N.D.L.R. : Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique sur l’industrie forestière publié dans notre édition du mois d’avril. 

SAGUENAY – « Effectuer un transfert d’entreprise, c’est avant tout une question humaine et un deuil, et pas seulement une question financière et fiscale. » Vice-président management et leader en relève entrepreneuriale chez Raymond Chabot Grant Thornton, le comptable Éric Dufour en a long à dire sur les pièges et les défis que représentent le transfert d’une entreprise, notamment dans le secteur de l’industrie forestière.

Le principal piège à éviter, selon M. Dufour, est l’absence de plan de relève. « Il y a près de 90 % des entrepreneurs en position de transférer qui n’ont pas de plan de relève. Un plan de relève, c’est d’être préventif, de mettre sur papier une réflexion autant personnelle que d’entreprise. Un autre piège à éviter, c’est d’improviser », explique-t-il.

Ce dernier ajoute que son travail est d’aider l’entrepreneur à bâtir son plan de relève avec une réflexion complète sur comment il va ralentir, ce qu’il va continuer à faire, son deuil entrepreneurial, sur combien d’années il effectuera son transfert progressif, la planification financière, etc.

« Il y a aussi l’angle des repreneurs. Oui, il y a des enfants qui jouent déjà un rôle dans l’entreprise, mais être un employé et un enfant, ce n’est pas la même chose que d’être actionnaire. On connaît les caractéristiques pour bien mener à termes les projets de relève. Le plan financier, le financement du rachat, fiscal, son plan stratégique, etc. C’est cela, une réflexion complète pour bâtir son plan de relève. Mais présentement, ce n’est vraiment pas cela qu’on constate sur le terrain. Pourtant, travailler un plan de relève, c’est transférer une vie entrepreneuriale », insiste Éric Dufour.

Industrie forestière

Du côté de l’industrie forestière, le leader en relève soutient que cette dernière crée un grand stress au niveau de la relève entrepreneuriale en raison de la pénurie de main-d’œuvre qui est plus criante dans ce secteur.

« La pression de la main-d’œuvre crée une pression sur le dirigeant à « attacher ses ressources ». Souvent, l’actionnariat et la relève entrepreneuriale sont une solution et il faut impliquer ces ressources. De plus, le milieu forestier a déjà un défi face à l’image de l’industrie pour attirer de nouveaux travailleurs. On le sait, pour régler le problème, il faut améliorer la perception de l’image d’un travailleur forestier, qui est un corps de métier super valorisant avec des conditions intéressantes. Pour que le transfert se fasse bien, autant dans une vision de management que dans une vision comptable, s’il y a un ingénieur forestier qui n’a jamais été impliqué dans les rouages de l’entreprise, par exemple, c’est le temps de le préparer. De plus, il faut miser sur l’intérêt le plus tôt possible en ciblant les relèves potentielles pour les mobiliser dans le projet de transfert. Il faut que l’entrepreneur rendu à 53, 55 ou 58 ans fasse son plan de relève, car c’est sur cinq, huit ou 10 ans que ça se vit. »

Parmi les autres pièges à éviter, M. Dufour affirme qu’il ne faut pas aller trop vite et que l’on doit prendre de cinq à huit ans pour faire son plan de relève. « On doit aussi éviter le piège de mal communiquer ses intentions. La communication organisationnelle est un autre grand défi. Dans le domaine de la forêt, je ne pense pas que ça soit les plus communicateurs. C’est un domaine conservateur. Il faut en parler au bon moment et aux bonnes personnes. Il est important aussi de ne pas mettre de côté l’aspect humain. »

Défis

Du côté des défis à relever, Éric Dufour retient celui de la relève entrepreneuriale avec la démographie du Québec et ses 1,86 enfant en moyenne par
« bébé boomer ».

« Il y a au maximum un enfant sur deux qui veut faire partie de la relève de l’entreprise. En pratique, ça prend deux ou trois personnes pour remplacer notre « Roger » traditionnel, notre entrepreneur québécois. Il manque une ou deux autres ressources. Le facteur de succès est de s’assurer d’avoir une équipe de relève qui correspond à son industrie, à ses défis d’entreprise et dont les membres vont être complémentaires. De plus en plus, les modèles sont hybrides avec 67 % des transferts d’entreprise qui sont faits avec des modèles famille et hors-famille. Je le répète à chacune de mes conférences : Réveillez-vous. C’est le temps de bouger. Les différentes associations, leaders des industries me demandent de plus en plus de donner des conférences, car la relève d’entreprise est l’un des enjeux de l’heure. Et il y a des subventions possibles pour supporter ces plans de relève », de conclure M. Dufour.