N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Le secteur forestier en changement, publié dans notre édition du mois d'avril.

NORMANDIN — Pour réaliser des projets dans la filière de la biomasse, le directeur général du Groupe AGIR Michel Bouchard croit que plusieurs étapes doivent être franchies avant d’atteindre une rentabilité dans cette sphère énergétique utilisant des matières forestières. « Il y a eu beaucoup d’intentions dans les dernières années, mais peu d'initiatives ont franchi l’étape du laboratoire vers une production à grande échelle », indique-t-il. Est-ce que la transition du bois long vers le bois court aurait compliqué cette quête ? Monsieur Bouchard croit qu’il y a autant d’enjeux que d’opportunités.

Depuis bientôt 25 ans, Michel Bouchard gravite au sein de l’entreprise d’économie sociale, le Groupe AGIR. Elle se spécialise en aménagement forestier dans le territoire de la MRC Maria-Chapdelaine. Elle extrait plus de 200 000 mètres cubes de bois dans l’unité d’aménagement forestier (UAF) de la MRC. 

Joint par Informe Affaires, ce dernier a accepté de faire un tour d’horizon sur les enjeux entourant l’accès aux sous-produits permettant la production de biomasse forestière, une source d’énergie renouvelable dans la mire du gouvernement québécois. " L’industrie a fait un virage il y a plus d’une vingtaine d’années pour se convertir du bois long au bois court pour différentes raisons. Les lignes de sciage étant maintenant majoritairement adaptées pour le bois court, un retour vers le bois long mur à mur serait peu envisageable ", explique-t-il d’entrée de jeu. " Les opérations à l’heure actuelle font en sorte que les branches et les résidus de coupe demeurent sur les lieux d’abattage. Il y a certains sites où tu es mieux de ne pas toujours récupérer la matière afin de fertiliser les sols. "

La biomasse forestière résiduelle est une approche de valorisation des résidus de bois. Elle implique la conversion des résidus non exploités, tels que les branches, les copeaux, et les sciures, en combustibles tels que les plaquettes ou les granules. Ces combustibles sont ensuite incinérés pour produire de la chaleur et de l’énergie.

Dans une région où l’industrie du bois occupe une grande importance de par son couvert forestier le plus important au Québec, Michel Bouchard est d’avis que d’éventuels initiatives pourraient lever de terre dans les prochaines années. " On est dans le plus grand bassin forestier de la province, je pense que la région va bien se positionner. On a accès à un gros bassin de biomasse. Les procédés vont s’ajuster. […] Plus ça va, plus on en parle. Maintenant, il faut mettre des programmes en place. "

Une filière en émergence

Le DG du Groupe AGIR rappelle que la sphère énergétique est encore à ses balbutiements et qu’il faudra franchir plusieurs étapes avant de voir un projet à grande échèle.

" Ça fait 25 ans que j’entends parler de biomasse et il n’y a pas énormément de projets qui ont levé. Dernièrement, Elkem a mis un pied sur le frein avec son usine de biocarbone. La technologie et l’approche y sont assurément pour quelque chose. Ce n’est jamais évident. Maintenant, il faut y avoir des programmes gouvernementaux et incitatifs pour que l’industrie embarque, mais surtout, il faut qu’Hydro-Québec revoie sa stratégie de redevance dans ce secteur. […] Peu importe sa forme — biocharbon, biocarburant, etc. —, plus tu donneras de la valeur à ton produit, plus la récupération sera importante ", croit-il.

"Il faut un projet qui sera solide"

Citant en exemple la reconversion à la biomasse de la chaufferie de l’hôpital de Roberval qui s'est soldée par un échec [l'établissement utilisant désormais le gaz naturel pour sa chaufferie NDLR], l’expert en aménagement forestier rappelle que cette transition a été un échec en raison du prix du combustible.

" Il faut un projet qui sera solide et qui jouera le rôle de vitrine afin qu'il puisse se répliquer. […] La crise énergétique en Europe les aura aidés à avoir une longueur d’avance dans ce domaine. Au Québec, il faut maintenant bien structurer les projets et il faut que le gouvernement se penche sur des programmes d’accompagnement et de subventions ", indique M. Bouchard, ajoutant que les secteurs du bois d’œuvre et du panneau sont dans des creux en raison des prix qui ont diminué, ce qui ne favorise pas de la R&D en matière de valorisation du sous-produits.

Bois long ou court

Dans le domaine forestier, deux principales méthodes de coupe de bois se distinguent une fois un arbre abattu : la coupe de bois long et la coupe de bois court. La première consiste à laisser les arbres en grandes sections ou entiers jusqu’à leur déplacement au bord du chemin pour y être traités, privilégiant la simplicité du transport de gros volumes en une seule opération.

À l’opposé, la coupe de bois court se caractérise par un traitement immédiat des arbres sur le lieu de leur abattage, où ils sont ébranchés et découpés en sections plus maniables. Cette méthode facilite le tri et l’empilement par catégorie d’utilisation, optimisant donc la gestion des ressources et le transport. Chacune de ces techniques présente des avantages distincts, influençant directement la gestion forestière et l’exploitation du bois.