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Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – Le futur de l’industrie de la construction passe par le virage numérique, croit le vice-président du groupe BIM-Québec, Érik Poirier. Ce serait même la clé pour améliorer la performance et la productivité de ce secteur.

« Actuellement, l’économie globale au Québec est de 12 % à 15 % plus productive que l’industrie de la construction. […] Si l’industrie de la construction devenait aussi productive que d’autres secteurs, elle génèrerait de trois à cinq milliards d’économies par année », explique M. Poirier.

Il s’agit d’un changement que le numérique pourrait permettre, en réduisant les sources d’erreur et de gaspillage, notamment. « Ce qu’on veut, c’est être capable d’en produire plus avec les ressources qu’on a actuellement », ajoute-t-il.

Ce virage numérique passe par l’implantation d’outils issus des nouvelles technologies, certes, mais son potentiel se trouve principalement dans le déploiement à grande échelle de la modélisation des données du bâtiment (building information modeling ou BIM) et de l’environnement collaboratif qui la soutient. « On effectue le passage de sources d’information statiques, déconnectées, disparates, comme les plans et devis papier, vers des sources dynamiques, connectées. Cela permet d’améliorer la productivité et de s’assurer que les prise de décisions reposent sur des données pertinentes et à jour. La base du virage, ce sont les données numériques, la connectivité, l’accessibilité et l’automatisation », indique le vice-président de BIM-Québec, un organisme sans but lucratif créé il y a 10 ans pour supporter l’adoption et l’implantation du BIM dans le secteur québécois de la construction, qui rassemble des acteurs de différents horizons du secteur.

Fonctionnement en silos

Érik Poirier explique que l’industrie fonctionne actuellement en silos : d’abord, l’architecte va créer un plan qui sera produit en 2D sur du papier. « Les lignes sur le plan, on ne peut pas cliquer dessus pour savoir ce qu’elles veulent dire. Il faut qu’on les interprète. On crée un espace 3D, mais on l’aplatit en 2D », souligne-t-il.

Ensuite, l’architecte envoie ce plan à l’ingénieur en structure, qui va y ajouter la structure, puis l’ingénieur en mécanique ajoutera le système mécanique, puis l’ingénieur électrique ajoutera le système électrique, etc. « La coordination de toutes ces parties prenantes, quand c’est dans un environnement en 2D, parce qu’il y a cette tridimensionnalité-là qu’on ne perçoit pas automatiquement, ça laisse beaucoup d’espace pour les erreurs, les conflits. Par exemple, on peut avoir une interférence entre une gaine de ventilation et une colonne ou un mur et ne pas être capable de la voir avant d’arriver en chantier. […] Chaque corps de métier a ses plans. Oui, il y a des références sommaires entre chacun, mais cette coordination est très ardue », révèle M. Poirier.

Il y a par la suite l’étape des soumissions, lors de laquelle les plans sont transmis à l’entrepreneur, qui s’en servira pour établir ses coûts. Il s’agit d’une nouvelle possibilité d’interprétation et d’erreurs. Souvent, les problèmes n’apparaîtront qu’en chantier, ce qui oblige parfois à recommencer et crée du gaspillage. Même lors de l’opération du bâtiment, des erreurs peuvent se produire lors de l’entretien.

Transformer les façons de faire

Le BIM vient transformer les façons de faire dans le domaine de la construction. Il touche tous les acteurs du milieu, des clients aux firmes de professionnels et aux entrepreneurs généraux. Il permet de centraliser les informations du bâtiment dans une base de données commune. Les professionnels travaillent donc tous sur une même base, dans un même environnement informatique, en 3D, ce qui permet de voir immédiatement s’il y a des conflits et de suivre les changements presque en temps réel. « Ensuite, cette information-là est transmise à l’équipe de réalisation en chantier, qui est capable de faire de la préfabrication, de faire de la simulation pour les échéanciers, d’estimer le coût, de prendre les quantités directement de la base de données. Au lieu de mesurer sur les plans et de garder un jeu au cas où tu aurais manqué un détail, tu as une source de données qui est exacte », mentionne le vice-président de BIM-Québec.

Les données, qui évoluent tout au long du chantier, peuvent ensuite être transmises au client, qui pourra les utiliser pour opérer son bâtiment tout au long de sa durée de vie.

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