N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Le transport, un service vital publié dans notre édition du mois de septembre.

SAGUENAY – Le train pourrait représenter une partie de la solution pour la décarbonation dans le domaine du transport. Ils sont trois à quatre fois plus écoénergétiques que les camions, selon l’Association des chemins de fer du Canada (ACFC), et la majorité des infrastructures nécessaires à une transition vers le rail existent déjà. 

Toujours selon les chiffres de l’ACFC, une locomotive peut transporter une tonne de marchandises sur plus de 220 kilomètres avec un seul litre de carburant. Ce faisant, elle remplacerait plus de 300 camions. Un comparatif des différents modes de transport présenté par Port de Saguenay établit aussi une production de 14,2 grammes de CO2 par tonne-km pour le train, contre 75,5 pour le camion. Ainsi, l’ACFC estime que le remplacement de 10 % du fret des poids lourds vers le rail réduirait les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’environ quatre mégatonnes d’équivalent CO2.

De son côté, Nolitrex, entreprise de Jonquière spécialisée en transbordement ferroviaire, a calculé qu’il y aurait approximativement 200 camions par jour qui empruntent le Parc des Laurentides entre Québec et Saguenay, dans chaque direction. Leur substitution permettrait d’éviter un nombre non négligeable de tonnes de GES.

« Moi, j’y crois depuis le début que la transition vers le train peut se faire. […] L’idée globale, en enlevant des camions de sur les routes, c’est de diminuer les GES, mais aussi de moins endommager les chaussées. C’est dans la bouche de plusieurs politiciens et organisations. Les outils sont là pour commencer à faire du transport intermodal sur des distances comme celles de Montréal-Saguenay. On n’aurait pas besoin d’investissements majeurs », affirme Christian Ricard, président de Nolitrex, entreprise de Jonquière spécialisée en transbordement ferroviaire. 

Piggyback

Celui-ci évoque notamment le piggyback, qui permet de transporter les mêmes remorques tirées par les camions sur les trains. Une fois à destination, les remorques peuvent être attachées au tracteur routier pour livrer les marchandises localement aux entreprises. Ce système, très utilisé dans les années 50 à 80, a progressivement été mis de côté pour le transport par conteneurs. Le dernier, opéré par le Canadien Pacific entre Montréal et Toronto, a cessé ses activités il y a près d’une dizaine d’années. 

Selon Christian Ricard, des wagons de ce type sont encore exploités entre Sept-Îles et Schefferville, puisqu’il n’existe pas de route entre les deux. C’est un mode de transport qui pourrait être repris entre Montréal et Saguenay, par exemple. « Je pense que c’est quelque chose qui pourrait se faire facilement, en fonction de la disponibilité des wagons. […] À mon avis, le piggyback était avantageux parce que le prix qu’ils chargeaient pour le rail pour amener des remorques, c’était compétitif. Et demain matin, si tu as les wagons, tu peux commencer. L’infrastructure est là », indique M. Ricard. 

Une autre solution serait de recourir davantage au transport par train pour les conteneurs. Le centre de transbordement de Nolitrex possède les mêmes équipements qui sont utilisés dans les ports et les centres de transbordement intermodal. Il effectue déjà le transbordement de matières solides et liquides en vrac, de produits en poche, de métal, etc. Il est bien outillé pour charger ou décharger des conteneurs. En outre, il a la capacité d’accueillir une augmentation des besoins.

« Actuellement, les matières premières qui arrivent de Chine, par exemple, sont transportées par bateau jusqu’à Prince George ou Vancouver, puis par train jusqu’à Montréal. Elles sont alors sorties des conteneurs, puis expédiées par camion. Cependant, elles pourraient se rendre en train directement jusqu’ici. Inversement, nous pouvons charger des conteneurs à partir de Saguenay et les envoyer partout au Canada et aux États-Unis », illustre le président de l’entreprise. Avec la présence du Port de Saguenay, il serait aussi possible de combiner la voie maritime à celle ferroviaire.

Main-d’œuvre

Le train pourrait aussi contribuer à diminuer la pression exercée par la pénurie de main-d’œuvre sur le domaine du transport. Alors que plusieurs entreprises vivent des difficultés à recruter des chauffeurs, Christian Ricard assure que du côté du transbordement, les besoins en travailleurs sont en général comblés. « La main-d’œuvre est au rendez-vous. Il y a de la place pour une croissance de ce côté-là », précise-t-il. 

L’homme d’affaires ajoute que le métier est moins exigeant que celui d’un camionneur qui doit partir sur de longues distances. « Ceux qui œuvrent au transbordement sont à la maison tous les soirs. C’est plus facile pour la vie familiale et de couple. Utiliser le rail sur les longues distances et les camions sur de plus courts trajets permettrait de diminuer la pression sur les chauffeurs. » 

Volonté politique

Christian Ricard estime toutefois qu’il devra y avoir une volonté politique solide avant d’observer des changements s’effectuer dans les modes de transport. En effet, le train prend plus de temps que le camion, ce qui nécessite de revoir la logistique des chaînes d’approvisionnement. Par ailleurs, sur de courtes distances, comme entre Montréal et Saguenay, le camion est plus rentable financièrement que le train. Cela fait en sorte que de nombreuses entreprises préfèrent encore la route au rail. Deux tentatives d’implanter un centre de transbordement intermodal dans la région ont ainsi échoué dans le passé. 

Selon M. Ricard, il serait possible de s’inspirer de l’Union européenne, qui a adopté récemment une série de mesures législatives afin d’encourager, notamment, le transport intermodal. Le président de Nolitrex croit que des règles prévoyant l’utilisation systématique du train au-delà d’un certain nombre de kilomètres pourraient s’avérer gagnantes. « Quand on met de nouvelles choses en place, il y a des coûts. Cependant, avec les solutions que tu implantes et le volume, c’est là que tu peux réduire les coûts. Oui, la transition aura un prix, mais il faut se positionner sur ce qu’on veut comme société », conclut-il.