SAGUENAY – Le projet de Centre de valorisation de la biomasse (CVB) de Saint-Félicien, estimé à 12 M$, pourrait se concrétiser en 2022, puisqu’il ne reste qu’à confirmer le financement des gouvernements provincial et fédéral, pour lesquels les promoteurs prévoient avoir une réponse d’ici la fin de l’année.
Ce complexe, qui mise largement sur l’économie circulaire, permettrait de valoriser les résidus laissés en forêt par les activités de récolte, dont la cime des arbres. Une portion serait destinée à la production de granules industrielles, une autre pour le chauffage d’entreprises à proximité et des projets de petite biomasse à grande valeur. Un certain volume permettrait à la centrale de cogénération Greenleaf Power, de combler la biomasse manquante pour sa production électrique. Il faut préciser que cette centrale, construite au début des années 2000, avait été conçue pour une consommation d’écorces beaucoup plus grande que celle que peuvent lui fournir les scieries régionales aujourd’hui. Même au minimum de sa capacité de production, il lui manque encore près de 30 000 tonnes de biomasse par année.
Le transport, un enjeu important
Aller chercher la biomasse en forêt représente toutefois un coût trop élevé pour une usine de cogénération, même en partageant avec d’autres petits projets. « Il fallait créer un projet qui allait créer l’inertie de la mise en place du centre de valorisation de la biomasse. On a proposé de créer une petite production de granules industrielles. On parle de 30 000 tonnes, c’est vraiment petit. On l’enverrait aux installations de Granules 777 à La Baie pour qu’ils puissent l’envoyer à leurs clients en Europe. Ils ont démontré un intérêt à ce qu’on envoie 30 000 tonnes dans leurs silos. […] On est encore en discussion avec eux », indique Pascal Turcotte, directeur de l’usine de cogénération, qui pilote ce dossier.
Un concept intégré
Dans le cadre du projet du CVB, les cimes des arbres seraient transportées à l’usine de Greenleaf Power, pour y être broyées, écorcées et conditionnées. La centrale de cogénération n’utiliserait que les écorces sèches, alors que les fibres « propres », ou cœur de la cime, recherchée dans les autres projets de valorisation de la biomasse, seraient destinés aux granules et autres utilisateurs. La ferme Olofée, Pavex, et le projet du village alpin au Tobo-Ski ont notamment manifesté leur intérêt à utiliser la biomasse pour remplacer les énergies fossiles pour le chauffage de leurs installations.
Les installations de production de granules seraient construites directement sur les terrains de l’usine de cogénération, permettant de consolider ses ressources humaines et de créer deux à trois nouveaux emplois partagés entre l’usine et le CVB. Alors que la production de biomasse sèche requiert normalement l’utilisation d’énergie pour le séchage de la fibre, le projet du CVB permettrait aussi d’utiliser les rejets de chaleur générés par l’usine de cogénération, grâce à l’ajout d’un réseau d’échanges thermiques pour faire fonctionner les équipements. « On n’a pas besoin de créer de la nouvelle énergie. On n’a pas besoin d’augmenter la quantité d’énergie produite. On peut, à partir de nos rejets thermiques actuels, alimenter un séchoir et sécher la fibre pour d’autres utilisateurs, que ce soient le projet de granules ou les trois clients de chauffe locaux. Ça va, du même coup, augmenter l’efficacité de notre centrale thermique », souligne M. Turcotte.
Par ailleurs, les équipements de production de granule seront installés à même des modules-conteneurs. « Ça diminue de beaucoup les coûts de construction et ça fonctionne aussi bien pour de petites productions comme la nôtre. Ces équipements peuvent par la suite être démontés et revendus, si nécessaire », note le directeur de l’usine.
Plusieurs partenaires
Le projet de CVB est celui qui a été retenu comme prioritaire dans la région pour le domaine forestier dans le cadre des projets de relance économique soumis au gouvernement. Il réunit plusieurs partenaires, dont la centrale de cogénération, la MRC du Domaine-du-Roy et la Ville de Saint-Félicien. Cette dernière, propriétaire des rejets thermiques, est un partenaire stratégique naturel du projet afin de permettre l’utilisation de la chaleur résiduelle pour alimenter les équipements de séchage et de production de granules.
La MRC, par sa Table de bioéconomie, travaillait aussi sur un projet de CVB, mais « de petites productions à grande valeur », comme des biocides, des huiles essentielles, etc. Puisqu’il est plus difficile pour ce type de projet de se développer en raison des très petites quantités nécessaires, la MRC s’est donc greffée au projet de Greenleaf Power comme l’un des petits utilisateurs. Elle a également investi dans le CVB par l’acquisition d’un broyeur électrique.
Selon le préfet de la MRC, Yannick Baillargeon, il s’agit d’un projet porteur pour toute la région, alors que le regroupement des différents acteurs permet d’assurer une pérennité. « En greffant les projets ensemble, on a un bel amalgame, parce qu’on a une sécurité financière avec l’usine de granules industrielles, et on peut greffer les petits projets à cette usine-là. […] Beaucoup de choses vont pouvoir se développer alentour », affirme-t-il.
M. Baillargeon est confiant d’obtenir des réponses positives pour les demandes de financement. « Il y a déjà des demandes qui ont déjà été faites au gouvernement. Les acteurs des tables auxquelles le projet a été présenté étaient emballés. On pense que ça peut être reçu favorablement », conclut-il.