SAGUENAY – Le budget présenté par le ministre des finances, Carlos Leitão, le 27 mars, a suscité de nombreuses réactions à travers la province. Informe Affaires regroupe ici quelques-uns des commentaires présentés par divers acteurs économiques.

La plupart des acteurs économiques provinciaux accueillent favorablement ce nouveau budget du gouvernement Couillard. Selon l’analyse de Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT), « même si les nombreuses mesures annoncées aujourd'hui replongeront le Québec en déficit pour les deux prochaines années, le cinquième budget du ministre Carlos Leitão propose des mesures appréciables pour favoriser l'essor des entreprises québécoises ».

L’Ordre des CPA du Québec va également en ce sens. « Avec ce budget, le Québec prend les moyens pour relever les défis de l'économie numérique et assurer l'équité fiscale pour les Québécois », a déclaré par voie de communiqué Geneviève Mottard, CPA, CA, présidente et chef de la direction de l'Ordre.

Allègements fiscaux bien reçus

Les allègements fiscaux étaient notamment attendus par les PME et ont été bien reçus. L’Association de la construction du Québec (ACQ), le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD) et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), de même que la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et la Fédération des chambres de commerce du Québec ont salué ces mesures. Le CCCD regrette toutefois que ces mesures ne s'appliquent pas à l'ensemble du secteur, compte tenu les spécificités du commerce de détail et l'impact des changements sur l'ensemble de sa masse salariale.

« Les baisses de la taxe sur la masse salariale et du taux d'imposition des PME annoncées aujourd'hui généreront à terme des économies d'environ 600 millions de dollars par année pour les PME. Bien qu'inférieures à la facture qui leur a été refilée avec la hausse du salaire minimum et la bonification des normes du travail, ces économies leur permettront quand même de souffler un peu et de préserver une certaine compétitivité. On peut dire qu'en matière de fiscalité des PME, nous sommes en chemin pour rattraper les autres provinces canadiennes », affirme par voie de communiqué Martine Hébert, M. Sc. Écon., vice-présidente principale et porte-parole nationale de la FCEI.

La FCEI note avec satisfaction que le budget prévoit une diminution du taux d'imposition dans le secteur des services et de la construction. Cela ramènera les entreprises de ces secteurs (restauration, hébergement…) au même taux d'imposition que les PME des secteurs manufacturier et primaire et rapprochera le Québec de la moyenne d'imposition dans le reste du Canada, qui est de 2,5 %. Cette mesure représentera à terme des économies d'environ 275 millions de dollars par année pour les PME de ces secteurs.

Le budget comporte également des baisses importantes des cotisations au Fonds de services de santé (FSS) qui représenteront des économies moyennes d'environ 340 millions de dollars par année pour les PME visées. « Même si en pourcentage cela peut paraître peu, lorsqu'on regarde les faits sur une PME qui a une masse salariale d'un million de dollars, cela pourrait représenter à terme une économie de 10 000 dollars par année et d'environ 44 000 dollars par année pour une PME dont la masse salariale est de 5 millions de dollars », mentionne Mme Hébert.

Main-d’œuvre et entrepreneuriat

La FCEI note avec satisfaction que le gouvernement annonce des investissements supplémentaires de 800 millions de dollars afin de permettre aux employeurs de combler leurs besoins de main-d'œuvre. Elle avait demandé plusieurs de ces mesures.

Raymond Chabot Grant Thornton accueille très favorablement le Plan d'action gouvernemental en entrepreneuriat 2017-2022 rendu public le 23 mars dernier. Chercher à stimuler l'entrepreneuriat et à encourager le transfert d'entreprise sont prioritaires pour un Québec fort. « Cependant, pour un transfert intergénérationnel d'entreprise efficace et structurant, le présent budget aurait eu avantage à éliminer les conditions actuelles imposées par le gouvernement et qui n'encouragent pas la reprise familiale. Rappelons que les propriétaires doivent respecter des conditions très contraignantes afin d'éviter les abus, par exemple, en effectuant un transfert complet, et non partiel, de l'entreprise et en n'y ayant plus de participation après la vente », a ajouté le vice-président régional de RCGT et leader national en transfert d'entreprise, Eric Dufour.

