25 ans de la Loi sur l’équité salariale
SAGUENAY – Adoptée il y a 25 ans, la Loi sur l’équité salariale (LÉS) a fait beaucoup progresser les femmes sur le marché du travail, mais n’a pas encore permis d’atteindre l’équité. En effet, les travailleuses ont gagné en moyenne 10 % de moins que leurs collègues masculins au cours des cinq dernières années, selon les chiffres avancés par la CNESST.
Depuis l’entrée en vigueur de la Loi en 1997, l’écart salarial est passé de 15,8 % à 8,1 % en 2020. Le Québec est ainsi devenu un chef de file dans le monde, alors que sa différence salariale entre les sexes est inférieure à celui de l’Ontario (11,5 %), du Canada (11,3 %) et de l’Union européenne (14,1 %).
Toutefois, ces gains sont considérés par plusieurs mouvements syndicalistes et féministes comme insuffisants. Les statistiques présentées par la CSN, la FTQ et la CSQ sur un site Web commun établissent que les femmes gagnaient, en 1997, 0,84 $ pour chaque dollar empoché par un homme. En 2016, ce chiffre est passé à 0,89 $, une amélioration de seulement 0,05 $ en près de 20 ans. Pour les femmes racisées, c’est plutôt 0,59 $ pour chaque dollar gagné par un homme blanc.
« Les statistiques confirment le point de vue des groupes féministes et syndicalistes. […] La LÉS a corrigé des choses, ne serait-ce que dans la mentalité de la société et des employeurs, mais elle n’a pas tout réglé », souligne Michel Larouche, CRIA, consultant en rémunération, relations de travail et ressources humaines.
M. Larouche, qui a participé aux balbutiements de la Loi, estime que la notion d’équivalence a tout de même représenté un tournant majeur dans la façon de voir les choses. « L’égalité, c’est-à-dire à travail égal, salaire égal, existe depuis 1976. La LÉS rectifiait quant à elle une disparité systémique causant des écarts salariaux pour les femmes. […] Elle stipule qu’à travail équivalent, il doit y avoir rémunération égale », rappelle-t-il.
Une loi complexe
Puisqu’elle repose sur cette notion d’équivalence, la Loi sur l’équité salariale est à la base très complexe. « Il faut définir ce que c’est, un emploi équivalent ou de même valeur. […] C’est une démarche assez technique et compliquée [voir encadré NDLR]. Ce n’est pas à la portée de n’importe qui ou réalisable en très peu de temps », affirme le consultant, précisant que plusieurs critères sont enchâssés dans le texte juridique.
Ce facteur peut expliquer, en partie, pourquoi la Loi adoptée en 1996 n’a pas eu tout le succès escompté. « Les entreprises s’y conforment parce que c’est obligatoire, mais elles ne le font généralement pas de gaité de cœur. […] Il y a encore des organisations qui ne s’y sont pas soumises. Elles s’exposent à des amendes pouvant aller jusqu’à 45 000 $. […] Il faut dire aussi que ce n’est que depuis 2009 que la Loi a des dents, qu’il y a des sanctions », indique Michel Larouche.
Celui-ci mentionne également que les mouvements de personnel font en sorte que les employés qui ont réalisé les exercices pour une entreprise donnée ne sont pas toujours là quelques années plus tard. Le suivi n’a alors pas été fait et il est parfois nécessaire de recommencer à zéro.
Simplifier
Monsieur Larouche affirme que la complexité de l’exercice d’équité salariale pousse souvent les entreprises à faire appel à un consultant. Cependant, ce ne sont pas toutes les organisations qui peuvent se le payer. « Pour les petites PME, c’est peut-être plus difficile à atteindre. Il y a beaucoup de travail à faire encore. »
Le consultant souhaite que le gouvernement se penche sur la simplification de la démarche et la mise en place d’outils plus conviviaux que ceux proposés en ce moment. « Actuellement, comme les gens ne connaissent pas ça, ça leur prend du temps pour se familiariser avec les techniques et être capables de les employer adéquatement. […] […] Le guide pour la réalisation du processus a 400 pages. L’usage du progiciel de la CNESST vient aider, mais ça manque de convivialité. Les changements devraient se faire ressentir sur les éléments d’utilisation, tels que la pondération, les facteurs d’évaluation, etc. Il faut simplifier la Loi et améliorer les outils », estime-t-il.
La Loi sur l’équité salariale
La Loi touche toute entreprise qui compte 10 personnes et plus. La démarche est composée d’un exercice initial, puis d’un maintien tous les cinq ans. Ce maintien est rétroactif à partir de la date où le changement nécessitant un ajustement est survenu. Un exercice d’équité salariale comprend de nombreuses étapes très techniques, notamment.
1. Identifier les catégories d’emploi.
Les entreprises doivent se baser sur 3 critères : des responsabilités similaires, l’accès à un salaire similaire et une formation exigée similaire.
2. Déterminer la prédominance sexuelle de ces catégories d’emploi.
« Là, la Loi nous donne quatre éléments dont on doit tenir compte. Quel est le nombre de femmes et d’hommes qui occupent le poste ? Est-ce qu’il existe un stéréotype pour cette catégorie ? Quel est l’historique du poste dans l’entreprise, était-il occupé par des hommes ou des femmes ? Quel est le pourcentage du poste dans l’effectif ? Déterminer la catégorie d’emploi est une décision qui revient à l’employeur, mais qui peut être contestée », explique Michel Larouche.
3. Définir la rémunération globale de ces catégories.
Il faut prendre en compte les salaires, les bonus, les avantages sociaux, les congés, les pourboires, etc.
4. Évaluer chaque catégorie
« On n’évalue pas les tâches du poste. Il faut utiliser des facteurs qui nous permettent, de façon objective, d’évaluer chaque emploi. La Loi précise qu’on doit obligatoirement évaluer au moins quatre facteurs : les conditions de travail, les efforts fournis, la formation et les compétences exigées ainsi que les responsabilités assumées par le poste. L’outil de la CNESST compte 11 sous-facteurs, mais il peut y en avoir plus. Il va y avoir un pointage donné pour chaque facteur pour chacun de mes postes », note M. Larouche. Par ailleurs, le poids relatif de chaque facteur dans l’entreprise doit être déterminé. Il sera ainsi pondéré sur un pourcentage. La Loi vient encadrer cette pondération avec un pourcentage minimal et maximal pour les différents facteurs. La valeur du poste est représentée par le nombre de points obtenus.
5. Estimer les écarts salariaux.
Il y a obligation d’utiliser trois manières de comparer les postes. L’entreprise a ensuite le choix de la méthode qu’elle va utiliser pour déterminer ses écarts salariaux. La méthode globale compare un poste féminin à l’ensemble des postes masculins. La méthode individuelle se subdivise en deux façons de faire. La première prend le poste féminin et le compare aux résultats du calcul du poste masculin juste en haut et juste en bas du poste féminin. La seconde compare le poste féminin au poste masculin le plus près en pointage.
6. Afficher les résultats.
Durée minimale de 60 jours. Les employés peuvent poser des questions, porter plainte, etc. Deux affichages à faire. Le deuxième permet de préciser s’il y a eu des changements effectués ou non à la suite des commentaires sur le premier affichage.