SAGUENAY – L’acceptabilité sociale est un critère non négociable dans le développement économique. Parfois vu comme un frein par certains promoteurs, il assure pourtant la pérennité des projets tant au niveau financier que social. Le succès de l’acceptabilité sociale d’un projet passe par les efforts consentis de trois acteurs : le promoteur, le citoyen et le gouvernement.
Le promoteur a la responsabilité de mettre en place des mécanismes, comme des séances d’information, pour sonder l’opinion publique et faire connaître ses intentions à la population. « Bien souvent, le promoteur arrive avec un plan quasi final de son projet et le présente à la communauté. Il ajuste et calibre ensuite sa maquette pour la rendre conforme avec les préoccupations et les réactions qu’il a récupérées des différentes rencontres », explique Olivier Riffon, professeur associé au Département des sciences fondamentales de l’UQAC et consultant indépendant en développement durable.
Le citoyen a la responsabilité d’assister aux rencontres d’information seul ou en comité et de se renseigner sur la nature du projet et d’émettre ses questionnements, craintes et objections. « Le rôle du concitoyen dans ce mécanisme démocratique est fondamental. Il a non seulement la tâche de comprendre de quoi il en retourne, mais aussi d’être ouvert à l’écoute, la négociation et les compromis. »
L’État joue en quelque sorte le rôle du modérateur dans un processus d’acceptabilité sociale. Il veille à ce que la « paix sociale » soit préservée et il doit mettre en place des mécanismes pour que les différents groupes de la société puissent avoir accès à l’information. « Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) n’est pas parfait, mais il permet de donner une tribune à l’ensemble des acteurs concernés par le projet. »
Pas qu’une case à cocher
Par le passé, l’obstacle premier au développement économique était la rentabilité financière. Il suffit de penser à l’expropriation de 1700 familles dans les années 60 pour la construction de l’aéroport de Mirabel pour s’apercevoir que l’opinion publique n’avait à l’époque aucun poids dans la balance. Aujourd’hui, les choses ont changé. « L’acceptabilité sociale n’est pas qu’une case à cocher sur un formulaire. Le consentement citoyen ne devrait pas être la dernière étape avant la réalisation. Il devrait venir au tout début dès que le promoteur a l’idée. Dans un monde idéal, l’entrepreneur devrait s’assoir au moment de la conception avec les comités en coconstruction pour planifier son projet », explique M. Riffon.
Ne voulant pas verser dans les généralités, le professeur de l’UQAC précise néanmoins que cette compréhension du respect de l’opinion publique est bien intégrée chez les entreprises locales et québécoises. « C’est parfois chez les multinationales qu’on ressent un souhait de faire vite ou un manque d’intérêt pour les questions d’acceptabilité sociale. Toutefois, ne pas bien renseigner la population ou ne pas calibrer son projet en respect des demandes citoyennes peut entraîner des conséquences plus tard. Dans un projet, ce n’est pas forcément la conception qui coûte cher, mais la réalisation. Le temps et l’argent que ces entreprises économisent en survolant rapidement les questions d’acceptabilité, elles vont peut-être le payer plus cher si des gens organisent par la suite des manifestations sur les chantiers de construction. »
Les bonnes pratiques
Les bonnes pratiques consisteraient donc pour le promoteur à accueillir des comités citoyens dès le début de son idée et de fournir un maximum d’informations faciles d’accès. « Il y a quelques années, Niobec avait planifié des travaux à leur mine. L’entreprise avait installé en plein cœur de Saint-Honoré un poste de liaison où les gens pouvaient se rendre pour poser des questions et recevoir de l’information en long et en large sur la nature des travaux. Voilà une approche exemplaire qui permet un lien de confiance entre la population et la minière. »
Arianne Phosphate, autrefois Res-source Arianne, à la découverte de son gisement de phosphate dans le secteur du Lac à Paul, avait mené une série de consultations publiques avec l’aide de la chaire en écoconseil de l’UQAC. « À l’époque, l’étude de faisabilité n’était même pas encore enclenchée que déjà les décideurs de Ressource Arianne sondaient l’opinion publique. Des séances d’information tenues à Saguenay et à Dolbeau avaient permis de déterminer les quatre grandes préoccupations citoyennes. À ce moment, la minière avait donc le “OK” conditionnel de la population. Malheureusement, à mesure que le projet franchissait les étapes, les membres de la direction ont changé et les nouveaux gestionnaires n’ont pas tenu compte des enjeux de transport soulevés par la communauté. Ils ont ajouté la construction d’un port en eau profonde et, selon moi, c’est à ce moment que le consentement citoyen a basculé. »
Les limites
Les limites de l’acceptabilité sociale doivent être définies à la base entre les trois acteurs. Il faut qu’il y ait un premier consensus qui précise lorsqu’un projet est accepté. « Avoir l’unanimité sur un projet c’est impossible. Il établit un cadre et des balises. Au cours de ma carrière, j’ai déjà vu un comité citoyen refuser la construction d’une école dans un quartier sous prétexte que des enfants, c’est bruyant… » De manière plus philosophique, l’acceptabilité sociale peut aussi atteindre ses limites lorsque du côté du promoteur ou du citoyen il y a une fermeture. « Nous assistons parfois au syndrome “pas dans ma cour”. Il est important que dans un processus de négociation, les parties soient ouvertes à l’autre. Le développement économique doit se faire et doit atterrir quelque part. Le citoyen doit aussi apprendre à mettre de l’eau dans son vin », conclut M. Riffon.