Exportations

De son côté, le Conseil consultatif sur l'économie et l'innovation (CCEI), formé de 32 leaders socioéconomiques du Québec sous la présidence de Mme Monique F. Leroux, se réjouit de la création du Réseau200 confirmée aujourd'hui dans le Discours du budget livré par le ministre des Finances du Québec, M. Carlos Leitao.

Le réseau200 vise à stimuler l'internationalisation des PME en réunissant des entrepreneurs qui arrivent à cette étape de leur développement où des marchés internationaux deviennent accessibles. Le Réseau200 réunira ces entrepreneurs dans un forum de pairs appuyé par des leaders établis du monde des affaires. La contribution gouvernementale de 10 millions de dollars sur 5 ans permettra d'organiser rapidement les activités du Résau200.

Commerce en ligne

L'Ordre des CPA se dit heureux de voir certaines de ses préoccupations prise en compte dans le budget 2018-2019. Parmi celles-ci, la plus importante est la perception de la taxe de vente sur le commerce en ligne, qui se décline de trois façons : perception obligatoire de la taxe de vente sur les services et biens incorporels vendus depuis l'étranger, perception obligatoire sur les biens et services corporels et incorporels venant du reste du Canada, avec l'inscription obligatoire des fournisseurs canadiens au Registre des entreprises, et des engagements concrets à rendre plus efficace la perception des taxes aux frontières. Selon l’Ordre, « bien que complexes à mettre en œuvre, ces mesures permettront avec le temps de corriger une iniquité fiscale qui désavantage les entreprises d'ici ».

Pour Marc Fortin, président du CCCD Québec, le budget est toutefois très timide en ce qui concerne un enjeu majeur pour les détaillants québécois. « Nous saluons la volonté gouvernementale d'agir face à la problématique de la perception des taxes dans le commerce électronique. Les solutions ne sont toutefois pas simples et les initiatives et projets pilotes annoncés aujourd'hui devront déboucher sur des mesures et des résultats concrets si on veut préserver la compétitivité des détaillants d'ici et garder les emplois au Québec. Il reste donc beaucoup de travail à faire; c'est pourquoi nous travaillons déjà sur cet enjeu avec le gouvernement fédéral dans le cadre des négociations de l'ALÉNA, et nous réitérons notre appui au gouvernement du Québec afin que les règles du commerce s'appliquent équitablement à tous », a-t-il déclaré dans un communiqué.

La forêt

Le président directeur général du Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ), M. Denis Lebel, accueille favorablement les mesures liées au secteur forestier dans le budget 2018-2019 du gouvernement québécois.

Il se réjouit notamment de la bonification des sommes allouées au programme Innovation Bois, du soutien à la mise en valeur de la forêt privée, des nouvelles initiatives pour lutter contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette, du reboisement additionnel en forêt publique et de l’appui à l'industrie par des solutions de matrice, notamment pour assurer la formation d'une main-d'œuvre hautement qualifiée pour répondre aux besoins des entreprises forestières.

Les mines

L'Association minière du Québec (AMQ) juge intéressantes les mesures présentées par le gouvernement du Québec dans son Budget 2018-2019, bien qu'elle espérait plus afin de permettre une diminution des coûts d'opération des sociétés minières. « Ce budget ne contient aucune surprise, mais propose tout de même des mesures que demandait l'industrie minière afin de l'appuyer en matière de développement durable et nous les accueillons avec satisfaction », a déclaré Josée Méthot, présidente-directrice générale de l'AMQ.

Pour l'AMQ, la mesure la plus intéressante du Budget est celle prévoyant la possibilité, pour les sociétés minières, de pouvoir dorénavant déduire dans le calcul de leur impôt minier une partie des frais encourus pour réaliser les études d'impact social et environnemental de leur projet. « Le développement de projets miniers apporte son lot d'exigences pour réaliser les études d'impact social et environnemental, exigences parmi les plus importantes de tous les secteurs industriels. En permettant de déduire ces frais, le gouvernement reconnaît que les sociétés minières doivent en faire beaucoup et leur apporte une bouffée d'air », a poursuivi Mme Méthot.

