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Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – Malgré la progression du Web, le premier réflexe des consommateurs de la région est encore de se déplacer en magasin. C’est le constat que réalise une enquête dévoilée ce matin Regroupement des Chambres de commerce du Saguenay–Lac-Saint-Jean et le HUB, l'espace d'accélération et de croissance du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Menée par la firme Segma Recherche dans le cadre de la deuxième phase du projet Mes achats à quelques pas, cette étude quantitative et qualitative a été réalisée en trois parties, soit un sondage de population incluant 1007 personnes, un autre auquel 139 entreprises régionales ont répondu et quatre groupes de discussions totalisant 17 entrepreneurs pour approfondir les différentes questions. Elle brosse un portrait assez complet de la situation régionale en matière de virage numérique des entreprises et d’habitudes de consommation de la population.

On y apprend que le premier réflexe des consommateurs est de se rendre en magasin, mais que la proportion varie selon le type de produit. Par exemple, 71 % des répondants ont affirmé que leur premier réflexe était de se rendre en magasin pour l’achat de vêtements, chaussures, bijoux et accessoires. À l’opposé, seulement 44 % choisissent d’abord cette option pour l’acquisition d’articles de sports, de loisirs ou de jouets.

Sans surprise, les consommateurs plus âgés sont plus enclins à se rendre en magasin et à utiliser les circulaires, alors que les plus jeunes ont tendance à favoriser les solutions numériques. « Les raisons qui vont pousser les clients à se rendre en magasin sont de pouvoir voir et toucher le produit. Ils magasinent en ligne pour obtenir plus de variété ou de meilleurs prix », souligne Marc Bouchard, consultant pour la firme SEGMA.

Le site Web, un outil essentiel

Malgré ce constat, l’étude a permis de mettre en lumière l’importance du site Web dans la stratégie des commerçants, puisqu’il est souvent consulté préalablement à la visite en magasin. Ainsi, la présence d’une entreprise en ligne encourage la présence en magasin, surtout des plus jeunes, et l’achat local. De même, avoir une boutique en ligne augmente les chances que les consommateurs achètent dans un commerce régional.

« On a découvert que la plupart des entreprises surestiment la consommation de médias sociaux avant l’achat. Les entrepreneurs sentent une pression d’être là partout. Toutefois, il serait mieux d’être plus ciblé, parce que les gens vont consulter ces réseaux, mais pas souvent. Le site Web est beaucoup plus visité », précise M. Bouchard.

Le consultant rappelle que la pandémie a entraîné une nette accélération de la présence en ligne des entreprises, mais a mis une pression importante sur les gens d’affaires. « Ils ont développé plein de choses, rapidement. Là, ils doivent s’arrêter pour regarder ce qui est bon, rentable et efficace. La plupart bonifient leur présence numérique, mais veulent surtout développer une vision stratégique pour structurer ces outils », ajoute-t-il.

Guichet unique

L’autre point qui est ressorti de l’enquête est que les entrepreneurs arrivent difficilement à s’y retrouver dans l’accompagnement et les différents programmes offerts par les organismes en matière de virage numérique. « Il y a énormément de programmes offerts par une foule d’organismes. Ça devient mêlant. Il serait nécessaire d’avoir un guichet unique qui leur permettrait de savoir où se diriger », affirme Sandra Rossignol, vice-présidente exécutive et directrice générale de la Chambre de commerce et d’industrie Saguenay–Le Fjord.

Les intervenants du Regroupement des Chambres de commerce du SLSJ et du Hub souhaitent d’ailleurs lancer une phase 3 de Mes achats à quelques pas afin de réunir les acteurs du milieu. « Nous voulons voir si nous pouvons travailler ensemble pour répondre à ce besoin d’une porte d’entrée », mentionne Mme Rossignol.

Virage numérique

Parmi les autres enjeux et irritants en lien avec le virage numérique cités par les répondants, on retrouve le manque de temps (76 %), les coûts trop élevés (62 %) et le manque d’expertise interne (57 %). Mentionnons que, pour les entrepreneurs, le virage numérique est généralement compris comme l’implantation d’outils de base (site Web, médias sociaux, télétravail). Les outils plus sophistiqués (CRM, intelligence artificielle, cybersécurité, big data, etc.) sont moins souvent perçus comme des éléments de cette transformation. « Il va falloir continuer à démystifier le virage numérique, parce que ce n’est pas juste le site Web et la page Facebook. Il y a aussi toute l’automatisation à l’interne, tout ce que le client ne voit pas », estime Sandra Rossignol.

Marie Desgagné, directrice générale du HUB rappelle qu’avec l’enjeu de main-d’œuvre actuel, la transformation numérique peut être un outil pour automatiser certains processus. « Le côté stratégique dans l’évolution numérique est hyper important. Il y a des besoins de ce côté-là. Il faut offrir plus de formation sur des éléments qui facilitent la vie des entrepreneurs avec les outils qu’ils ont implanté », croit-elle. Elle souhaite également que des conseillers impartiaux, qui n’ont pas de biais, mais des connaissances des différents programmes et outils, puissent accompagner les entreprises dans les choix qui seront les plus bénéfiques pour elles.

Plusieurs outils

Mentionnons que différents outils sont mis en place pour aider les entreprises dans leur transition numérique. Au Québec, Investissement Québec appuie notamment les gens d’affaires en ce sens. Dans la région, le COlab a également un projet pour former les conseillers aux entreprises de différents organismes à propos du numérique, afin qu’ils soient mieux en mesure de soutenir leurs clients. La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) a aussi conclu une entente avec le gouvernement fédéral et le Réseau des SADC et SAE pour embaucher des conseillers en commerce électronique qui viendront aider les PME à prendre le virage. « Il y a beaucoup d’initiatives. Maintenant, il faut les fédérer pour aider les entrepreneurs qui en ont déjà plein les bras à s’y retrouver facilement. Si c’est trop complexe, ils vont se décourager », note Sandra Rossignol.

« Avec ces étude, nous avons les données pour nous aider à développer une offre de service qui aidera les entrepreneurs à optimiser et rentabiliser les outils numériques pour leur développement », conclut Marie Desgagné.

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