SAGUENAY - Dans un contexte où l'achat local est souvent perçu comme coûteux, Aliments Fabbrica s'emploie à redéfinir cette perception. Avec une production basée entièrement au Saguenay-Lac-Saint-Jean, l'entreprise mise sur une production innovante et accessible pour se tailler une place dans l'industrie des condiments dominée par des multinationales.


" Nous croyons que l'achat local ne doit pas être forcément synonyme de produit de luxe. Nos produits, comme notre mayonnaise, sont à prix équivalent avec les grandes marques américaines ", affirme Carl Huth, directeur général d'Aliments Fabbrica. Dans une période inflationniste, le DG est d'avis que, pour compétitionner à armes égales, un produit transformé localement doit être vendu à prix compétitif des grandes marques qui dominent les parts de marché.

Production locale automatisée

Installée en plein cœur du parc industriel de Chicoutimi, au pied du château d'eau, l'usine d'Aliments Fabbrica, propriété de Steeve Keegan, Éric Larouche, Stéfano Faita, Lino Chimaglia et Carl Huth, est le reflet d'une vision ayant à cœur la transformation locale. Avec un investissement de près de cinq millions de dollars réalisé en 2022, l'entreprise a modernisé sa chaîne de production pour atteindre les standards de l'industrie 4.0. Cette ligne de production automatisée permet de fabriquer jusqu'à 25 000 pots de mayonnaise par jour et des formats variant des portions individuelles, des pots de 500 ml, mais aussi de gros formats en vrac, tout en respectant les plus hauts standards de qualité.

Des contrats stratégiques

Des partenariats stratégiques révèlent aussi une autre facette de Fabbrica : la preuve qu'une production alimentaire régionale peut rivaliser avec les grands centres. L'entreprise collabore avec des distributeurs majeurs pour desservir les épiceries, tout comme les hôtels, restaurants et institutions (HRI). Ses produits sont d'ailleurs catalogués auprès des trois plus importants grossistes alimentaires du pays : Gordon, Sysco et Colabor. Pour parvenir à ses fins, l'entreprise mise sur des solutions de transport optimisées pour éviter que des camions qui arrivent dans la région ne repartent vides, maximisant ainsi l'efficacité logistique tout en réduisant les coûts.

Bien que la majorité de ses collaborations et son chiffre d'affaires soient attribuables à la production pour des marques privées, dont leurs identités demeurent confidentielles, Fabbrica est fière de ses réalisations et de pouvoir en profiter pour développer ses propres produits. La récente obtention d'un important contrat d'approvisionnement avec le Centre d'acquisition gouvernemental de l'ouest du Québec, destiné aux hôpitaux, est un jalon important pour l'entreprise. " C'est une immense fierté de savoir que notre mayonnaise est servie dans les hôpitaux de l'ouest de la province, surtout qu'elle a moins de sodium, donc elle est idéale pour les patients ", souligne M. Huth.

Rappelant au passage que les gouvernements doivent s'impliquer davantage en resserrant notamment les règles d'approvisionnement de ses établissements pour prioriser davantage les produits du Québec, Carl Huth se positionne en faveur de changements dans les politiques d'appels d'offres et d'approvisionnement. " Dans un contexte où Embouteillage Canada déclare faillite, je ne peux qu'être en accord sur le fait que la fonction publique doit faire encore plus d'efforts dans la stratégie d'approvisionnement québécoise. Mon gros format de mayonnaise est moins cher que la compétition, mais, comme je dois l'envoyer au distributeur qui a son entrepôt à l'extérieur, des établissements comme le CIUSSS régional utilisent une grande marque parce que les coûts de transport font grimper les prix ", indique-t-il, rappelant que les institutions publiques représentent une part non négligeable de revenus pour des transformateurs alimentaires. " La fermeture d'Embouteillage Canada est loin d'être agréable. Le gouvernement doit vraiment en faire plus et bouger rapidement pour mieux soutenir l'écosystème agroalimentaire québécois, mais surtout des régions pour éviter de tuer à petit feu ceux qui ont fait le pari, comme nous et Canada Sauce, de s'établir dans une région qui a tout le potentiel de réussir ", soutient l'homme d'affaires.

R&D : au cœur de l'offre

Au-delà de la simple production, Fabbrica se distingue par son expertise en recherche et développement (R&D). " Nous accompagnons nos clients à chaque étape, de la création de prototypes jusqu'à la distribution. Un client peut même faire appel à nous uniquement pour la R&D ", explique Fatma Aloui, docteure en industrie agrotechnologique et responsable du département recherche et développement. Cette capacité d'adaptation permet de concevoir des produits variés, comme des mayonnaises véganes ou des recettes adaptées aux besoins des HRI.

Derrière le succès du transformateur se trouve une équipe soudée et polyvalente, composée d'experts en transformation alimentaire, en contrôle qualité et en innovation. Chaque membre joue un rôle clé dans la conception, la production et la distribution des produits. " Chaque pot vendu représente le travail acharné et la passion de notre équipe ", souligne M. Huth, mettant en lumière l'importance du savoir-faire local dans chaque étape de la chaîne de valeur.

Vision locale et ambitions internationales

Avec 5 % de ses ventes attribuées à ses propres produits et 95 % reliées à sa production pour ses partenaires, Fabbrica cherche à consolider sa présence au Saguenay-Lac-Saint-Jean avec son produit phare. " Nous voulons être dans tous les frigos des Saguenéens et Jeannois ", affirme Carl Huth. L'entreprise prévoit également d'obtenir une licence fédérale, un processus complexe, mais essentiel pour exporter ses produits vers les États-Unis.

En plus de mettre de l'avant l'achat local, Fabbrica s'engage à offrir des produits frais et de qualité, parcourant moins de kilomètres et contenant moins de sel que les grandes marques. " Avec le départ de certains transformateurs de la région, nous voulons prouver qu'il est possible de transformer ici et de réussir. Les épiciers collaborent bien, mais au final, c'est le consommateur qui a le dernier mot ", conclut M. Huth.