N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Le transport, un service vital publié dans notre édition du mois de septembre.

SAGUENAY – Des transformations en profondeur sont à prévoir dans l’industrie du transport. La pénurie de main-d’œuvre et la lutte contre les changements climatiques forcent ce secteur à revoir ses habitudes pour s’adapter aux nouvelles réalités. 

«Traditionnellement, le domaine du camionnage amenait des horaires qui étaient plutôt irréguliers : du travail de nuit, de soir, de fin de semaine, des départs à la semaine. Ce sont des horaires qui ne sont plus vraiment recherchés par les nouvelles générations, et même les anciennes. Les gens font plus attention à la conciliation travail-vie personnelle et travail-famille », indique Caroline Girard, directrice générale de Transcol. 

Cette dernière estime que ces évolutions de mentalités nécessiteront des modifications en profondeur de la chaîne logistique du transport. « L’industrie au complet va devoir s’adapter, pas seulement les entreprises de camionnage. Jusqu’à maintenant, l’économie fonctionnait beaucoup en mode juste à temps. Cela implique des livraisons très tôt le matin, donc d’aller chercher les marchandises la nuit. Les entreprises vont devoir changer leur façon de faire, peut-être commander en plus grande quantité et prévoir de l’entreposage. »

Horaires en disparition

Certains horaires pourraient même être voués à disparaître dans les prochaines années, notamment ceux de fin de semaine. « Quand les retraites vont commencer à se prendre, il y a des horaires que nous allons devoir changer. Il y a des contrats que nous allons devoir modifier, parce que nous ne serons pas en mesure d’honorer la demande du client. Et honnêtement, je ne vois pas quelle autre entreprise serait capable de l’honorer, parce qu’elles vivent des situations identiques », affirme Mme Girard.

Celle-ci ne perçoit toutefois pas ces transformations d’un mauvais œil. « Ce n’est pas négatif. Les gens doivent avoir une vie aussi. On a tellement entendu parler des camionneurs qui n’ont pas vu leurs enfants et leur famille, qui se sont réveillés à 60 ans et qui avaient manqué leur vie. Je trouve ça correct qu’ils puissent profiter de la vie. C’est déjà quelque chose qu’on travaillait ici avant même qu’on évoque la pénurie de main-d’œuvre », estime la directrice générale de Transcol.

S’adapter

Caroline Girard croit que la solution réside dans l’adaptation et la créativité. « Les clients vont devoir s’adapter et changer un peu leur modèle d’affaires. C’est la prochaine étape, selon moi. Ça ne reviendra pas comme avant, au moins tant que le marché de l’emploi ne se sera pas rééquilibré. On est mieux de trouver de continuer d’avancer et de faire les choses différemment que de se battre contre ça », assure-t-elle. 

La directrice générale ajoute que le domaine du transport, qui n’avait pas bougé beaucoup depuis des années, devra faire preuve d’ouverture. « C’est un secteur très statique. Ce n’est pas toujours facile de changer les choses, mais de petites réussites en petites réussites, on démontre que c’est possible. »

Entreposage

Une transformation du modèle logistique des différentes industries générera probablement une hausse des besoins en matière d’entreposage. Pour Caroline Girard, l’augmentation de l’offre d’entreposage régional est un incontournable en la matière. Transcol s’est d’ailleurs tourné vers ce secteur avec la construction d’un entrepôt de 61 000 pieds carrés à Métabetchouan–Lac-à-la-Croix. 

« Actuellement, il arrive qu’on prenne des marchandises ici, qu’on les transporte à Montréal pour les entreposer et qu’on les ramène ici par la suite. En entreposant dans la région, on enlève certains transports et ça nous permet de nous adapter pour la main-d’œuvre », souligne Mme Girard. 

Augmenter l’entreposage régional serait donc une solution gagnante sur le plan environnemental et des ressources humaines. Offrir une logistique complète de transport incluant l’entreposage évite des kilomètres de camionnage et des gaz à effet de serre (GES), tout en permettant aux entreprises de conserver leurs revenus. De même, cela remplace plusieurs trajets très longs par d’autres, plus courts, assurant de meilleures conditions aux chauffeurs. 

Électrification

Caroline Girard ne croit pas que l’électrification du camionnage soit la seule solution pour le développement durable du transport en ce moment. Cette option n’est en effet pas viable sur les longs trajets et pas nécessairement prête à être implantée partout.

« Par exemple, pour nous, un camion électrique pour aller à la Baie-James, ce n’est pas faisable actuellement. Même faire Montréal-Saguenay avec un camion électrique, c’est impensable. Avec le juste à temps, nous allons chercher les marchandises pendant la nuit, elles arrivent ici en fin de nuit et sont chargées dans d’autres camions pour être livrées dans la même journée. Je ne peux pas me permettre d’avoir un camion électrique qui fait la file à une borne pendant 30 minutes ou 1 heure. Mon temps est compté. Mon chauffeur a aussi un nombre d’heures limitées qu’il peut conduire. Et pour un seul camion qui ne se rend pas à Saguenay, le lendemain, c’est une trentaine d’entreprises de la région qui vont subir un impact », précise-t-elle. 

Rapprocher les entrepôts assurerait aux firmes de faire moins de kilomètres et donc de pouvoir utiliser les camions électriques. « Nous pourrions recourir à ces véhicules pour faire tous les transports à l’intérieur du rayon de notre entrepôt. Ça, ce serait viable. C’est ce que nous aimerions éventuellement offrir comme solution », conclut Mme Girard.