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Maxime Hébert-Lévesque

SAGUENAY – Éloïse Harvey est cheffe de la direction d’EPIQ Machinerie, une entreprise saguenéenne qui compte 250 employés au Québec et qui se démarque dans l’industrie lourde. Fille d’un entrepreneur à succès, Mme Harvey a bénéficié de plusieurs opportunités durant son parcours, mais ce sont ses compétences intrinsèques qui lui ont permis de réussir.

« L’entrepreneuriat, c’est une histoire de famille chez nous. Mon père, Jeannot Harvey, a fondé le Groupe Ceger en 1976, l’année de ma naissance. J’ai donc toujours évolué dans cet univers-là », raconte Éloïse Harvey, qui souligne qu’avoir un père entrepreneur et propriétaire d’entreprise lui a offert certains avantages. « Je ne cacherai pas qu’être la fille du propriétaire de Cegerco m’a ouvert les portes sur une carrière prometteuse. J’ai certainement eu plus d’opportunités que les autres de mon âge et lors de mes premiers emplois on m’a donné plus de responsabilités. Toutefois, j’ai dû développer mes compétences et mettre la main à la pâte. Comme j’explique aujourd’hui à mes enfants, la liberté et la sécurité d’emploi qu’apporte une position comme la nôtre nous demande en contrepartie de fournir plus d’efforts, les gens ont plus d’attentes envers nous. »

Se former

Éloïse Harvey débute au sein du Groupe Ceger dès son adolescence. « Je me souviens qu’à l’été de mes 16 ans, j’ai été réceptionniste. J’ai fait beaucoup de petites tâches administratives dans différents départements. C’est lorsque j’ai commencé ma formation en génie mécanique et en administration, un double baccalauréat qui se donne uniquement à McMaster University en Ontario, que mes emplois d’été chez Cegerco se sont précisés. J’ai été amenée à déménager de Saguenay un été pour me rendre à Montréal. Je faisais le suivi des plans de chantier de la construction de l’usine du fabricant de cosmétiques L’Oréal à Saint-Laurent. Plus tard, j’ai été à Lebel-sur-Quévillon pour travailler sur un centre de traitement des eaux usées. J’ai pu toucher un peu à tout et j’ai même effectué durant mes congés scolaires une analyse RH des différentes filiales de Cegerco. À la fin de mes études, je possédais une bonne connaissance de l’entreprise et de son fonctionnement », souligne l’entrepreneure.

Faire sa place

Le népotisme est le terme utilisé lorsqu’un dirigeant favorise les membres de sa famille au détriment des autres employés. Une situation qui crée un climat toxique et qui peut créer des tensions entre les travailleurs. « Bien sûr que j’ai eu un filet de sécurité en dessous de moi qui m’a permis de prendre plus de risque. Toutefois, mon père s’est toujours assuré de ne pas me placer dans une situation qui rendrait les autres employés inconfortables. Lorsque j’ai gradué de l’université en 1999, j’ai commencé ma carrière chez Mecfor. À l’époque, il s’agissait de la plus petite division de Cegerco et nous étions onze employés. J’ai été embauchée à titre de représentante technique aux ventes et mon supérieur immédiat était le directeur général de la division. Je n’étais donc pas sous les ordres de mon père et je pense que c’était la meilleure façon de faire au niveau de l’éthique professionnelle. »

Voler de ses propres ailes

En 2007, Éloïse Harvey décide de se retirer de Mecfor pour aller s’installer à Montréal. « Je voulais du changement et je rejoignais mon conjoint qui résidait là-bas. À cette époque, j’étais au développement des affaires pour la division de génie-conseil de Cegerco. Au même moment, nous avons fusionné avec la multinationale WorleyParsons et ç’a été une période où j’ai énormément appris. J’ai pu vivre la grande entreprise et mes patrons étaient basés à Calgary ou encore en Australie. Nous avions plusieurs contrats dans le secteur des mines et ç’a été très enrichissant au niveau professionnel. En parallèle, je discutais avec mon père pour prendre sa succession à la tête de Cegerco ».

Au bout de trois ans d’attente, aucune date n’avait été fixée pour le transfert des pouvoirs. Mme Harvey approchait la quarantaine et elle se sentait prête à devenir propriétaire d’entreprise. « J’ai changé mes plans et j’ai plutôt proposé à mon père de racheter Mecfor. Je voulais voler de mes propres ailes et il a accepté. J’ai conclu une entente avec le Fonds d’investissement canadien SeaFort Capital pour m’aider à financer mon projet et, en 2018, je suis devenu propriétaire de Mecfor. »

EPIQ Machinerie

Au mois d’août 2021, Mecfor annonce une fusion complète avec un fabricant d’équipements de manutention lourds de Saint-Bruno-de-Montarville en Montérégie. La nouvelle entreprise devient EPIQ Machinerie et les installations saguenéennes sont conservées. « En unissant nos forces avec celle d’Advanced Dynamics, nous brisons les barrières à notre croissance. Une entreprise qui croît comme la nôtre se heurte tôt au tard à une problématique de production. En fusionnant, nous avons désormais accès à une unité de fabrication de type mécanosoudé en Inde. Cette usine détenue à part entière par EPIQ Machinerie compte 350 employés et absorbe l’ouvrage occasionné par l’augmentation de notre volume d’affaires. Avoir ce satellite sur le continent asiatique est un avantage majeur. Quelque 70 % des contrats que nous réalisons sont hors Québec. Je pense que pour l’avenir de notre entreprise, la fusion a été une excellente décision et les chiffres ne mentent pas. Pour notre première année d’activité, nous avons augmenté de 30 % nos revenus combinés. Nous devrions donc enregistrer un chiffre d’affaires de 70 M$. En plus, nous avons connu une hausse de nos effectifs de 25 %. En pleine pénurie de main-d’œuvre, c’est quelque chose dont nous sommes particulièrement fiers », commente Éloïse Harvey qui termine en soulignant l’encadrement précieux qu’elle a eu de son père dans le développement de sa fibre entrepreneuriale. « Si un jour mon entreprise devient plus grande que l’empire bâti par mon père, je crois que c’est lui qui en serait le plus fier. »

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