L'ANSE-SAINT-JEAN - L'identité des six groupes intéressés à reprendre la gestion du Mont-Édouard à L'Anse-Saint-Jean a été dévoilée par la municipalité. Informe Affaires a pu s'entretenir avec quatre d'entre eux sur leur vision pour l'avenir de la montagne. 


La Compagnie des montagnes de ski du Québec, le Collectif Mont-Édouard et Les Amis du Mont-Édouard avaient déjà fait connaître leur intérêt. Selon les informations divulguées par Radio-Canada le 9 février, un groupe de gens d'affaires régionaux baptisé Vision Mission 2050, un dirigeant du Groupe STGC de Québec ainsi que l'homme d'affaires saguenéen Éric Larouche ont déposé une lettre d'intention.

Ce dernier précise toutefois qu'il souhaite se positionner en tant que partenaire de développement pour les futurs gestionnaires de la montagne. " Moi, je ne veux pas opérer la montagne et je ne veux pas l'acheter non plus. […] Je peux travailler avec n'importe qui, mais je n'ai pas d'intérêt à développer la station de ski ", assure-t-il. Sa vision présentée à la municipalité vise plutôt le développement d'infrastructures quatre saisons, telles que chalets, hôtels, village commercial, offre de restauration, etc. " Je suis ouvert à collaborer pour faire du Mont-Édouard une destination 12 mois. Mais moi, je n'irai pas en appel d'offres ", précise-t-il. 

Des synergies

La Compagnie des montagnes de ski du Québec, déjà propriétaire du Mont Grand-Fonds dans Charlevoix et du Mont Lac-Vert à Hébertville, voudrait créer des synergies entre ces deux montagnes et le Mont-Édouard, si elle en obtient la gestion. Elle souhaite en quelque sorte unifier des destinations régionales qui n'ont pas une masse critique de skieurs à proximité à travers des forfaits communs. Les passes de saison et d'années donneraient ainsi accès à toutes les stations de la Compagnie. " L'avantage, c'est que globalement, le skieur reste dans le périmètre. Mais pour le même prix, vous décuplez l'offre ", résume le président de l'entreprise franco-suisse, Christian Mars. 

Ce dernier assure qu'il n'est pas dans son intention d'augmenter les prix des billets, même s'il prévoit des investissements majeurs. Il donne en exemple le Mont Grand-Fonds et le Mont Lac-Vert (respectivement 69 $ et 59 $ pour un billet journalier adulte au moment d'écrire ces lignes), dont les prix sont demeurés semblables à ceux de la station anjeannoise (67,73 $), malgré l'implantation d'un télésiège de 16 M$ dans Charlevoix et des investissements de 3 M$ à Hébertville. " Nous ne voulons pas une montagne de riches. Nous désirons une montagne qui tourne, qui vive. […] Nous, sur Mont Grand-Fonds, nous n'avons pas bougé les tarifs, mais nous devons passer de 60 000 journées skieurs à 100 000 journées skieurs. On est déjà à 30 % de croissance ", dévoile-t-il, ciblant le même nombre de jours skis pour le Mont-Édouard. 

M. Mars estime qu'il faudra investir 20 M$ en infrastructures dans les deux premières années. Son plan pour le Mont-Édouard prévoit la reconstruction d'un chalet d'accueil en y ajoutant un hôtel de 50 chambres aux étages supérieurs. Des chalets pourraient s'y greffer. À partir de ses discussions avec le constructeur des remontées mécaniques existantes, il juge nécessaire l'injection immédiate de quatre millions de dollars en deux fois pour leur maintien. Cela permettrait de les sécuriser pour environ cinq ans, le temps de repenser complètement le modèle de la station pour organiser l'implantation d'un télésiège débrayable. Au total, les investissements prévus pourraient atteindre 30 M$ sur huit ans.

L'homme d'affaires se dit particulièrement intéressé par la portion Haute-Route, qu'il désire développer pour relier les trois centres de ski. Il aimerait aussi planifier la gestion du Mont-Édouard dans une optique quatre saisons et multiactivités. Attirer la clientèle européenne fait également partie de ses objectifs.

" Le Mont-Tremblant, c'est le parfait contre-exemple. Nous ne voulons surtout pas faire un Mont-Tremblant. […] Je comprends les craintes de la population, mais notre but, c'est d'être ancré dans la population locale et pas de réserver la montagne à des millionnaires ", fait valoir Christian Mars, qui prévoit des rabais pour les résidents de L'Anse-Saint-Jean. 

