"Il y a beaucoup d'incertitudes actuellement. On pense que 2025 risque d'être comparable à 2024, peut-être meilleure avec la baisse des taux d'intérêt et un contrôle de l'inflation qui se dessine à l'horizon. Cependant, la réalité géopolitique, avec les menaces de tarifs douaniers provenant des Américains, laisse beaucoup d'inconnus", souligne M. Vézina.
Rappelons qu'il y a un an, une vague de fermetures de restaurants, en lien avec l'échéance des programmes d'aide financière mis en place pendant la pandémie, avait fait craindre le pire pour l'industrie. Toutefois, 2024 n'aura finalement pas été une année désastreuse. "Ça s'est rétabli. Il y a eu quand même des ventes. Les gens se sont maintenus et ont été capables de faire des affaires, mais il n'y a pas eu d'extras sur le plan des revenus", affirme le vice-président. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, on constate même une légère hausse de 1,6 % du nombre d'établissements entre juillet 2022 et juillet 2024.
L'automne a cependant été particulièrement tranquille dans le secteur, mais cela n'a pas été dévastateur. Les affaires ont repris vers la mi-novembre avec la période des partys de Noël. "Ça a été quand même bon. On a senti un petit redécollage. Il y en avait autant, mais avec une faible baisse de dépenses du côté des entreprises. Il faut dire que les budgets avaient été très élevés en 2022-2023, question de se revoir en présentiel", mentionne Martin Vézina.
Période creuse
L'ARQ est encore en train d'évaluer les chiffres de la période des Fêtes, mais estime que les recettes ont été assez bonnes pour soutenir les restaurateurs durant la phase creuse du début d'année. "On n'est pas inquiet que les gens ne passent pas à travers janvier et février", note M. Vézina.
Ce dernier rappelle que ce moment a toujours été tranquille pour l'industrie et que les commerçants s'y préparent chaque année, notamment grâce au temps des Fêtes. Il indique que, cette année, le congé de TPS annoncé par le gouvernement pourrait peut-être changer un peu la donne. "Les gens dépensent généralement moins. Le fait de ne pas avoir à payer une taxe pourrait faire en sorte qu'ils vont consommer davantage dans cette période creuse", précise-t-il. Il est toutefois trop tôt pour mesurer cet impact.
Selon le vice-président, on constate que de plus en plus de restaurateurs utilisent les mois de janvier et février pour fermer leur commerce quelque temps et prendre des vacances. "C'est relativement nouveau. On voit un changement. Les gens veulent profiter de cette période où c'est plus tranquille, ou ça aura un impact moindre sur les ventes, pour fermer et bénéficier de vacances", dévoile Martin Vézina.
Contrôle des coûts
Plusieurs enjeux demeurent en 2025 dans l'industrie de la restauration. C'est le contrôle des coûts qui constitue actuellement le principal défi dans le secteur. Les coûts des aliments ont augmenté de façon importante au cours des dernières années, mais les restaurateurs n'ont pas pu majorer leurs prix dans la même proportion pour compenser. "Il y a eu toute une gymnastique à faire avec les menus et dans l'affectation du personnel pour contrer les hausses de coûts et essayer de maintenir une rentabilité", révèle M. Vézina.
Même si l'achalandage n'est pas en baisse, la facture moyenne n'a pas bougé. "Les clients dépensent autant, mais les prix ont augmenté. Il y a des changements dans la consommation. Ils vont peut-être choisir des plats moins coûteux, ne pas prendre de dessert ou sélectionner un verre de vin plutôt que la bouteille", illustre le vice-président. Combiné à la croissance du prix des aliments, cela vient gruger certaines marges de profit des restaurateurs.
Martin Vézina rappelle que les marges nettes de profit dans la restauration au Québec sont très minces. "C'est entre 2 % et 4 %. C'est pour ça que la gestion des coûts est un travail de tous les instants. [...] Nous voulons éviter les hausses de prix parce que nous sommes conscients que les clients sont très réfractaires à payer davantage", fait-il valoir.
Selon lui, les restaurateurs ont beaucoup réfléchi à leurs menus, analyser les ingrédients pour voir si c'est possible d'en utiliser pour plusieurs plats et ainsi faire une économie de gros, valider quels sont les mets populaires ou non, modifier une coupe de viande pour une moins chère. "On observe de plus en plus d'usage de protéines végétales dans les assiettes. Les coûts sont moindres et c'est une tendance au sein de la population", ajoute-t-il. Des restaurateurs ont aussi diminué les portions, mais de façon moins visible qu'à l'épicerie, estime M. Vézina, puisque les portions étaient généralement déjà très généreuses.
Main-d'œuvre
La main-d'œuvre demeure également un important enjeu pour le secteur de la restauration. "En région, notamment, les besoins de main-d'œuvre sont criants. Cet été, notre crainte, c'est de manquer de travailleurs, ce qui réduirait l'exploitation de certains établissements dans les régions", partage le vice-président de l'ARQ.
Ce dernier explique que les mesures annoncées par Québec en matière d'immigration viennent limiter l'accès aux travailleurs étrangers temporaires pour les services d'hébergement et de restauration, ce qui pourrait réinstaurer une difficulté pour les restaurateurs à combler l'ensemble de leurs quarts de travail. Cette situation serait particulièrement présente en région, où la pénurie de main-d'œuvre demeure.
"Ceux que nous avons déjà sous permis de travail, quand il sera échu, risquent de quitter parce que ça va être trop complexe de le renouveler. Ou ça ne sera peut-être pas assez rentable pour les entreprises de payer tous les processus administratifs, l'accompagnement par des professionnels, pour aller chercher un permis de travail d'un an additionnel. [...] Les règles sont très dures, c'est un an seulement. Ça demande un investissement de taille pour faire venir quelqu'un de l'international. Certains vont dire qu'il va être difficile d'investir pour un si petit rendement", craint Martin Vézina.
Quant à la possibilité d'automatiser, le vice-président estime que les technologies ne sont pas encore assez avancées pour répondre aux besoins du domaine. "Il n'y a pas de robots qui peuvent cuisiner des plats automatiquement ou de friteuses robots, par exemple", relève-t-il. Par ailleurs, cette avenue demande des investissements importants. "Ce sont des montants très élevés pour une industrie qui sort encore d'une période trouble (2020-2022). Pendant deux ans, les exploitants ont pris de l'épargne pour se maintenir en vie pendant la crise sanitaire. L'épargne demeure limitée pour eux", conclut M. Vézina.