Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. : Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « La main-d’œuvre, clé de notre prospérité; recrutement et rétention, immigration et intégration, adéquation formation-emploi », publié dans notre édition du mois d’août.

ALMA – De plus en plus d’entreprises se tournent vers le recrutement de travailleurs à l’étranger pour combler leurs besoins de main-d’œuvre. L’intégration de ces travailleurs issus de l’immigration est un enjeu. Qu’en est-il lorsque, en plus, ils ne parlent pas français?

Les intervenants sont unanimes : la francisation doit être une priorité pour l’entreprise qui recrute des travailleurs ne parlant pas français, puisqu’elle est essentielle à leur intégration et à leur rétention. « Comment un travailleur qui ne parle pas la langue peut comprendre les politiques de gestion, de ressources humaines, les contrats, les normes de sécurité de l’entreprise? Ça peut être difficile pour lui, parce que ça affecte sa productivité et son estime », souligne Sereyrath Srin, vice-président exécutif de la firme Zonéo Monde, qui accompagne les entreprises dans le recrutement, l’accueil et l’intégration de travailleurs issus de l’immigration. Même si un interprète peut accompagner l’employé au début, ce n’est pas une solution à long terme.

Le gouvernement québécois a d’ailleurs fait de la francisation une priorité ministérielle. « C’est soutenu par Services Québec. Le salaire des employés est remboursable aussi. Ils sont payés pendant qu’ils font les cours », indique Annie Brassard, agente de développement chez Forgescom, qui offre des cours de francisation aux entreprises de la MRC de Lac-Saint-Jean-Est. Le gouvernement peut donc rembourser les salaires, mais aussi parfois certains frais que l’entreprise pourrait engager, par exemple pour offrir des cours de francisation à ses employés.

L’organisme constate d’ailleurs une augmentation de la demande pour ces cours. C’est à l’automne 2018 qu’il a traité ses premiers dossiers de francisation et, en ce moment, il offre des cours à cinq entreprises. Pour certaines, le programme a commencé avec un employé et en compte maintenant plusieurs. « Il y a trois ans, on a commencé à donner des cours d’espagnol aux producteurs agricoles, qui emploient depuis plusieurs années des travailleurs de l’Amérique latine. […] On en voyait beaucoup dans le secteur agroalimentaire. Aujourd’hui, il y a une nouvelle vague de travailleurs étrangers dans d’autres industries. Ce sont des travailleurs formés, parfois hyperspécialisés », affirment Annie Brassard et son collègue, Louis Cousin.

En amont

L’intégration des travailleurs issus de l’immigration au sein d’une entreprise, et leur francisation le cas échéant, se prépare en amont de leur arrivée. « Il faut prévoir en amont, se préparer à l’arrivée de ces travailleurs. Il faut préparer les autres employés aussi, pour éviter des préjugés ou des incompréhensions », souligne Louis Cousin, rappelant qu’il s’agit d’un énorme défi d’arriver dans un pays dont on ne parle pas la langue et que les employés recrutés à l’international ont souvent une grande volonté de s’installer ici et de s’y intégrer. « C’est quelque chose qu’on prend en compte dès le départ et pour lequel on fait un suivi de près quand on offre un service d’accompagnement et d’intégration à une entreprise », renchérit M. Srin.

Dans la MRC de Lac-Saint-Jean-Est, par exemple, un comité incluant la communauté, les prestataires de services, etc. a été mis en place pour l’arrivée de travailleurs chez Proco. « On a même évoqué le parrainage de travailleurs par des citoyens, par exemple pour faire des activités », mentionne M. Cousin. Mentionnons que, dans la MRC, l’agente de l’organisme Portes ouvertes sur le Lac, Christine Girard, accompagne les nouveaux arrivants et les entreprises, notamment pour faciliter la transition.

Quels outils?

Selon Sereyrath Srin, il existe plusieurs options pour les entreprises qui recrutent des travailleurs issus de l’immigration. Le site du ministère de l’Immigration, de la diversité et de l’inclusion est une bonne piste de départ pour trouver des outils ou des programmes en lien avec la francisation. Par exemple, il existe des cours en ligne que les travailleurs peuvent suivre. Des écoles de langues gratuites sont aussi offertes.

Le vice-président de Zonéo Monde recommande aux entreprises de se doter d’un plan d’accueil et d’intégration des travailleurs issus de l’immigration qui intègre la francisation. Un employeur pourrait aussi former un comité chargé de veiller à l’intégration, désigner des employés-ressources pour le français ou encore mettre en place des activités de jumelage. Il doit aussi être flexible à propos des horaires, pour s’assurer que l’employé puisse assister à ses cours de français. « Les autres travailleurs et les gestionnaires doivent aussi adapter leur langage et parler moins vite pour faciliter l’intégration de ces travailleurs en apprentissage du français », rappelle-t-il.

Du côté de Forgescom, les ressources peuvent se déplacer dans les entreprises qui ont une place d’affaires sur le territoire la MRC Lac-Saint-Jean-Est. Si l’organisation est basée sur ce territoire, mais a des points de services ailleurs, il est également possible que les professeurs se déplacent dans ces bureaux. « C’est vraiment un programme sur mesure. […] On s’adapte à l’horaire de l’entreprise, adapter le nombre d’heures. Parfois, on a un professeur pour un élève. Il y a beaucoup de coaching qui se fait. Par exemple, on peut faire des sorties en ville, aller au restaurant, faire l’épicerie, des achats pour l’entreprise. On peut donner comme devoir d’écouter une télésérie québécoise à la télévision, ça permet d’intégrer la culture aussi », explique Annie Brassard.

La durée des mandats varie selon les entreprises, entre deux à six mois. Chaque mandat est renouvelable jusqu’à ce que la personne ait acquis un niveau de français suffisant pour travailler dans cette langue.

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