N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Le secteur forestier en changement, publié dans notre édition du mois d'avril.
SAINT-PRIME – Plus de 4 millions d'hectares de forêt ont brûlé au Québec en 2023 selon la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU). Avec l'arrivée précoce du printemps en 2024, comment les professionnels de la foresterie ont-ils tiré des leçons de l'année précédente et comment se préparent-ils pour la prochaine saison ?
« En tant qu'entrepreneurs, nous ne pouvons pas faire grand-chose. La plupart des solutions reposent entre les mains de nos clients et du ministère des ressources naturelles. Il faut avoir une planification forestière nous permettant d'agir en cas de feux. Nous avons du mal à avoir une planification de récolte efficace en situation normale, quand il y a un feu, on se retrouve avec une programmation déséquilibrée qu'on avait déjà du mal à obtenir », souligne Stéphane Dufour, directeur général et copropriétaire de Groupe Val.
Année record
Plusieurs entrepreneurs généraux du secteur forestier ont été contraints de suspendre leurs activités pendant quelques semaines en raison des incendies dans certaines zones. C'est notamment le cas de Groupe Val, qui a interrompu la récolte et la construction de chemins pendant près de trois semaines à l'été 2023.
« Chaque année, nous savons qu'il y a un risque, mais presque trois semaines en arrêt, c'était un record. Nous avons quand même maintenu nos employés au travail en les redirigeant vers d'autres tâches connexes. Cette interruption des activités représente plusieurs défis ; cela équivaut à près d'un million de dollars sur le chiffre d'affaires, sans compter que notre planification pour l'été 2023 a été chamboulée. Nous avons dû nous occuper des feux et procéder à la récupération rapide du bois brûlé au lieu de respecter nos engagements habituels », mentionne M. Dufour.
Le secteur de la production a également été fortement touché par l'arrêt des activités. Selon Produits forestiers Résolu, il est essentiel d'avoir une diversification des secteurs pour pouvoir avoir recours à un plan de contingence B, C ou D, étant donné que tous dépendent des conditions météorologiques.
« Les semaines où la récolte a été interrompue ont été très problématiques pour le secteur de la production malgré nos réserves de bois. Les délais pour exploiter les zones brûlées ont entraîné un gaspillage important. Environ 10 % des bois brûlés sont déclassés même s'ils respectent les normes. Nous utilisons un mélange de bois vert et de bois brûlés lors du sciage pour limiter les défauts dans les paquets vendus », illustre David Boivin, directeur des ressources humaines pour Produits forestiers Résolu et pour la Coopérative forestière de Petit Paris.
S'adapter pour préserver
Le dégel hâtif des dernières semaines suscite des inquiétudes chez les entrepreneurs forestiers. Bien qu'il y ait encore une petite couverture de neige en forêt, Sébastien Dufour reste craintif et espère que les conditions seront moins extrêmes que l'année dernière.
« Nous avons anticipé la récolte pour faire face aux conditions météorologiques. Heureusement, nos employés sont très compréhensifs, ce qui est crucial étant donné l'incertitude de la saison. Maintenir l'accès au territoire est primordial. Bien que souvent négligé, c'est d'une importance capitale. Plus nos accès sont vastes, plus nous pouvons intervenir rapidement et efficacement », ajoute le directeur général et copropriétaire de Groupe Val.
« Le problème des incendies de forêt réside surtout dans leur récurrence sur le même territoire. Les feux sont naturels et nécessaires pour régénérer la forêt, mais des incendies successifs appauvrissent le territoire, le rendant plus difficile à réhabiliter. Nous souhaitons une augmentation des travaux sylvicoles pour remettre en production ces forêts », renchérit David Boivin.