Parmi les autres mesures à mentionner, notons :

  • Le financement des travaux de Géologie Québec pour soutenir l'acquisition de connaissances géoscientifiques, la première étape du processus de développement minier;
  • Le soutien aux entreprises minières réalisant des travaux de réfection majeurs sur des chemins d'accès multiressources sur le territoire du Plan Nord;
  • L'appui à différents organismes de recherche spécialisés dans les technologies appliquées au secteur minier, notamment COREM pour le traitement et la transformation des substances minérales;
  • Le soutien aux nouvelles cibles de recherche en lien avec les nouvelles réalités auxquelles fait face l'industrie minière (GES, normes environnementales, électrification des mines, etc.);
  • Les mesures visant à réduire l'empreinte environnementale de l'exploitation minière, notamment en améliorant la valorisation des résidus miniers;
  • La poursuite des investissements à la Société ferroviaire et portuaire de Pointe-Noire afin notamment de répondre aux besoins des sociétés minières pour le transbordement;
  • L'appel de projets en vue de déterminer un ou des fournisseurs qui assureront la desserte de gaz naturel liquéfié sur le territoire du Plan Nord.

Les infrastructures

Le gouvernement a décidé de maintenir le cap du Plan québécois des infrastructures pour les 5 prochaines années, tout en bonifiant les investissements pour les 5 années subséquentes. « En maintenant son budget de 9,6 milliards l'an prochain, le gouvernement choisit la voie de la continuité. Nous aurions tout de même préféré que le gouvernement accélère ses investissements, surtout quand on sait que le déficit d'entretien des infrastructures publiques était évalué à 17,6 milliards de dollars l'an dernier », souligne l'économiste de l'ACQ, Jean-Philippe Cliche.

Préoccupations

L'Ordre des CPA se réjouit également que la vigueur économique du Québec et la bonne santé de ses finances publiques permettent au gouvernement d'amorcer le remboursement de la dette. Bien qu'il s'agisse d'une bonne nouvelle en soi, l'Ordre estime néanmoins primordial d'entreprendre une réflexion collective afin d'adopter une politique claire de décaissement du Fonds des générations aux fins du remboursement de la dette qui soit transparente et basée sur la gestion des risques.

L'Ordre est également préoccupé par l'utilisation de la Réserve de stabilisation pour équilibrer le budget des trois prochains exercices financiers. Conçue pour permettre au gouvernement d'absorber un choc financier résultant d'une récession économique ou d'une autre situation imprévue, la Réserve de stabilisation semble être maintenant considérée comme une marge de manœuvre budgétaire supplémentaire. L'Ordre souhaite donc qu'une réflexion approfondie soit menée afin de définir formellement le niveau optimal de la Réserve de stabilisation qui permettrait de se prémunir adéquatement contre les imprévus, de même que les conditions et paramètres à respecter pour y avoir recours.

« La Réserve de stabilisation et le Fonds des générations constituent en quelque sorte nos bas de laine collectifs. Il faut donc les gérer avec vision et rigueur. Alors que l'économie se porte bien et que le gouvernement dégage de nouvelles marges de manœuvre budgétaires, le moment est opportun pour s'interroger sur les paramètres de gestion de ces fonds », précise présidente et chef de la direction de l'Ordre.

Même son de cloche du côté de RCGT. « Nous sommes ravis que le Fonds des générations serve à rembourser partiellement la dette du Québec au cours des cinq prochaines années. L'État ne doit pas faire son développement au détriment des générations futures. La rigueur de la gestion de la dette est donc un enjeu crucial. Cependant, il aurait été de mise de conserver une rigueur budgétaire et de ne pas replonger le Québec en déficit pour les deux prochaines années, tel que le prévoit le scénario actuel », a conclu le président et chef de la direction, Emilio B. Imbriglio de RCGT.