Le Saguenay–Lac-St-Jean abrite la plus importante forêt du Québec, comptant pour environ le tiers du total du parterre forestier provincial. L’exploitation et la mise en valeur de cette abondante ressource sont d’ailleurs étroitement liées au développement de notre région, et ce, depuis ses tout débuts. Mais réussissons-nous à en maximiser les retombées?
Au Québec, pour chaque emploi en forêt (coupe), la transformation des produits du bois en génère trois, alors que le secteur des pâtes et papiers en génère deux et demie. Ainsi, les 9 000 emplois en forêt du Québec en génèrent 50 000 autres. Qu’en est-il de la performance du Saguenay–Lac-St-Jean à ce chapitre?
Nos 2 400 emplois en forêt génèrent 1 655 emplois dans la transformation du bois (soit l’équivalent de 0,7 emploi pour chaque emploi en forêt) et 976 emplois dans les pâtes et papiers (soit l’équivalent de 0,4 emploi pour chaque emploi en forêt), pour un grand total de 5 000 emplois. Si on réussissait à valoriser le bois qui est récolté dans la région selon les mêmes ratios qu’ailleurs au Québec, ce serait 15 600 emplois qui seraient générés chez nous par notre forêt, soit 10 000 emplois de plus!
Restreindre l’exportation de bois non transformé
Une des principales raisons qui explique la sous valorisation de notre bois est le fait qu’une très grande partie de celui-ci est exportée sans être transformée. Nous le coupons, le scions et l’expédions à l’extérieur! C’est ce que l’on appelle d’ailleurs du bois d’œuvre, un mot bien d‘actualité ces jours-ci avec les diverses surtaxes et droits compensatoires que les Américains (les principaux acheteurs de notre bois non transformé) nous imposent, pénalisant gravement notre industrie forestière et l’économie régionale.
Cette situation de sous valorisation du bois québécois n’est pas nouvelle. Pour y remédier, plusieurs observateurs avancent diverses solutions complexes axées sur les crédits d’impôt, les subventions, etc. En 1910, le gouvernement du Québec, dirigé par Lomer Gouin, faisait face au même dilemme. Le Québec produisait du bois brut et de la pulpe (l’équivalent des copeaux de bois) qui étaient exportés pour créer des emplois ailleurs.
Le gouvernement adopta alors simplement une loi limitant l’exportation de bois de pâte récolté sur les terres publiques du Québec. L’effet se fit sentir très rapidement avec le développement de ce qui allait devenir la plus importante industrie de production de papier journal au monde, ici au Québec!
Il est bien évident que l’augmentation de la transformation du bois récolté chez nous passe maintenant par des produits autres que le papier journal.
Plutôt que de s’acharner à vendre du bois d’œuvre à nos voisins du sud qui nous font subir régulièrement des préjudices économiques injustifiés, pourquoi ne pas restreindre l’exportation de notre bois d’œuvre? Cela pourrait se faire sur 5 ou 10 ans. Bien sûr, y aurait probablement des années difficiles à traverser avant que nous réussissions à transformer notre bois chez nous. Mais pourquoi ne pas utiliser cette période d’incertitude (que les Américains vont nous faire vivre de toute façon !) pour enfin nous sortir une bonne fois pour toutes du cercle vicieux du bois non transformé?
Restreindre l’exportation du bois d’œuvre québécois est une approche simple qui mettrait à profit la vaste expertise québécoise en transformation du bois, créerait des emplois ici, tout en donnant une réponse tout aussi simple à nos amis américains qui s’évertuent depuis des années à nous empêcher de leur vendre du bois peu transformé. Ils seraient bien mal placés pour nous condamner d’adopter cette voie!