Le secteur minier du Saguenay-Lac-Saint-Jean est connu depuis longtemps pour ses carrières de granites et la présence de la mine Niobec. Plus récemment, un intéressant projet comme Arianne Phosphate a aussi pris les devants de la scène régionale.
Par Roger Boivin, chroniqueur économique
Devant les besoins criants de la région en termes de diversification économique, n’y a-t-il pas d’autres filières de développement minières qui mériteraient d’être explorées dans la région?
La réponse est oui et en voici cinq des plus intéressantes et peu connues :
La calcite
La calcite est une pierre d’un blanc très pur qui se trouve en grande quantité à Saint-Eugène aux limites de Dolbeau-Mistassini. Jusqu’à tout récemment ce produit était transformé en briques par la défunte compagnie régionale Produits Alba. Dans leurs bonnes années, la mine et Produits Alba généraient près de 100 emplois au Nord du Lac-Saint-Jean. La relance de la fabrication de briques est une priorité des intervenants de la MRC de Maria-Chapdelaine, mais la mise en valeur de la calcite pourrait également passer par la fabrication de dentifrice ou de produits de blanchiment (pour la fabrication de papier entre autres), car la calcite est un minerai aux usages multiples !
L’argile
Mieux connue sous le nom de glaise, l’argile est très présente un peu partout au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Une des caractéristiques de l’argile est sa haute teneur en alumine, le minerai d’où l’on extrait l’aluminium. En fait, l’argile à une des plus hautes teneurs en alumine après la bauxite, un minerai bien connu dans la région et qui est transformé en alumine à l’usine Vaudreuil de Jonquière. Il se trouve qu’une compagnie québécoise, Orbite, a développé et fait breveter un procédé révolutionnaire qui permet d’extraire l’alumine à très haute pureté de l’argile a un cout concurrentiel et avec peu d’impacts environnementaux. La compagnie minière suisse Glencore s’est associée à Orbite pour construire à Cap-Chat en Gaspésie une usine pilote de 120 millions de $. Considérant que l’alumine produite à Vaudreuil n’est pas en compétition avec celle que génère le procédé Orbite, la construction d’une ou de plusieurs usines utilisant ce procédé unique, devrait être évaluée très sérieusement par les intervenants régionaux.
Les Terres Rares
Les terres rares sont un groupe de 17 métaux qui, comme leur nom l’indique, sont peu présents dans la croute terrestre : Cérium, erbium, europium, gadolinium, samarium…Ces métaux sont cependant très utiles notamment dans la fabrication des téléphones intelligents, des ordinateurs, des tablettes informatiques, etc. Une des particularités de ces métaux est que la Chine en est le producteur dans des proportions très élevées, ce qui fait que les fabricants d’appareils technologiques sont activement à la recherche de sources d’approvisionnement alternatives pour ces métaux rares. La région est bien placée pour répondre à cette demande, parce qu’au niveau géologique, les Terres Rares sont souvent associées à la présence de…niobium. Le gisement de niobium de Saint-Honoré est effectivement riche en Terres Rares, comme l’a déjà confirmé discrètement la mine Niobec. L’extraction de ces métaux rares constitue donc une opportunité dont la mise en valeur pourrait avoir d’importants effets structurants sur la mine Niobec actuelle et sur son avenir.
La tourbe
La tourbe est constituée de matières organiques qui se sont lentement décomposées dans des environnements marécageux. On retrouve les plus importants dépôts de tourbe du Québec au Saguenay-Lac-Saint-Jean, notamment au nord du Lac-Saint-Jean et près de l’aéroport de Bagotville. La tourbe étant très absorbante, elle est donc utilisée en horticulture. Comme cette matière est issue de la décomposition des matières organiques, elle a un potentiel calorifique, c’est-à-dire qu’elle peut servir de combustible. Son pouvoir calorifique de base se situe entre le bois et le charbon. De ce fait, nos usines de cogénération qui manquent de matière ligneuse à bruler (en conséquence des diminutions de récoltes forestières dues à la crise forestière) pourraient fonctionner avec de la tourbe. En Finlande, par exemple, 15 % de l’électricité est générée par des centrales qui fonctionnent à base de tourbe. On pourrait donc traiter la tourbe pour la vendre comme combustible à des utilisateurs régionaux ou de l’extérieur.
La silice
Il existe d’importants gisements de silice entre Saint-Urbain et Ferland-Boileau dans le secteur du parc de la Galette. Bien que situé dans la région de Charlevoix la transformation de ce minerai de très haute qualité est faite à Chicoutimi par la compagnie Norvégienne Elkem Métal. Cette compagnie opère une fonderie électrique qui emploie près de 100 personnes et qui produit du Ferro silicium, un métal qui entre dans la composition de l’acier. L’usine de Chicoutimi a récemment remplacé son four par une toute nouvelle technologie très moderne, ce qui en maintient la compétitivité. La filière économique dans laquelle évolue cette usine devrait être l’objet d’une attention soutenue de la part de nos gouvernements municipaux, provincial et fédéral, afin de s’assurer de son développement maximal à long terme.
Une filière économique prometteuse
Bien que le contexte minier mondial soit affecté par une croissance économique moindre que prévue en Chine, ce qui a eu comme conséquence d’abaisser sensiblement les prix de matières premières, le secteur minier régional recèle d’intéressantes possibilités de développement dont il convient dès maintenant de préparer la mise en valeur. Avec son vaste territoire riche en ressources, des infrastructures de transport lourd bien développées (ferroviaire et portuaire notamment), une base de support économique performante (firmes d’ingénieurs, équipementiers, Université, etc.), le Saguenay-Lac-St-Jean est bien placé pour jouer un rôle de premier plan dans la filière minière québécoise.