Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Agriculture et agroalimentaire : cultiver l'avenir de la région, publié dans notre édition du mois de juillet.

SAGUENAY – Fortement touchés par la conjoncture économique, les producteurs agricoles ont pris la parole depuis le début de 2024 afin de mettre en lumière un enjeu majeur du secteur : la détérioration financière des fermes au Québec. Des mesures ont été annoncées par le gouvernement en juin pour tenter de pallier cette problématique, mais il reste encore du travail à faire, selon l’Union des producteurs agricoles Saguenay–Lac-Saint-Jean (UPA SLSJ).

"Nous arrivons de moins en moins, pour plusieurs, à en vivre dignement, de façon économiquement rentable. Il y a plusieurs causes, […] mais ce qui nous a touchés le plus dans la région, c’est la conjoncture économique. […] Tout a augmenté, les revenus un peu aussi, mais il en manque beaucoup", dénonce le président de l’UPA SLSJ, Mario Théberge, référant à un sondage mené dernièrement par l’UPA [voir texte p.12-13].

Les six mesures annoncées par le gouvernement le 13 juin viendront soutenir les entreprises agricoles en difficulté, même si elles ne concerneront pas nécessairement les organisations qui ne sont pas déficitaires. La directrice régionale de l’UPA SLSJ, Lise Tremblay, voit d’un bon œil la bonification de l’initiative d’urgence mise sur pied par le gouvernement en 2023.

Celle-ci consiste en une garantie de prêt de fonds de roulement. Plusieurs critères seront revus, dont le relèvement du taux d’aide financière, la possibilité d’appliquer le soutien financier à un prêt déjà existant et l’ouverture à des non-clients de La Financière agricole du Québec (FADQ). Cela permettra de porter à environ 3 000 le nombre d’entreprises soutenues.

Le gouvernement prévoit aussi l’adaptation du Programme de protection contre la hausse des taux d’intérêt (volet Sécuri-Taux Relève) de la FADQ. "Toutes les entreprises de la relève vont avoir des prêts qui vont tomber à 4 % pour les deux prochaines années. Ça, c’est une bouffée d’air qui va être très bonne", souligne M. Théberge, qui rappelle que six jeunes de la relève sur dix doivent avoir un emploi extérieur pour arriver.

Travail à faire

S’ils sentent une belle ouverture et une volonté politique d’aider le secteur et les entreprises en difficulté, le président et la directrice régionale de l’UPA SLSJ considèrent qu’il reste du travail à faire "pour vraiment remettre un peu de sous dans les poches des producteurs". Ils surveilleront attentivement l’élaboration de la politique bioalimentaire du gouvernement. Ils veulent s’assurer que cette politique réponde vraiment aux enjeux des producteurs de la région.

"Nous allons mettre à l’avant-plan que les régions périphériques comme la nôtre sont désavantagées du point de vue agronomique et économique par rapport aux régions centrales. Ça va prendre des programmes adaptés pour nous aider", affirme Mario Théberge.

Selon lui, les producteurs des zones centrales sont avantagés par rapport au coût de transport, que ce soient pour l’achat des intrants ou pour l’exportation de leurs productions. Le climat est aussi différent d’une région à l’autre. "Les programmes sont encore mur à mur, mais les réalités sont différentes d’une région à l’autre, ce qui en handicape certaines", ajoute Lise Tremblay.

Le président de l’UPA SLSJ souhaiterait aussi voir un allègement du fardeau administratif gouvernemental. Le secteur fait affaire avec huit ministères québécois différents, qui ne se parlent pas forcément les uns avec les autres. "Les documents et les exigences sont toujours de plus en plus élevés. Ça ne finit plus. […] Il faut aussi que le MAPAQ et la Financière agricole soient plus concordants dans les programmes. Actuellement, on dirait qu’il n’y a pas de vase communicant", fait valoir M. Théberge.

Protection du territoire

Le gouvernement du Québec a d’ailleurs mené à bien une vaste consultation sur le territoire et les activités agricoles au cours des derniers mois, culminant avec une journée d’échanges le 17 mai. Les représentants de l’UPA SLSJ y ont mis de l’avant l’importance de la protection du territoire agricole. "Nous considérons que le gouvernement n’est pas toujours exemplaire dans ses décisions. Dans cette consultation, nous avons fait ressortir le fait que l’autonomie alimentaire et la protection du territoire, c’est un projet de société. Ce n’est pas juste aux agriculteurs de défendre le territoire", indique Mme Tremblay.

À la fin de la journée d’échange, de grands principes et des orientations ont été fixés. Parmi les objectifs ciblés, on retrouve zéro perte nette de territoire agricole, augmenter les superficies en culture, faciliter la pratique de l’agriculture et la cohabitation des usages, suivre et encadrer la propriété des terres agricoles, mieux déceler et sanctionner les infractions et augmenter l’efficacité de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ).

"Le registre des transactions foncières, c’est un élément qui fait l’unanimité. Savoir qui détient les terres, quelle est leur propriété, ça nous permettra d’avoir une lecture juste de ce qui se passe", souligne Lise Tremblay. Le processus devrait mener à l’adoption d’une loi révisée sur la protection du territoire agricole cet automne ou cet hiver.

En la matière, l’UPA SLSJ continuera à suivre de près le dossier du prolongement de l’autoroute 70 dans la région. "Nous n’avons pas reçu encore le tracé détaillé sur la carte. Nous ne savons donc pas encore ce que ça va vouloir dire exactement pour les producteurs", signalent M. Théberge et Mme Tremblay.

Positif

Malgré tout, les deux intervenants de l’UPA SLSJ affirment que l’agriculture continue à relativement bien se porter dans la région. "Les producteurs continuent de développer leurs entreprises et d’innover", assure la directrice régionale.

Mario Théberge met pour sa part en lumière les différentes organisations de recherche œuvrant au Saguenay–Lac-Saint-Jean, dont Agrinova et la Ferme expérimentale de Normandin. "Il y a une volonté de travailler de façon conjointe pour développer des choses dans l’intérêt des agriculteurs de la région. Ce sont des points dont on peut s’enorgueillir", conclut-il.

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