N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « La construction : défis et croissance » publié dans notre édition du mois de février.

SAGUENAY – La Coalition contre les retards de paiement dans la construction déplore que le projet de Loi 12 sur l’achat québécois et les marchés publics déposé début février à l’Assemblée nationale ne contienne aucune disposition pour faciliter les paiements aux entreprises effectuant des contrats publics de construction.

Les délais de paiement lors des contrats publics constituent un enjeu dans le secteur de la construction. Selon les chiffres avancés par la Coalition, les délais de paiement dépassent en moyenne 80 jours dans l’industrie de la construction, et certains entrepreneurs attendent parfois des années avant de recevoir la totalité des sommes qui leur sont dues.

Selon le porte-parole, Marc Bilodeau, cela met énormément de pression sur les liquidités des entrepreneurs en construction. « C’est une situation qui perdure et qui rentre dans le corps des entrepreneurs. Nous achetons les matériaux, nous les payons, nous effectuons les travaux, et ensuite nous devons les financer parce que nous ne sommes pas payés. […] J’ai même des entrepreneurs qui me disaient en commençant la semaine qu’ils ne savaient pas comment ils allaient payer leurs employés le jeudi », souligne-t-il.

Des dispositions

Bien qu’elle salue la volonté de favoriser l’achat québécois par les ministères, la Coalition aurait souhaité l’instauration de dispositions pour régler cet enjeu, telles que l’instauration d’un calendrier de paiement et d’un mécanisme efficace de règlement des différends.

« À quoi bon promouvoir l’achat québécois quand l’État lui-même n’est pas capable de payer ses cocontractants dans des délais raisonnables ? Ça fait neuf ans que notre industrie se bat pour que les entreprises québécoises qui réalisent des contrats publics de construction soient payées à temps. C’est assez, l’État doit véritablement donner l’exemple en matière de paiement », affirme M. Bilodeau.

Celui-ci rappelle que le Québec est en retard dans ce dossier, alors que plusieurs autres provinces et le gouvernement fédéral se sont dotés de lois afin d’assurer le paiement dans les délais des travaux réalisés par les entreprises de construction.

Impacts considérables

Le regroupement d’associations d’entrepreneurs en construction rappelle qu’une étude réalisée par Raymond Chabot Grant Thornton en 2014 avait mis en lumière des impacts considérables de ces retards de paiement pour l’industrie et l’économie québécoises. L’étude faisait état de perte de productivité des entreprises, de frais encourus et intérêts qui s’accumulent, de manque de liquidités notamment pour payer les salaires, d’exode des PME vers le privé au détriment des contrats publics, ainsi que de manque de concurrence dans les appels d’offres publics. Au total, le coût économique de ces impacts était estimé à environ un milliard de dollars par année pour le Québec.

Selon la Coalition, la Commission Charbonneau avait également recommandé dans son rapport final que le gouvernement adopte des dispositions législatives ou règlementaires pour mettre fin à ces retards de paiement.

Projet-pilote

Une première initiative, le Projet pilote visant à faciliter les paiements dans l’industrie de la construction, avait été déployée entre 2018 et 2021. Elle avait porté fruits, selon les entreprises du secteur. Marc Bilodeau rappelle que la Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure, adoptée en décembre 2020, incluait notamment ces dispositions pour les paiements rapides. « Mais il n’y a rien pour les centres de services scolaires, Hydro-Québec ou les travaux municipaux. Il faut que ça s’applique à l’ensemble des projets de l’État et à tous les projets qui se font », croit-il.

La Coalition propose d’ailleurs que le gouvernement s’inspire des modalités du projet pilote afin d’inclure des dispositions au sujet des retards de paiement dans le projet de Loi 12. Ce projet de loi propose des dispositions qui visent, notamment, à privilégier l’achat québécois dans les contrats dont la valeur est sous les seuils des accords applicables. De plus, il permettra aux organismes publics de réserver des contrats aux petites entreprises du Québec et d’accorder une marge préférentielle d’au plus 10 % en fonction de la valeur québécoise ajoutée. Il permettra également l’utilisation d’une exigence de produits, de services et de travaux de construction québécois.

« Nous voulons profiter de l’ouverture. Pour créer un projet de loi comme ça, le gouvernement doit ouvrir plusieurs lois. […] On est rendus là. C’est la survie des entrepreneurs qui est en jeu. […] Et ce qu’on demande, ça se fait à coût nul pour l’État », conclut M. Bilodeau.