ALMA – Comme plusieurs autres secteurs économiques, malgré un certain retard à prendre le virage, l’agriculture lorgne les nouvelles technologies. Celles-ci ont le potentiel d’aider les producteurs dans plusieurs domaines et d’améliorer la rentabilité et la durabilité de leurs entreprises.

À L’Ascension-de-notre-Seigneur, la Bleuetière 2000 s’est tournée vers l’intelligence artificielle pour tenter de prédire les zones à risque de gel. Novice en matière d’IA, l’entreprise agricole prend en fait part à un projet en collaboration avec le COlab du Collège d’Alma.

Le gel constitue une problématique importante pour les bleuetières, puisqu’il peut faire mourir les fleurs ou les plants, réduisant considérablement la récolte. « Il peut y avoir des gels pendant l’hiver s’il n’y a pas un couvert de neige assez important pour protéger les bourgeons. Cependant, les gels qui causent le plus de dommages surviennent surtout au printemps, pendant la floraison. Lors d’un gel, les fleurs meurent et on perd la récolte », indique le directeur de l’entreprise, Samuel Côté.

Pour la bleuetière, connaître à l’avance les zones à risque de gel sur ses terres permettrait de cibler les opérations et les secteurs à prioriser pour ses interventions. « Nous avons de grandes bleuetières et le gel ne frappe pas toujours tous les endroits. Nous connaissons des méthodes pour protéger contre le gel, comme l’utilisation d’éoliennes, de brûleurs ou l’irrigation par aspersion. L’objectif serait de pouvoir aller faire des traitements localisés pour minimiser les impacts dans les zones touchées », explique M. Côté.

Expérimentations à venir

L’outil d’intelligence artificielle développé par le COlab, basé sur l’apprentissage profond, devrait permettre de prévoir les zones exactes de gels en analysant divers paramètres. « Actuellement, le modèle donne des prédictions environ 24 heures à l’avance et il semble avoir un beau taux de succès », mentionne-t-il. 

Le projet est rendu à l’étape d’être testé sur le terrain par la Bleuetière 2000. « Une fois qu’ils nous ont déposé le rapport, c’est à nous de prendre le relais. Le COlab nous explique comment l’utiliser, ils nous offrent un grand support, mais c’est vraiment à nous de l’essayer maintenant. »

Samuel Côté affirme qu’il s’agit d’une première expérience en matière de virage 4.0, mais probablement pas le dernier. « Nous avons pris conscience des programmes et des aides financières qui existent. Nous avons plusieurs idées qui nous trottent dans la tête. Par exemple, nous aimerions adapter des arracheuses de mauvaises herbes ou avoir des robots pour conduire les tracteurs », précise-t-il. Dans ce domaine, l’entreprise a d’ailleurs déjà fait un pas vers l’automatisation, puisque ses tracteurs utilisent des systèmes de guidage. Les opérateurs n’ont ainsi qu’à s’assurer que tout se passe bien et à retourner le véhicule au bout du champ.

Avant-gardistes

La Bleuetière 2000 n’est qu’un exemple de ce que le virage numérique peut accomplir en agriculture. Du côté des fermes bovines, on retrouve aussi toutes sortes d’outils, comme une louve pour l’allaitement des veaux, des robots de traite, des systèmes automatisés pour l’alimentation des animaux ou des robots aspirateurs de fumier.

Selon Stéphanie Claveau, biologiste et directrice en production animale et fourragère chez Agrinova, les producteurs laitiers régionaux sont d’ailleurs très proactifs en matière de technologies. « Ils sont très avancés, même avant-gardistes, même si nos fermes ne sont généralement pas très grosses en termes de taille. Nous avons des groupes d’innovation dans la région et les agriculteurs participants sont très dynamiques, ils essaient plusieurs choses. Ce sont des gens allumés et innovateurs », affirme-t-elle. 

Faire les bons choix

Avec l’émergence de plusieurs nouvelles technologies, il peut toutefois être difficile de s’y retrouver pour les fermes qui souhaitent se moderniser. « Ça n’arrête pas de sortir. Dans la dernière décennie, c’est fou le nombre de nouveaux outils qui sont lancés. Ça devient compliqué de savoir ce qui peut vraiment aider le producteur. Ce sont de gros investissements, donc il faut que ça soit fonctionnel et que ça améliore leur travail aussi », précise Mme Claveau.

C’est pourquoi le centre collégial de transfert de technologie (CCTT) en agriculture du Collège d’Alma, Agrinova, s’est associé au COlab. Le projet des deux centres est d’analyser ces technologies pour permettre aux producteurs de faire les bons choix. « Nous rencontrons des agriculteurs, principalement des fermes laitières, qui sont passés à de nouvelles technologies. Le COlab va évaluer le niveau technologique de ces entreprises. De notre côté, nous allons analyser la technologie. Nous voulons savoir si elle répond bien aux besoins des producteurs, si ça les aide, de quelle façon cela a transformé leur travail, si le confort des animaux ou de l’humain est amélioré, etc. »

Rassembler les informations

Les producteurs ne sont pas toujours au courant des dernières technologies. Cela fait en sorte que lorsqu’ils veulent se moderniser, ils vont voir ce qui existe et ils vont rencontrer des vendeurs qui font la promotion de leurs produits. « Ça devient difficile de faire la part des choses et de savoir si, une fois implantée sur leur ferme, ça sera vraiment l’outil qui sera bénéfique pour eux. […] C’est pour ça qu’on veut aller voir pour eux chez des entreprises qui ont fait l’acquisition d’une technologie et rassembler l’information », estime Mme Claveau. 

Cette information sera regroupée sur des fiches simples et conviviales pour chaque technologie. Celles-ci seront rendues disponibles pour les agriculteurs, en plus d’être présentées à différents colloques et événements. Une douzaine de fermes collaborent déjà au projet.