SAGUENAY – La firme de recherche régionale Groupe Performance Stratégique (GPS) a dévoilé ce matin [04-06-2018 NDLR] une importante étude qui brosse le portrait des impacts de l’implantation de l’industrie 4.0 sur les emplois au Saguenay–Lac-Saint-Jean au cours des prochaines années. Les données démontrent que d’ici 2035, 64 156 emplois, sur les 119 985 que comptent les 498 professions analysées dans l’étude, seront directement touchés ou disparaîtront par l’effet de l’automatisation de la production.
Selon le chercheur et président de GPS, Roger Boivin, qui s’appuie sur l’approche développée par les chercheurs britanniques Fray et Osborne de l’université d’Oxford, il s’agit d’un taux de 53,5 %, légèrement supérieur à celui attendu pour tout le Québec, à 51,1 %. Toutefois, dans les faits, trois éléments majeurs se combineront, faisant en sorte que la disparition complète des emplois se fera graduellement (jusqu’à 2035) et, dans plusieurs cas, ne se réalisera pas complètement. Cette situation s’explique, dans un premier temps, par le cadre institutionnel et réglementaire à ajuster (refonte des lois, de la fiscalité et des assurances). Deuxièmement, les limites de l’acceptabilité sociale (avoir une application qui pilote un avion, se faire répondre par une voix de synthèse à la place d’une personne) entreront en jeu. La troisième raison évoquée est celle des coûts d’acquisition des nouvelles technologies (les entrepreneurs doivent s’assurer d’amortir et de payer les équipements actuels).
Migration de 18 000 postes au SLSJ
Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, les emplois qui disparaîtront réellement d’ici 2035 (15 % des emplois actuels), se chiffrent à environ 18 000, soit quelque 1 000 par année. Ce chiffre représente 20 % des 4 750 postes à pourvoir annuellement dans la région pour la même période (taux établi sur la base des départs à la retraite et sur la création d’emplois liée à la croissance économique). « Ainsi, en termes de chiffre absolu, les personnes « libérées » par l’automatisation technologique seront entièrement réabsorbées par le marché du travail régional et contribueront à éliminer une partie de la pression d’un marché de l’emploi de plus en plus tendu », souligne Roger Boivin.
Les hommes davantage affectés
L’étude a révélé un important phénomène de polarisation des impacts : il y aura, en même temps, plus d’emplois peu affectés et fortement affectés, alors qu’il y aura moins d’emplois moyennement affectés. De plus, les travailleurs masculins seront plus fortement touchés par l’automatisation que les postes féminins. Un autre élément révélé par l’étude de GPS est que les emplois les plus susceptibles d’être affectés par l’automatisation ont systématiquement des revenus plus faibles que la moyenne.
Moins d’impact pour l’arrondissement de Chicoutimi
L’étude de GPS fourni des données ajustées pour chaque MRC de la région. Elle démontre notamment que l’arrondissement de Chicoutimi présente la structure économique qui sera la moins affectée par l’automatisation technologique, avec 49,8 %. À l’autre bout du spectre on retrouve les MRC du Fjord-du-Saguenay (58,4 % des emplois potentiellement affectés) et de Maria-Chapdelaine (57,2 % des emplois potentiellement affectés). Finalement, les professions les plus touchées par l’automatisation, en termes de nombre d’emplois, seront les vendeurs du commerce au détail, les caissiers, les adjoints administratifs, les serveurs, les agents d’information, les concierges et les conducteurs de camions de transport.
L’automatisation technologique suscitera donc des impacts régionaux importants auxquels les acteurs économiques devront s’adapter. La durée et la performance de cette adaptation dépendra de plusieurs facteurs : l’investissement technologique par les entreprises, un niveau de formation plus avancé pour les travailleurs touchés et des politiques vigoureuses d’accompagnement des institutions publiques. « S’il n’y a pas une concordance élevée entre les actions des différents acteurs économiques, la proportion d’emplois qui seront perdus en lien avec l’introduction de l’automatisation technologique, sera plus élevée », assure Roger Boivin.
Encore beaucoup d’inconnues
Pour les citoyens du Saguenay–Lac-Saint-Jean, plusieurs questions d’importance demeurent : est-ce que la nouvelle richesse créée par l’automatisation sera de plus en plus concentrée entre les mains de quelques personnes ou sera-t-elle répartie plus largement? Les nouveaux emplois liés aux technologies se localiseront-ils dans les grandes métropoles ou pourront-ils aussi être créés en nombre suffisant dans les régions moins centrales ? Comment accompagnerons-nous réellement les travailleurs moins formés et ceux « libérés » par l’automatisation vers les nouveaux emplois plus technologiques ? Autant de questions qui alimenteront les débats autour de l’évolution du travail et de l’emploi régional.
À propos de l’étude
L’étude, une première à l’échelle d’une région du Québec, a été réalisée avec le concours de l’équipe de l’Atlas électronique de l’Université du Québec à Chicoutimi à partir de plus de 30 000 données tirées du recensement 2016 de Statistique Canada. Le Groupe Performance Stratégique est une firme entièrement régionale qui réalise depuis 2005 des recherches et des analyses économiques au service d’une clientèle variée de municipalités, d’organismes de développement, d’entreprises, de ministères, d’évènements, de festivals, d’institutions d’enseignement, de communautés autochtones, d’institutions financières, etc.
Accédez à l’étude complète : https://www.informeaffaires.com/mediatheque/groupe-performance-strategique-impacts-de-lautomatisation-technologique-sur-les-emplois