Auteur

Roger Boivin

Au début de septembre dernier, des chercheurs de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) et du Groupe de recherche sur les mammifères marins (GREMM) de Tadoussac ont recommandé qu’un moratoire soit décrété dès maintenant, et jusqu’en 2023, sur les projets de développement qui entraîneraient une augmentation du trafic maritime (donc du bruit sous-marin) sur le Saguenay.

Ainsi, bien que les recherches récentes concluent que le nombre de bélugas du Saint-Laurent/Saguenay a doublé depuis les années 80, passant de 500 à 1 000, ces chercheurs présentent cette demande au terme de la première année d’un nouveau projet de recherche de cinq ans, sur les interactions entre la navigation et les bélugas.

Des impacts énormes

En admettant que Québec et Ottawa aillent de l’avant avec ce moratoire, les projets régionaux qui seraient immédiatement mis en péril sont les suivants : GNL Québec (et le gazoduc qui y est associé) Métaux BlackRock ainsi qu’Arianne Phosphate. Bien que les deux derniers aient en main toutes les autorisations gouvernementales pour aller de l’avant, ils augmenteraient la circulation maritime sur le Fjord. Par ailleurs, le moratoire demandé toucherait tous les autres projets qui auraient un impact sur la circulation maritime sur le Saguenay: l’augmentation de capacité de 400 000 tonnes/an à l’usine Vaudreuil (un investissement de 400 millions qui sécuriserait 1 000 emplois), la phase 2 de l’aluminerie Alma et l’achèvement de l’aluminerie AP-60 à Jonquière. De plus, le retour potentiel des navires de croisières, éventuellement à partir de l’an prochain, ajouterait aussi au trafic maritime sur le Saguenay.

Les grands projets industriels à la fine pointe de la technologie mondiale, s’ils se réalisent, représenteraient des investissements colossaux de quelque 21 milliards de dollars ainsi que la création de plus de 2 000 nouveaux emplois industriels, à temps plein et bien rémunérés, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Ceci sans compter les énormes retombées liées à leur construction. De quoi littéralement sauver le Saguenay–Lac-Saint-Jean qui comme les chiffres le montrent, a subi une décroissance de sa population de 12 500 habitants depuis 15 ans et qui, si nous ne parvenons pas à rapidement inverser la tendance, perdra quelque 15 500 autres personnes dans les vingt prochaines années.

Soixante pour cent moins de navires actuellement

Dans les années quatre-vingt, plus de 500 navires par an sillonnaient le Saguenay. Comme nous avons perdu des papeteries, que nous ne recevons plus notre pétrole par bateaux et que les navires modernes ont un plus fort tonnage, le nombre de cargos circulant sur le Saguenay annuellement a diminué de 60% et se situe maintenant autour de 200. La réalisation de nos grands projets régionaux ajouterait de 500 à 700 navires par an sur le Saguenay. La circulation maritime à son embouchure, incluant nos projets, serait donc de l’ordre de 1 800 passages (900 navires) par an, alors que plus ou moins 10 000 autres passages (5 000 navires) empruntent annuellement le Saint-Laurent à la hauteur de Tadoussac et que 40 000 passages de traversiers annuels sont recensés à cet endroit, pour un total d’environ 52 000 passages de grands navires par an.

La principale solution : UN NOUVEAU PONT À TADOUSSAC

Le 25 septembre dernier, durant la première partie des audiences du BAPE sur le projet GNL Québec, le président et directeur scientifique du GREMM de Tadoussac, M. Robert Michaud, confirmait explicitement que « les traversiers sont la principale source de bruits sous-marins à l’embouchure du Saguenay ». Revendiquée depuis plus de 20 ans, notamment par les intervenants de la Côte-Nord, la construction d’un pont à l’embouchure du Saguenay éliminerait donc la principale source de bruit de la zone sensible, soit les traversiers.

Quant aux bruits résultant de la navigation sur le Saguenay lui-même, GNL Québec prévoit utiliser des navires de haute technologie extrêmement silencieux, recourant même à des moteurs électriques quand ils navigueront sur le Saguenay. Afin de contribuer eux aussi à réduire leur empreinte sonore, les autres navires pourraient modifier leurs déplacements, circuler à plus faible vitesse, à des heures spécifiques, en convoi, etc.

Comme dans bien d’autres dossiers, une partie de la solution apparaît quand on change de perspective. Au lieu d’opposer de précieux projets à l’avenir des bélugas, la construction d’un pont à l’embouchure du Saguenay est, à mon sens, la meilleure voie à suivre pour unir deux régions du Québec, tout en atteignant nos objectifs environnementaux, aussi bien qu’économiques.

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