La loi C-18 sur les nouvelles en ligne a été adoptée à la fin du mois de juin par la Chambre des communes. Lorsque cette législation sera appliquée, au plus tard en décembre, Google et Meta, ce dernier propriétaire de Facebook et Instagram, devront cesser d'utiliser impunément l'information diffusée par les entreprises de presse canadiennes pour alimenter leurs réseaux sociaux.
Le ministère du Patrimoine estime que pas moins de 500 salles de rédaction à travers le Canada ont dû mettre la clé sur la porte ces dernières années en raison de ce comportement douteux.
L'Australie a eu le dessus en 2021 sur ces géants du Web au nom de la même cause.
Selon le professeur de l'UQAM Jean-Hughes Roy, cité par Noovo, Meta a récolté en 2022, au Canada seulement, entre 3,7 et 4 milliards $ en revenus publicitaires. La même année, cette entreprise, propriété du multimilliardaire américain Mark Zuckerberg, a réalisé un bénéfice de plus de 23 milliards $ US. Google n'a pas été en reste, empilant dans ses coffres un pactole de 60 milliards $ US.
Meta met ses menaces à exécution
Google et Meta ont promis une solide riposte à la loi C-18 en bloquant sur leurs applications l'accès aux nouvelles en provenance des médias canadiens. Meta est en train de mettre sa menace à exécution. Google semble vouloir temporiser, à tout le moins pour le moment.
Au début de l'été, la classe politique et le monde québécois des affaires ont été les seuls à prendre des mesures dans le but de contrecarrer la stratégie de Meta. Jusqu'au début du mois d'août, le reste du pays tardait encore à agir. Heureusement, la situation semble sur le point d'évoluer. CBC–Radio-Canada, Médias d'Info-Canada et l'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) viennent de demander au Bureau de la concurrence de lancer une enquête sur le blocage des nouvelles décrété par Meta. Celui-ci accepte de se pencher sur le dossier.
Le gouvernement Legault, les municipalités, des agences de publicité et des entreprises ont déjà retiré en partie ou en totalité leurs publicités des plateformes de Meta-Facebook-Instagram. Loto-Québec, la Société des alcools, les formations politiques autres que la CAQ représentés à l'Assemblée nationale et l'Association des agences de communications ont initié ou encouragent un mouvement de boycottage qui invite les entreprises publiques et privées à consacrer au moins 25 % de leur budget de publicité aux médias locaux. Cette offensive tarde encore à se mettre en place dans certains milieux, mais la volonté d'agir est manifeste.
La réaction a été plus lente du côté d'Ottawa. Le Bloc québécois s'est empressé, dès le mois de juillet, de retirer sa publicité de Facebook. Paradoxalement, le Parti libéral, dont le chef est Justin Trudeau, a continué d'annoncer sur cette plateforme. Le Nouveau parti démocratique (NPD) s'est rangé du côté du gouvernement après s'être fait un peu tirer l'oreille. Les Conservateurs (PCC) ont voté contre le projet de loi C-18 dès sa présentation à la Chambre des Communes.
L'info à la source, c'est pourtant facile
Un récent sondage Angus Reid démontre que 63% des Canadiens se disent préoccupés par la possibilité de perdre de manière définitive l'accès aux actualités canadiennes sur Facebook et Google. Pourtant, il leur suffirait de deux ou trois clics pour accéder directement aux sites de la presse locale, nationale ou mondiale.
Meta et Google se comportent de manière insolente face au gouvernement canadien et, partant, face à la population qui l'a élu. Pire, le piratage devenu institutionnel auquel ils s'adonnent constitue une menace directe contre laquelle doivent se prémunir les médias traditionnels dans la façon de livrer l'information. Ne serait-ce que pour ces raisons, ces géants doivent être mis au pas. S'il le faut, sans mettre de gants blancs.