Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « La main d’œuvre, clé de notre prospérité » publié dans notre édition du mois d’août.

SAGUENAY – D’abord centrée sur l’équité en emploi et salariale entre les hommes et les femmes, l’approche d’équité, diversité et inclusion (EDI) s’est élargie au cours des dernières années pour inclure un champ très vaste de personnes. Si, pénurie de main-d’œuvre oblige, une prise de conscience a été réalisée dans ce domaine, il reste encore beaucoup de progrès à faire dans les entreprises québécoises.

La diversité en entreprise fait aujourd’hui référence à de nombreux groupes définis notamment par l’âge, le niveau d’éducation, l’orientation sexuelle, le statut d’immigration, le statut d’Autochtone, la religion, la situation de handicap, la langue, la culture, l’origine, etc. Les pratiques d’EDI visent ainsi à créer un environnement où tous les gens sont respectés de manière équitable et ont accès aux mêmes possibilités. Or, il reste encore beaucoup de chemin à faire pour cela.

« Dans un sondage fait en 2017 auprès de 64 grandes entreprises canadiennes, on leur demandait où elles en étaient dans la mise en place de mesures concrètes d’équité, diversité et inclusion. Il y a 10 % des entreprises qui ont répondu qu’elles étaient rendues là. […] Nous, on avait fait un sondage en 2016 auprès d’entreprises québécoises et on demandait si elles avaient de la main-d’œuvre issue de l’immigration, en situation de handicap ou issue des Premières Nations. Dans l’ensemble du Québec, une entreprise sur quatre engageait des personnes immigrantes, une sur 10 engageait des personnes en situation de handicap et une sur 25 engageait des autochtones. On est loin du principe », illustre Denis Hamel, vice-président – Politiques de développement de la main-d’œuvre au sein du Conseil du patronat du Québec (CPQ).

De la parole aux actes

Selon lui, plusieurs employeurs, notamment en raison des réflexions sur l’organisation du travail entraînées par la pandémie, commencent à prendre la situation très au sérieux et font des démarches pour se doter d’une politique d’EDI. « On en est à passer de la parole aux actes et d’être vraiment concrets dans la volonté de s’ouvrir », précise M. Hamel.

Le vice-président du CPQ estime que, dans cette démarche, il est essentiel de se doter d’abord d’une politique d’EDI pour s’assurer que l’entreprise a une ouverture en ce qui a trait à l’équité, la diversité et l’inclusion à tous ses niveaux. « C’est à toutes les strates de l’entreprise, du poste d’entrée jusqu’à la haute direction, qu’on doit prendre cette prise de conscience-là qu’une entreprise diversifiée est plus performante, plus ouverte », explique-t-il.

Des pratiques payantes

Denis Hamel affirme que les entreprises ont de nombreux bénéfices à se doter d’une politique d’EDI et à engager des gens issus de la diversité. « Je pense que c’est McKinsey, une grande firme de relations publiques aux États-Unis, qui a évalué que lorsque les entreprises sont diversifiées, elles ont un rendement en bourse de 35 % supérieur à la moyenne. Deloitte aussi, je pense que c’est en 2019, disaient que s’il y a des pratiques d’embauche, de promotion et de gestion inclusives et diversifiées, les rendements financiers sont de 30 % supérieurs. »

La présence de personnes issues de l’immigration peut aussi favoriser les chances de s’ouvrir à l’international, puisque celles-ci possèdent une connaissance de la culture et du marché d’autres pays où l’entreprise pourrait se développer. M. Hamel assure que la diversité aide également les petites entreprises à croître et à être plus performantes. « En 2021, pour une organisation, si elle n’a pas de programme d’EDI, elle se condamne à faire du surplace », croit-il.

Besoin d’appuis

Les grandes entreprises, qui ont des conseillers en ressources humaines (RH), voire parfois même des consultants spécialisés en EDI, sont souvent déjà beaucoup plus avancées dans l’implantation de ces pratiques de gestions inclusives. Le défi est généralement plus grand pour les petites entreprises, qui n’ont pas de département de RH.

« Quand vient le temps de faire du recrutement, il faut faire appel à des spécialistes, justement pour éviter les biais inconscients. Il ne faut pas avoir de biais dans nos questions, qu’on soit en mesure d’apprécier les expériences qui ne sont pas québécoises, etc. […] Un appui financier pour aller chercher des consultants qui permettent d’avoir plus de diversité en entreprise serait vraiment un beau coup de pouce pour elles », souligne Denis Hamel.

Le vice-président du CPQ ajoute qu’il existe de nombreux programmes gouvernementaux pour aider les entreprises dans l’embauche d’employés en situation de handicap, autochtones ou issus de l’immigration, mais qu’ils sont morcelés et fonctionnent en silos. « Il y a une multitude de programmes qui sont sous-utilisés, pour des raisons de connaissance et administratives. Il faudrait un guichet unique, au lieu d’aller cogner à trois ou quatre ministères, faire le tour des bureaux d’Emploi-Québec », note-t-il, souhaitant également une simplification administrative pour les programmes d’aide financière à l’embauche.

#EnsembleInc

Pendant la pandémie, 33 entreprises et organisations, dont le CPQ, ont lancé un mouvement afin de se mettre en action pour faire avancer les choses en équité, diversité et inclusion au Québec. Les signataires ont annoncé leurs engagements en la matière afin d’inciter d’autres entreprises à faire de même. « En prenant part à #EnsembleInc, nous reconnaissons faire partie de la solution pour un avenir misant sur l’équité et la diversité dans le milieu des affaires, et sommes d’avis que le temps des promesses et des discours doit faire place aux actions », peut-on lire sur le site Web du mouvement.

En plus des engagements pris par chaque organisme et entreprise signataire, #EnsembleInc propose une boîte à outils regroupant différents OBNL et initiatives pouvant aider les organisations dans leurs démarches en EDI. « Un des objectifs de ce mouvement-là, c’est aussi de dire qu’il n’est pas question de favoriser juste les personnes handicapées, juste les autochtones, juste les femmes, juste les immigrants. C’est un tout », mentionne Denis Hamel.

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