SAGUENAY – « Le territoire nordique est un territoire qu’on doit habiter, pas juste développer ». C’est ainsi que le président-directeur général de la Société du Plan Nord, Patrick Beauchesne, résume la vision contenue dans le Plan d’action nordique 2020-2023.
Afin de mettre en œuvre cette vision, l’organisme privilégie une approche du bas vers le haut. « Ce n’est pas la Société du Plan Nord (SPN) qui décide pour les intervenants du territoire ce qu’il faut faire. Nous prenons les priorités des gens et on essaie de structurer les actions pour répondre aux priorités identifiées par les acteurs du territoire. […] Quand le Plan d’action nordique a été annoncé, les intervenants du territoire nous ont dit qu’ils se reconnaissaient dedans. Pour nous, c’est le plus beau bulletin. Nous avons écouté les gens, nous les avons compris et nous avons traduit ça dans un plan d’action », indique M. Beauchesne.
Alors que l’an 1 du Plan d’action nordique vient tout juste de se terminer, en décembre, ce sont 46 des 49 actions qu’il contient qui sont débutées. « Il y en a quelques-unes qui ont été retardées à cause de la situation sanitaire qu’on connaît. […] Mais à l’heure où on se parle, je suis confiant qu’on va réussir un gros pourcentage de notre plan d’action comme prévu lors du lancement l’an passé, malgré la COVID-19. Il y a énormément de travail de fait », affirme le directeur général, précisant au passage que 21 actions sont entièrement sous la responsabilité de la SPN, alors que les autres sont menées par des ministères et organismes.
Le gestionnaire rappelle que ces 49 actions ont été évaluées et choisies dans une perspective de développement durable. « Dans chacune, on tient compte de la dimension économique, sociale et environnementale. […] On veut que ce soit un plan de développement régional qui s’appuie sur les principes du développement durable. »
Accéder au territoire
L’un des enjeux majeurs du Nord québécois est l’accès au territoire. Abritant seulement 130 000 habitants sur une superficie de 1,2 million de kilomètres carrés, celui-ci est immense. Cette thématique constitue donc l’une des quatre orientations du Plan d’action nordique. « Si on veut le mettre en valeur du point de vue économique, touristique, ou même pour faire de nouveaux projets d’énergies renouvelables, souvent, il faut construire des routes », souligne Patrick Beauchesne. La SPN a donc contribué à des investissements de plus de 110 M$ pour la conception et la réfection de quatre routes sur le territoire.
La poursuite des travaux pour prolonger la route 138, sur la Côte-Nord, de Natashquan à Blanc-Sablon, est ainsi l’une des actions sur lesquelles la SPN collabore de près. « En même temps que ces travaux se font, nous avons finalisé entièrement cette année le branchement Internet haute vitesse et la téléphonie cellulaire sur les tronçons existants. À l’heure où l’on se parle, tous les petits villages entre Sept-Îles et Blanc-Sablon sont desservis par Internet haute vitesse. […] À titre d’exemple que la SPN ne travaille pas seule, les gouvernements fédéraux et du Québec ainsi que TELUS étaient aussi dans ce projet. »
La réfection de la route 389, également sur la Côte-Nord, et celle de la route Billy Diamond, en Eeeyou Istchee Baie-James, constituent également d’autres gros volets en matière d’infrastructures. « Nous sommes aussi en train de finaliser le branchement Internet haute vitesse des villages du Nunavik en coulant un câble de fibre optique dans la mer, du sud vers le nord. Auparavant, les 14 communautés étaient approvisionnées par Internet satellitaire. Ce sont maintenant près de la moitié des communautés qui sont desservies par l’Internet haute vitesse et nous avons des plans pour poursuivre le branchement des autres », révèle le président-directeur général.
Potentiel socioéconomique
La diversification économique sur le territoire nordique est l’un des autres aspects qui intéressent beaucoup la SPN. En accord avec sa vision d’habiter le Nord, longtemps connu pour l’exploitation de ses ressources naturelles, elle veut favoriser le développement du potentiel socioéconomique d’autres types d’entreprises, dont le tourisme.
« Nous travaillons au soutien du développement de nouvelles économies. Nous ne visons pas seulement de gros projets, mais aussi des choses qui, à l’échelle locale, vont créer quelques emplois permanents et d’autres saisonniers dans la grosse saison. Quand les gens vont profiter de ces activités, il y aura des petites auberges et des restaurants qui s’ouvriront. Ça crée une sorte de hub de développement en microéconomie. »
Des milieux de vie
Selon Patrick Beauchesne, même si on a longtemps vu le Plan Nord comme celui de la création de mines et de la croissance de l’économie par l’industrie lourde, il ne s’agit que d’un volet. « Il y a beaucoup d’autres choses. L’idée d’habiter le Nord, c’était aussi de contrer, petit à petit, le déficit migratoire. Nous souhaitons diversifier l’économie pour créer un hub de développement et réguler ce déficit. On veut faire du territoire nordique des milieux de vie, pas seulement un endroit où les ressources sont exploitées par des travailleurs qui viennent du Sud », assure-t-il.
Des actions à portée plus sociale ou environnementale dans les domaines de la santé, de l’éducation et du logement, notamment, sont donc aussi incluses dans le Plan d’action. La SPN a ainsi contribué au nettoyage de 14 sites d’entreposage de matières dangereuses au Nunavik ; à la création du nouveau Centre régional de rétablissement Isuarsivik pour aider les jeunes Inuits et leurs familles à lutter contre la toxicomanie ; à la construction de résidences étudiantes avec un CPE intégré au Cégep de Sept-Îles afin de soutenir et d’aider de jeunes étudiants innus à poursuivre leurs études.
Un défi de main-d’œuvre
La disponibilité et la formation de la main-d’œuvre, un enjeu pour toutes les régions québécoises, touchent particulièrement le territoire nordique. « Ce qu’on vit partout est multiplié par trois ou quatre en territoire nordique. Entre autres, parce que ce sont des emplois parfois très spécialisés dans certains domaines. Dans le domaine minier, par exemple, ça prend des gens formés pour répondre aux exigences de cette industrie. »
Selon le PDG de la SPN, en cette matière il est impératif de développer des partenariats d’affaires avec les Premières Nations et les communautés inuites. « Ça a été évoqué de façon très claire au Grand cercle économique des Premières Nations, à la fin 2021. Le développement du territoire nordique ne doit pas se faire au détriment des Premières Nations, mais avec elles. Il faut les associer dans la conception des projets, penser à la formation des jeunes sur le terrain pendant les projets de développement économique et leur donner un trousseau d’outils qui vont leur servir dans d’autres types de projets », conclut-il.