SAGUENAY – Une relève se prépare doucement chez Chaussures Savard. En effet, Jessica Savard qui représente la quatrième génération de cette famille de cordonniers entrepreneurs, et Michèle Houde, couturière et employée de longue date, sont en processus de reprise du commerce. Si les modalités du rachat aux propriétaires actuels ne sont pas encore définies, les enjeux et l’orientation pour les prochaines années le sont.
« Je ne me destinais pas à reprendre l’entreprise familiale. J’étais une globe-trotteuse et une nageuse de compétition. Je résidais hors de la région jusqu’à ce que mes parents me convainquent de revenir pour reprendre le flambeau un jour. J’ai donc véritablement commencé à travailler à la boutique en 2010. Le projet de relève ne date pas d’hier, mais il a été accéléré par la pandémie de COVID-19. Il a été décidé par mes parents qu’il était temps de franchir une nouvelle étape. Michèle Houle est une courtière d’expérience et une entrepreneure dans l’âme. M’associer avec elle pour la reprise est ce qu’il y a de plus naturel », raconte Jessica Savard. Bien que la date officielle du rachat ne soit pas encore déterminée, la principale intéressée précise que cela se fera au cours de l’année 2021.
Une relève qui demande de la préparation
Fondée par l’arrière-grand-père de Jessica Savard, l’entreprise est en exploitation depuis plus de 90 ans. C’est donc une véritable institution bien établie à Saguenay que les deux femmes s’apprêtent à reprendre. Dans le souci de bien faire les choses, rien n’a été laissé au hasard. « Il a été décidé de faire affaire avec une firme externe afin de bien orchestrer la relève. Nous avons passé des tests psychométriques pour déterminer nos champs d’intérêt, nos aspirations et notre vision de l’entreprise. Mes parents ont aussi été rencontrés et questionnés sur leurs besoins et leurs intérêts. Nous nous assurons ainsi de ne rien laisser au hasard dans le processus de transfert. La firme, après compilation de l’information, va nous revenir avec plusieurs scénarios possibles pour la reprise », explique la jeune femme.
Bien que les modalités financières ne soient pas encore fixées au moment où ces lignes sont rédigées, il est fort probable qu’un paiement étalé sur plusieurs années soit privilégié. De plus, les propriétaires actuels devraient rester dans le sillon de l’entreprise pour encore quelques années. « Mes parents sont des gens de cœur et travaillants, je suis convaincu qu’ils seront présents après la transaction pour apporter du support et des conseils. »
Se diversifier pour croître
Pendant longtemps, Chaussures Savard se concentrait sur la cordonnerie, jusque dans les années 90, où la décision d’inclure une boutique de vente de souliers a été prise. Depuis, l’entreprise a continué à diversifier ses activités et la nouvelle génération entend faire de même. C’est notamment le cas avec la division Savard Atelier, qui se spécialise dans la confection d’équipement de sécurité pour le secteur industriel. Un nouveau créneau pour lequel Jessica Savard et Michèle Houde désirent s’investir davantage. « Ma partenaire va s’occuper de ce département. Présentement, nous fabriquons des supports dorsaux pour les travailleurs, des attelages et des barrières de sécurité. Nous sommes à la recherche de nouveaux clients et le but, c’est d’approcher tous secteurs industriels confondus. Nous pensons qu’il y a un marché là et nous sommes en mesure de concevoir des équipements de grande qualité. »
La boutique de chaussure, pour sa part, ne sera pas en reste et les ventes, selon la future copropriétaire, sont en augmentation depuis un partenariat avec un manufacturier de chaussure allemand. « Nous avons inclus à même notre magasin un espace consacré 100 % à Rieker. Il s’agit d’un fabricant très à la mode et cela nous a permis de doubler notre surface de vente. »
La main-d’œuvre, aussi un enjeu
Chaussures Savard compte une vingtaine d’employés et aura un besoin en main-d’œuvre au cours des prochaines années, surtout avec l’intention de développer l’atelier. Une réalité encourageante pour l’équipe, mais qui apporte son lot de préoccupations. « C’est vrai qu’il est difficile de trouver de la main-d’œuvre en région. Nous regardons plusieurs options comme employer à l’étranger ou encore sous-traiter. Le métier de cordonnier tend à disparaître peu à peu. Notre ressource à l’interne qui s’occupe des réparations cumule 35 ans d’expérience. Son bagage, son savoir et son habilité ne s’apprennent nulle part. Il est certain que lorsqu’il partira nous devrons nous tourner vers d’autres solutions. Nous devrons peut-être diminuer notre offre et proposer des réparations de base plutôt qu’un vrai service de cordonnerie », conclut la femme d’affaires.