SAGUENAY – Une culture d’entreprise favorisant la neurodiversité représente un formidable potentiel pour les organisations. L’intégration de personnes neurodivergentes suscite notamment la créativité et l’innovation, à condition de leur offrir un environnement leur permettant de s’y épanouir. 

« Au-delà de la créativité, si on les exclut, on se prive de bien des gens et de beaucoup de potentiel. On doit rester ouvert. Il ne faut pas le voir comme étant un frein. On ne doit pas se dire qu’on n’engagera pas telle personne en raison de sa neurodivergence, parce que les forces compensent largement les défis », affirme Ariane Hébert, psychologue et fondatrice de La Boîte à psy. 

Selon elle, les employés neuroatypiques ont beaucoup à apporter que d’autres n’auront pas nécessairement. « Ils ont des forces et des couleurs qui vont peut-être faire jaillir d’autres forces chez les collègues de l’entreprise », estime-t-elle.

Les propriétaires de Nüense, Fran Delhoume, formatrice et consultante en neuroinclusions, et Mélissa St-Louis, CRHA, ajoutent qu’on reconnaît habituellement aux profils neurodivergents des capacités d’expansion et de fluidité conceptuelle. « Il s’agit d’être en mesure de faire des liens très rapidement entre des concepts d’apparence éloignés. Ça va engendrer pas mal d’innovation, parce qu’on va être capable de découvrir des utilités à des concepts que d’autres ne visualiseront pas d’emblée ou voir venir des liens plus vite », précise Fran Delhoume. 

Idées différentes

Par exemple, Ariane Hébert révèle que les gens qui ont un TDAH ont habituellement une pensée en dehors de la boîte et leur agitation motrice vient avec une belle énergie. « Ce sont des individus qui amènent des idées différentes au sein de l’équipe. Ils vont souvent être très pétillants, capables d’abattre beaucoup de travail en peu de temps. Ils fonctionnent aussi généralement bien sous pression. […] Ça peut propulser le groupe vers l’avant. Ils sont excellents pour faire émerger les idées », résume-t-elle.

Mme Hébert mentionne également que, de leur côté, les personnes autistes ont une capacité d’hyperfocus. Ils sont très perfectionnistes, minutieux, soucieux du détail. « Ils peuvent mener une quantité de travail importante et de qualité. Suivre les procédures, ce ne sera pas un défi pour eux », note-t-elle. Selon Mme Delhoume, les autistes ont aussi souvent des intérêts et des passions très présents, qui vont leur permettre de développer des expertises spécifiques. « Ils vont connaître des choses que la moyenne ne sait pas. » Les profils DYS (dyslexie, dysorthographie, dyspraxie, dysphasie, etc.) auraient pour leur part une capacité à visualiser un objet en 3D, même en l’absence de l’objet, et à résoudre des problèmes différemment.

Il faut toutefois rappeler que bien que chacun de ces neurotypes ait des caractéristiques communes, chaque individu demeure unique. « Ces forces sont documentées comme étant surreprésentées, mais elles ne sont pas des superpouvoirs. Et ça peut varier d’une personne à l’autre », souligne Fran Delhoume. 

Innovation

Les bénéfices d’engager des employés neurodivergents ne s’arrêtent pas au potentiel d’un seul individu. En effet, avoir une plus grande neurodiversité dans l’entreprise favorise l’innovation, notamment en suscitant l’émergence de pensées différentes. « La confrontation des idées génère toujours plus de nouveauté, de positif que de rester ancré dans un même silo. Plus on a de personnes divergentes dans une organisation, plus on a de chance d’avoir cette confrontation-là des manières de voir et d’avoir des points de vue originaux et des façons de faire inédites », fait valoir Ariane Hébert. 

Fran Delhoume et Mélissa St-Louis, qui se spécialisent dans l’accompagnement des entreprises vers une culture neuroinclusive, considèrent que le fait d’accueillir différents profils, tant typiques qu’atypiques, est enrichissant. « La diversité de forces fait l’intelligence collective d’une organisation. Ça prend plein de fonctionnements cognitifs pour avoir des perspectives, des façons de penser et de résoudre les problèmes qui sont variées », juge Mme Delhoume. 

Des défis

Si elles ont de très grandes forces, les personnes neurodivergentes vivent aussi certains enjeux dans le monde du travail. « Par exemple, quelqu’un ayant un TDAH peut éprouver des difficultés à suivre les procédures ou des ordres séquentiels. Il fait parfois des erreurs d’inattention. […] Pour les autistes, le défi vient surtout de l’intégration sociale. Ça les draine beaucoup. […] Dans le cas de la douance, ce sont souvent des individus très entêtés. Ils peuvent avoir du mal à négocier avec les autres. Ils se sentent différents et ont quelquefois du mal à s’intégrer », constate Ariane Hébert. 

Il est toutefois possible d’atténuer ces difficultés. Pour les propriétaires de Nüense, l’environnement et la culture véhiculée dans le milieu de travail ont une grande influence sur la possibilité pour les personnes neuroatypiques d’exprimer leur plein potentiel. « Il faut s’assurer qu’elles se sentent en sécurité, qu’on répond à leurs besoins, si on veut qu’elles aient accès à ces forces créatives », expose Fran Delhoume.

Les deux entrepreneures suggèrent d’adopter une approche d’accessibilité universelle dans les pratiques organisationnelles et de proposer des options « par défaut ». « Plus je vais avoir des processus réfléchis pour diminuer les obstacles et les barrières à l’emploi et offrir des solutions à même l’environnement et les façons de faire […], moins je vais dépendre de mesures adaptatives réactives à un dévoilement », dévoile Mélissa St-Louis. Ariane Hébert ajoute qu’il ne faut pas assumer ce que souhaite une personne neurodivergente qui s’est révélée. « C’est important de lui demander ce dont elle a besoin. L’employeur devrait faire preuve d’ouverture et de respect des besoins individuels de chacun », renchérit-elle. 

Une occasion de se distinguer

Pour les organisations, offrir un environnement et une culture propices à la neurodiversité peut leur permettre de se distinguer par rapport à leur marque employeur et leur responsabilité sociale, un véritable atout pour l’attraction et la rétention de main-d’œuvre. « L’équité, diversité et inclusion (EDI) est mise de l’avant plus que jamais. En s’assurant de donner des espaces de travail qui répondent à un besoin réel, on est cohérent avec ce qu’on dit. Ça apporte une réputation de tolérance », note Fran Delhoume. 

« Il faut voir l’opportunité d’avoir cette diversité dans l’organisation comme un élément déclencheur de comment on peut faire mieux en faisant autrement », conclut Mélissa St-Louis. 

NDLR.: Ce texte est le second d'un dossier paru dans notre journal d'avril. Pour lire les autres textes: 

https://informeaffaires.com/regional/ressources-humaines/la-neurodiversite-un-sujet-encore-a-demystifier

https://informeaffaires.com/regional/ressources-humaines/les-cles-pour-une-plus-grande-neurodiversite-en-entreprise

https://informeaffaires.com/regional/ressources-humaines/des-entreprises-locales-ouvertes-a-la-diversite