SAGUENAY – La croissance économique du Saguenay–Lac-Saint-Jean sera peut-être moins forte en 2019-2020 qu’elle ne l’était en 2017-2018, selon les prévisions économiques publiées par Desjardins. Toutefois il pourrait en être autrement au cours des prochains mois si l’on tient compte de l’impact des grands projets en développement, notamment celui de Métaux BlackRock (MBR), qui vient de débuter le déboisement du site de sa fonderie de Saguenay.

Les prévisions de croissance économique n’incluent actuellement pas ces projets, même si celui de MBR vient de commencer, mais pourraient être revues à la hausse le cas échéant. « Il vaut mieux faire preuve de prudence quand on fait des prévisions au niveau régional. […] Pour Métaux BlackRock, je vais voir au courant de l’année. C’est un projet de 650 M$, qui devrait s’additionner à l’économie régionale assez rapidement. Selon quand les fonds seront injectés, […] ça pourrait justifier une révision à la hausse. Je vais voir l’évolution et, quand l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) va faire son enquête annuelle, on pourra voir l’impact de MBR », indique l’économiste Chantal Routhier, qui a participé à la réalisation des prévisions de Desjardins.

Desjardins prévoit donc une hausse du produit intérieur brut (PIB) nominal moins rapide qu’au niveau provincial pour les deux prochaines années, soit 2,4 % en 2019 et 1,4 % en 2020. Les investissements de la région auraient d’ailleurs diminué de 5 % en 2018, selon les prévisions de l’ISQ. Une autre baisse pourrait être observée cette année, avant de retrouver une tendance à la hausse en 2020. « Il y a eu un gros bond de 19 % en 2017. Le recul de 5 % n’est pas inquiétant, surtout compte tenu du 19 % d’augmentation de l’année précédente et des grands projets qui s’en viennent. […] Si l’on voyait une baisse de 5 à 10 % par an, année après année, là ce serait inquiétant », explique Mme Routhier.

Rappelons que les investissements dépendent des projets en cours et que les pics d’investissements de plusieurs sont terminés, alors que d’autres sont à venir, ce qui influence les statistiques. Notamment, Rio Tinto devrait injecter 710 M$ dans la région d’ici 2025, dont 250 M$ à la raffinerie Vaudreuil, dont les travaux ont débuté l’an passé, et 200 M$ à l’usine d’Arvida. Le début de la construction de la ligne Micoua-Saguenay par Hydro-Québec, prévu en 2019, vient s’ajouter. Les retombées économiques des travaux de sous-traitance accomplis dans la région pour ce projet sont estimées à 15 % de sa valeur de632,6 M$.

Aluminium

L’abandon des tarifs douaniers sur l’aluminium des États-Unis et du Canada est vue d’un bon œil par l’économiste de Desjardins, qui apporte toutefois un bémol. « Ça diminue de beaucoup l’incertitude. Toutefois, l’Accord Canada-États-Unis-Mexique n’est pas encore ratifié et des tensions commerciales subsistent au niveau international. […] On espère que ce soit favorable au secteur. L’incertitude retient les projets et investissements, mais le marché de l’aluminium évolue à l’international et d’autres éléments peuvent venir influencer le prix des matières et les décisions », analyse-t-elle.

Même si la levée des tarifs ne signifie par forcément l’annonce de nouveaux investissements, il s’agit tout de même d’une nouvelle positive pour la région. « Ça laisse penser que ce qui est annoncé ou en cours pourra se poursuivre ou s’accélérer », souligne Chantal Routhier.

Par ailleurs, la volonté de Rio Tinto de se positionner comme leader sur le marché de l’aluminium vert, notamment grâce à la certification Aluminium Stewardship Initiative, lui permet de se distinguer de la concurrence et d’ouvrir de nouveaux marchés. La venue du projet Elysis dans la région constitue également une opportunité pour le milieu de se positionner dans ce créneau d’avenir, croit l’économiste.

Main-d’œuvre

Le défi de la main-d’œuvre préoccupe de plus en plus les entreprises de la région, dont certaines peinent à pourvoir les postes disponibles. Même si le taux de chômage de la région devrait être parmi les cinq plus élevés au Québec en 2019-2020, atteignant 5,4 % en moyenne pour ces deux années, il se trouve à peine plus élevé que celui de l’ensemble de la province, à 5,1 %. Il s’agit en outre d’un creux historique, ce qui, combiné à la tendance baissière du taux d’emploi et d’activité, représente bien le défi auquel fait face le marché du travail. « On a perdu un bon 5 % au niveau du taux de chômage au Saguenay–Lac-Saint-Jean depuis plusieurs années. Cette diminution est plus prononcée que dans le reste du Québec », affirme Mme Routhier.

L’économiste explique que, dans la région, la baisse du taux de chômage n’est pas liée à la performance du marché de l’emploi, mais bien au vieillissement de la population. La population active (15 à 64 ans) affiche notamment une tendance baissière depuis 2012, alors que l’âge médian s’accroît (49,9 ans en 2017). Ainsi, les besoins d’emplois proviendront à plus de 98 % de départs à la retraite sur l’horizon 2017-2021, selon les données d’Emploi Québec. « Oui, il y a de la création d’emploi au Saguenay–Lac-Saint-Jean, mais presque tous les emplois à combler seront des départs à la retraite », estime Chantal Routhier, qui précise que le taux de chômage est donc de moins en moins un indicateur de la vitalité économique d’un milieu.

Mentionnons que plusieurs stratégies et initiatives ont été mises en place pour répondre aux enjeux que le marché du travail présente. « Ça va tout de même relativement bien. Il y a des projets qui pourraient se réaliser ou sont en cours. On n’est pas dans une économie moribonde », conclut Mme Routhier.