N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Construction, une industrie en mutation publié dans notre édition du mois de février.
SAGUENAY – Alors que la demande de logements au Québec continue de croître, le nombre d’unités résidentielles construites en 2023 a atteint un creux jamais vu depuis les vingt dernières années selon Guillaume Houle, porte-parole de l’Association de la construction du Québec (ACQ).
« Nous faisons face à une crise sans précédent à un moment où nous avons besoin plus que jamais de logements. C’est contre-intuitif de voir que nous construisons aussi peu pour une demande extrêmement forte, mais la raison est simple ; les conditions économiques actuelles sont loin d’être idéales et je crois que nous en avons encore pour plusieurs années », souligne M. Houle.
Selon la plus récente estimation de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), c’est près de 860 000 unités supplémentaires qui devront être construites d’ici 2030 pour rétablir l’équilibre du marché immobilier au Québec. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, seulement 1,3 % des logements étaient vacants en date de l’automne 2023.
Les chiffres de la SCHL montrent également que les prix des quelque 200 logements encore disponibles sur le marché sont extrêmement élevés, ayant augmenté jusqu’à 10% depuis 2020.
« Nous nous retrouvons dans une situation où il y a une pression énorme sur notre secteur. Les objectifs à atteindre d’ici 2030 sont irréalisables dans le contexte actuel. C’est pour ça que ça prend des actions concrètes de la part des différents paliers de gouvernement, des concertations entre les acteurs concernés, des programmes et des incitatifs financiers », ajoute-t-il.
Défis de taille
La rareté de la main-d’œuvre constitue un défi majeur dans le secteur de la construction, impactant à la fois les coûts, les délais de livraison et de production. En 2023, même avec une baisse significative de l’activité dans le secteur résidentiel, le manque de personnel était notable, avec un déficit estimé entre 12 000 et 10 000 travailleurs selon la période d’activité selon Guillaume Houle. La pénurie de main-d’œuvre n’est pas le seul défi en liste.
« Depuis le début de la pandémie, les coûts de production ont explosé, augmentant de 25 % en trois ans. Ensuite, les prêts accordés aux entrepreneurs sont beaucoup plus coûteux à rembourser en raison de l’augmentation des taux d’intérêt. De plus, les garanties financières demandées aux entrepreneurs ont presque doublé, exigeant désormais qu’ils possèdent entre 40 % et 60 % de la valeur du prêt en liquidités, en immobilier ou en terrains, par exemple. »
Piste de solutions
Guillaume Houle, porte-parole de la ACQ affirme que le Québec construit tranquillement des conditions gagnantes, permettant de faire face aux enjeux actuels. Cependant, selon lui, il reste encore plusieurs efforts supplémentaires à fournir afin d’envoyer un message clair aux promoteurs et entrepreneurs pour relancer le secteur résidentiel.
« En Ontario, le gouvernement fédéral a supprimé la TPS sur les nouvelles unités de logement locatif, et cette province a suivi en supprimant également la TVO pour ces mêmes unités locatives. Cela envoie un message clair incitant à la construction de logements, compte tenu du besoin urgent. Au Québec, le gouvernement a choisi d’investir dans le logement social et abordable. La prestation de 1,8 million de dollars pour 8000 unités sur cinq ans est une bonne chose, mais cela ne représente qu’une fraction du besoin réel au Québec », ajoute-t-il.
Concernant la main-d’œuvre et le démarrage de nouveaux chantiers, plusieurs initiatives ont été mises en place, telles que des programmes de formation accélérés et rémunérés, qui ont permis de pourvoir des milliers de postes dans le domaine.
De plus, la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau a déposé des amendements dans le cadre de son projet de loi 31, visant à accorder des pouvoirs supplémentaires aux municipalités pour accélérer l’octroi des permis pour les projets de construction.
« Actuellement, les différents paliers de gouvernement investissent massivement dans la construction et la réfection d’écoles, d’hôpitaux, de centres pour aînés, comme en témoigne le plan québécois des infrastructures avec ses 150 milliards de dollars annoncés sur les dix prochaines années. Cependant, le déficit d’entretien des infrastructures continue d’augmenter, dépassant les 30 milliards de dollars. Nous devons donc investir davantage pour nous assurer que nos écoles, nos hôpitaux, nos routes et autres infrastructures soient rénovées et conformes aux nouvelles réglementations », conclut Guillaume Houle.