Vision collective

Le Collectif Mont-Édouard et Les Amis du Mont-Édouard partagent une vision collective de la reprise de la station de ski. Rappelons que les Amis du Mont-Édouard avaient monté un projet de financement avec des obligations communautaires afin d'assurer la pérennité de la montagne, mais celui-ci avait été mis de côté après l'incendie du chalet d'accueil et le refus de 

certaines demandes de subventions.

Le président de l'OBNL, Guy Bélanger, indique que le but demeure de créer une organisation de financement communautaire en incluant d'autres intervenants de l'économie sociale. Il affirme être en discussion avec le Collectif Mont-Édouard afin de voir s'ils peuvent se regrouper. " Notre objectif, c'est le financement collectif. […] Mais c'est tellement polarisé présentement que si on veut retourner vers nos membres, ça va prendre un projet drôlement structurant ", souligne-t-il, ajoutant souhaiter travailler de pair avec la municipalité. Il faudrait aussi trouver un bien qui pourrait agir comme garantie, puisque c'était originellement le chalet d'accueil qui devait jouer ce rôle. 

Montagne communautaire

Le Collectif Mont-Édouard désire que la montagne demeure accessible, aux mains d'intérêts locaux. Rassemblant notamment des professionnels du milieu du ski, du tourisme et du vélo, il se dit le plus qualifié pour administrer le centre et adopte également une vision quatre saisons du développement. " Nos signataires sont des personnes qui peuvent gérer cette montagne. Ce sont tous des gens qui sont à L'Anse-Saint-Jean, qui veulent remplir l'école et le CPE, qui […] redistribuer les fonds dans la communauté. Avoir une montagne communautaire et accessible, c'est le plus important pour notre groupe ", explique la porte-parole, Mélissa Savoie-Soulières. 

Le modèle de gouvernance reste à déterminer en fonction des critères qui seront établis par la municipalité. Le Collectif cible cependant un mode de gestion démocratique. Des partenaires financiers sont déjà attachés. " Nous sommes en train de faire des modélisations financières à court, moyen et long termes, parce que nous désirons faire des investissements responsables ", dévoile Mme Savoie-Soulières. 

Cette dernière donne l'exemple du Mont-Tremblant, où le billet journalier est de 142 $ pour un adulte. " C'est trois fois plus cher qu'ici. Le prix a gonflé parce qu'il y a eu des investissements massifs. On ne veut pas devenir comme eux. " 

Le Collectif désire mettre de l'avant les entreprises locales, par exemple en utilisant une ferme du Bas-Saguenay pour fournir les services alimentaires, la quincaillerie pour du matériel, les entrepreneurs en construction régionaux pour réaliser les projets, etc. " Nous souhaitons développer à l'échelle humaine ", mentionne Mélissa Savoie-Soulières.

Le groupe ne pense pas qu'il soit nécessaire de reconstruire le chalet d'accueil à court terme et juge que les yourtes fonctionnent bien. Quant aux remontées mécaniques, Mme Savoie-Soulières assure que, selon les gens en poste à la station, elles seraient encore viables pour quelques années. " On pense faire faire une évaluation par le fabricant. Il y a des remontées similaires qui durent depuis 100 ans dans le nord des États-Unis. C'est ça notre rêve, de garder ce qui est déjà en place ", avance-t-elle. Le Collectif ne croit pas non plus à la nécessité d'un télésiège débrayable, considérant le temps d'attente actuel sur la montagne. " Nous ne pensons pas qu'il y ait des investissements majeurs à faire en ce moment ", prétend la porte-parole. 

À moyen terme, si la pertinence d'un chalet se faisait sentir, le Collectif envisagerait une construction incluant des aires communes pour les utilisateurs et la collectivité, des offres de bar et de restauration, une salle d'entraînement, des espaces de travail partagés, des boutiques ou bureaux à loyer ainsi que de l'hébergement touristique. 

Mentionnons que la municipalité de L'Anse-Saint-Jean n'a pas donné suite à nos demandes d'entrevues. 

Plus de 75 M$ d'investissements privés en attente

Plus de 75 M$ d’investissements pourraient être réalisés par des promoteurs privés autour du Mont-Édouard dans les prochaines années. Plusieurs projets sont prêts à être lancés et n’attendent plus que la construction d’un système de traitement des eaux et le dénouement du processus de reprise de la montagne entamé par la municipalité.

Plus de détails dans notre édition papier du mois de février.