Nous sommes de plus en plus nombreux à nous questionner sur la relation déséquilibrée entre Rio Tinto (RT) et le Saguenay-Lac-St-Jean. En effet, bien que la région et le gouvernement du Québec aient livré à la compagnie TOUS les engagements énergétiques, fiscaux, réglementaires, financiers, sur lesquels ils s’étaient engagés, les investissements dont nous devions bénéficier en contrepartie, tardent toujours à se concrétiser. Le report récent des investissements de 300 millions prévus pour l’usine de billettes à Alma et pour les 16 nouvelles cuves à AP-60 n’en sont que le dernier chapitre.
Soulignons d’abord que cette situation n’est malheureusement pas nouvelle, nous la subissions aussi du temps de la défunte Alcan. Aujourd’hui RT nous parle du dumping Chinois, Alcan nous parlait du dumping Russe, toutes des bonnes raisons pour obtenir plus de concessions du Québec et de la région. En passant quand RTA nous parle du faible prix actuel de 1 775 $ US la tonne pour l’aluminium dit de « base », la compagnie « oublie » de nous dire que s’ajoute à cela une prime de 25 à 30 % pour les alliages (plus de 80 % de la production régionale de RTA est déjà constituée d’alliages d’aluminium qui se vendent bien plus cher que le simple prix de base) auquel s’ajoute aussi la prime dite Midwest, qui peut atteindre jusqu’à 500 $ US/t. Ainsi, le revenu moyen que RT obtient pour chaque tonne d’aluminium vendue se situe plutôt autour de 2 800 $ US, un revenu réel supérieur de 60 % au prix de base affiché de 1 775 $ US la tonne…
Une relation déséquilibrée qui a assez duré
Mais pourquoi Rio Tinto peut, toujours nous en demander plus ? Cela tient bien sûr au déséquilibre fondamental de la relation énergétique qui unit RT et le Québec et la région. En effet, en possédant (littéralement) le lit de la rivière Saguenay et en bénéficiant de baux hydroélectriques sur la Péribonka d’une durée de 50 ans (plus des options de renouvellement déjà négociées de 25 ans supplémentaires)? Parce que RT a le gros bout du bâton c’est nous qui devons constamment quémander les investissements pourtant déjà négociés et promis de la part de RT. La stratégie de la compagnie devient très simple, attendre, reporter les projets déjà prévus, jusqu’à ce que la situation économique et /ou politique devienne suffisamment difficile pour que la compagnie puisse demander encore plus à ses partenaires québécois à bout de souffle.
Cela peut-il, doit-il encore durer ? Bien sûr que non, d’autant qu’aucune autre entreprise, aussi énergivore et opérant au Québec ne bénéficie d’une telle relation déséquilibrée en sa faveur. Ces autres multinationales (dont Alouette à Sept-Îles) disposent d’électricité à très bon coût, mais selon des contrats renouvelables à tous les 10 à 15 ans. Pourtant elles aussi réalisent des profits, tout en demeurant toujours bien connectée avec le Québec. Leurs gestionnaires comprennent que, plus tôt que tard, elles auront à renégocier leurs contrats d’approvisionnement d’énergie.
Revoir régionalement la gestion du lac aux 10 ans
Comme le système actuel avec RT, à mon avis ne fonctionne plus, nous devrions formuler nous même un nouveau pacte avec RTA. Comment ? En s’assurant que dorénavant, le mode de gestion du Lac-St-Jean soit systématiquement revu à tous les dix ans et par un processus qui impliquera directement les décideurs régionaux. Le changement de rapport de force qui en découlerait, entre la région et RT, amènerait graduellement la multinationale à retrouver un vrai intérêt, à maximiser ses retombées régionales chez-nous.
Bien entendu, RT ne doit pas nécessairement être le promoteur direct de tous les projets qui pourraient éventuellement se développer, mais elle pourrait certainement en être le facilitateur. Ainsi, pour maintenir ses conditions d’utilisation avantageuses du Lac-St-Jean, RT ferait certainement preuve de toutes sortes d’initiatives et d’innovations qui ne pourraient être que bénéfiques pour la région. Comme nous avons déjà un comité de suivi région-gouvernement/RT pour la gestion du Lac-St-Jean, nous pourrions en créer un qui, à l’échelle de toute la région, pourrait s’assurer du suivi et du respect des engagements économiques de la multinationale. Et pourquoi-pas aussi de Résolu et des autres grands joueurs socio-économiques installés dans la région. Soyons-en certains, la relation entre RTA-et la région ne se rééquilibrera pas toute seule et c’est d’abord à nous les citoyens et décideurs du Saguenay-Lac-St-Jean, de prendre les choses en main pour que ça change !