur qui sera probablement en contraction pour plusieurs années. Le marché du titane est, lui, surtout associé à l’aérospatial, de même qu’à la production de divers biens de consommation, deux secteurs qui seront, eux aussi, probablement en ralentissement après la pandémie. Quant au vanadium, il est surtout utilisé comme produit de renforcement de l’acier, servant notamment dans l’industrie de la construction, un secteur qui sera aussi probablement en ralentissement pour quelques années.
En contrepartie, l’émergence de l’utilisation du vanadium pour construire des accumulateurs électriques de grand volume est un élément de croissance potentielle notable pour une future demande de ce métal. Rappelons également que la mine et la fonderie de vanadium projetées par BlackRock seront les premières de ce type en opération en Amérique du Nord. On peut croire également que la volonté d’autonomie minimale du Canada dans des secteurs stratégiques comme le vanadium sera à l’ordre du jour du monde post pandémie, ce qui favorisera d’autant la réalisation du projet BlackRock.
GNL Québec vise l’exportation annuelle, à partir du site de Grande-Anse, de 11 millions de tonnes par an de Gaz naturel liquéfié (GNL) canadien. Il est à prévoir que la demande mondiale pour le GNL sera en baisse pour quelques années après la pandémie, ce qui pourrait retarder le démarrage du projet. Par ailleurs, comme je l’ai déjà suggéré à plusieurs reprises, il est possible de récupérer d’importantes quantités de chaleur à partir de la production de GNL à Grande-Anse, pour alimenter d’importants complexes de serres ou de production aquicole (poissons d’élevage), deux moyens importants pour augmenter l’autonomie agroalimentaire du Québec.
En ce sens, il est à prévoir que cet élément favorable (la chaleur liée à des serres/bassins de production de poissons) contribuera à l’acceptation sociale du projet GNL, qui est cruciale pour franchir l’étape imminente des audiences publiques sur l’environnement. Ainsi, la pandémie facilitera probablement l’autorisation du projet GNL par les gouvernements, mais elle en retardera possiblement sa mise en service réelle.
Les deux grands projets de Rio Tino dans la région (la phase 2 de l’aluminerie Alma et compléter l’aluminerie AP-60) verront leur marché se rétrécir dans les années immédiates qui suivront la pandémie. En revanche, on peut se demander si l’Amérique du Nord post pandémie voudra encore être dépendante à un haut niveau de la Chine, de l’Inde, de la Russie, etc. pour son approvisionnement en aluminium primaire. Comme la période de construction de ces projets est de trois à quatre ans, si leur construction démarre peu après la fin de la pandémie, leur production coïncidera avec la reprise du marché.
Ainsi, malgré ses effets dévastateurs, cette crise pourrait bien avoir comme conséquence d’accélérer plusieurs de nos grands projets. Pour y arriver, il faudra cependant que la région soit plus vigilante et active que jamais. C’est un défi à la hauteur de notre proverbiale résilience.