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Maxime Hébert-Lévesque

SAGUENAY – Bien que les conifères soient nombreux à peupler notre région et que les traditions y soient célébrées par une majorité de la population, le Saguenay–Lac-Saint-Jean ne compte aucun producteur de sapin de Noël sur son territoire. Ce marché laissé vacant pourrait offrir d’intéressantes opportunités, selon l’Association des producteurs d’arbres de Noël du Québec (APANQ).

« Chaque année, ils sont nombreux les commerçants du Saguenay–Lac-Saint-Jean qui nous contactent afin de savoir où ils peuvent se procurer des arbres de Noël », précise Émilie Turcotte-Côté, agronome et Vice-présidente de l’APANQ qui se dit également « étonnées de ne compter aucun membre dans notre région. » Pourtant les essences de sapin : Baumier, Fraser, Canaan et Cook qui sont généralement utilisés pour le traditionnel arbre de Noël poussent relativement bien dans nos sols et la demande est bien présente. Même l’application en ligne Mon Sapin Naturel.com qui indique aux consommateurs où se procurer un arbre en mode autocueillette ou en kiosque désigne la ville de Québec comme l’endroit le plus près à partir du code postal d’Informe Affaires à Jonquière.

Selon l’agronome, la raison pourrait être historique. « L’acheteur principal, ce sont les États-Unis. Le Québec est le plus grand producteur et il exporte, par année, plus de deux millions de sapins et 98 % de ce nombre se retrouvent chez nos voisins du sud. Il n’est donc pas surprenant que l’Estrie soit la chef de file dans la production puisqu’elle est géographiquement collée sur la frontière. Situé plus loin des lignes américaines, le coût de transport des sapins en provenance du Saguenay–Lac-Saint-Jean devait être plus élevé, les rendant plus chers que ceux de l’Estrie. » Il ne s’agit que d’une hypothèse, mais cela pourrait expliquer pourquoi une industrie du sapin de Noël n’existe pas chez nous, les producteurs forestiers de la région préférant se concentrer sur la production de bois d’œuvre.

Une demande en hausse

En 2020, on compte sur le territoire québécois 262 producteurs, dont 130 en Estrie seulement, et notre production représente à l’échelle canadienne 53 % et 17 % au niveau mondial. Avec nos 8255 hectares dédiés aux sapins de Noël, nous pouvons affirmer être l’un des joueurs les plus importants. Selon un rapport réalisé par Josée Robitaille du MAPAQ, « […] la production a plus que doublé depuis 2013 pour atteindre 60,2 M$ en 2018. Le nombre d’arbres exportés à l’étranger par le Québec a également doublé au cours de cette période ». Dans le même document, on souligne que la hausse des exportations serait due à une baisse de production du côté des États-Unis, une croissance de la population et une bonne tenue de l’économie américaine auraient également permis aux ménages de dépenser plus pour les festivités. Bien qu’il n’existe pas de données sur les ventes au Québec et interrégionales, on note une augmentation de la demande qui est considérable. Une croissance qui s’explique par un désir de retourner aux traditions. « On sent la volonté des Québécois de revenir aux sources, une certaine nostalgie. En plus avec la pandémie, je pense que les gens seront davantage portés à choisir un vrai arbre et se rassembler autour. Il y a aussi l’engouement pour l’achat local, on observe que les nouveaux producteurs se sont lancés en affaire pour répondre à une demande locale. L’autocueillette est très populaire. C’est-à-dire que ce sont les consommateurs munis d’une hache qui vont abattre leur arbre directement chez le producteur », explique Émilie Turcotte-Côté.

La production, comment ça marche ?

Selon l’APANQ, un producteur qui déciderait de démarrer son entreprise pourrait viser le marché de la Capitale-Nationale ainsi qu’un autre de proximité. Est-ce rentable ? Oui, selon l’agronome qui explique que le prix des arbres ne fait qu’augmenter chaque année, mais qu’en agriculture, rien n’est certain. « On plante environ 3 300 arbres par l’hectare et on essaie de vendre au moins 3 hectares par année. À 29 $ le sapin, nous obtenons un montant de 290 000 $ qu’on soustrait au coût de production, qui gravite autour de 14 $ par arbre. Un producteur qui vend donc 10 000 sapins par année peut espérer un bénéfice de 150 000 $. Toutefois, pour une telle production, il faut prévoir un terrain de 30 hectares, soit 10 fois plus de superficie que ce qu’il récolte annuellement, car ça prend 10 ans à un arbre avant d’être prêt à récolter. » À tout cela, l’agronome ajoute qu’il faut calculer les montants nécessaires à l’acquisition de la machinerie et les aléas du marché qui peuvent changer sur une période aussi longue qu’une dizaine d’années.

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