Auteur

Carol Néron

Tous les six ans, la Régie des rentes du Québec (RRQ) dresse un bilan. Elle profite aussi de l’occasion pour bonifier son régime. En 2017, l’exercice s’est conclu par une hausse de 1,5 %. Fait exceptionnel, en 2023, elle n’a pas hésité, pour cause d’inflation galopante, à y aller d’une augmentation de 6,5 %.

Le débat sur l’âge de la retraite fait rage en France. Il est même descendu dans les rues. Au Québec, la question commence tout juste à être évoquée du bout des lèvres. C’est une affaire de temps avant qu’elle débarque en fanfare dans les médias.

Mesures fiscales alléchantes

La discussion qui vient de s’amorcer au Québec par le biais d’une consultation publique permettra de dégager une nouvelle tendance. L’amélioration des conditions de vie, de la santé physique des Québécois et des soins auxquels ils ont accès gratuitement, fait en sorte que de plus en plus de travailleurs parvenus à 60 ans et toujours en forme choisissent, en toute connaissance de cause, de « rempiler » comme on dit.

Certains pensent, avec raison, qu’il suffirait que ce choix s’accompagne de mesures fiscales vraiment alléchantes pour qu’il se multiplie. Le marché du travail continuerait ainsi de bénéficier d’un contingent important d’effectifs, dont l’expérience profiterait certainement aux plus jeunes. À moyen terme, ce serait aussi une autre façon de contrer la pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs sensibles.

À cet égard, l’exemple de Rock Bélanger, 67 ans, qui vient de fêter ses 50 années de service chez Potvin Pneu mécanique de Chicoutimi et qui fait l’objet d’un reportage dans nos pages de la présente édition, mérite d’être souligné. Pendant toute sa vie, ce travailleur a dû fournir, chaque jour, un effort considérable pour s’acquitter de sa tâche. S’il est toujours actif aujourd’hui en raison de sa bonne forme physique, mais dans une affectation exigeant moins d’effort, c’est parce que, comme il l’affirme : « Je ne suis tout simplement pas prêt à arrêter de travailler. » Ça dit tout.

Les coffres sont pleins

On peut d’ores et déjà prévoir que la réaction des Québécois sera plus mesurée que celle des Français aux prises avec un régime déficitaire. Les coffres de la RRQ sont pleins. Ils contiennent assez d’argent pour payer les rentes au moins pendant les 50 prochaines années. En 2071, on estime, selon un relevé rapporté par Radio-Canada, que la réserve du régime de base pourrait atteindre 800 milliards $ !

On croit savoir que Québec aimerait faire passer de 60 à 62 ans l’âge minimal requis pour qu’un travailleur soit éligible à sa rente. Et, tant qu’à y être, pourquoi pas 65 ans ? C’est aussi ce que l’on souhaiterait. On imagine déjà les réactions… Ce raisonnement repose sur l’exemple type suivant : une rente qui commence à être versée à 60 ans est réduite de 36 % ; cette réduction passe à 22 % si les versements débutent à 62 ans.

Étant donné que leur contribution au régime s’étendrait sur une plus longue période, ce changement historique aurait donc principalement comme objectif d’améliorer la sécurité financière des travailleurs au moment de leur retraite. Certains voient plutôt dans cette mesure une façon détournée de faire face à la pénurie de main-d’œuvre, un phénomène appelé à perdurer en raison, notamment, du vieillissement de la population.

Si l’intention du gouvernement et de la RRQ est d’aller dans le sens du changement, il leur faudra faire preuve de transparence et jouer franc-jeu afin que, quels que soient les projets des futurs retraités ou des travailleurs décidés à « rempiler » sans attendre, chacun finisse par y trouver son compte. Pourquoi ne pas commencer par l’application de mesures fiscales appropriées ?

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