Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Informe Affaires : 15 ans à propulser les entreprises d'ici, publié dans notre édition du mois de juin.

SAGUENAY – De nombreux quotidiens ont pris le virage vers une formule 100% numérique et plusieurs journaux ont fermé leurs portes depuis quelques années au Québec. Assistons-nous pour autant aux dernières heures du format papier ? Loin d’être toute noire ou toute blanche, la réponse se trouve dans les nuances de gris, selon différents intervenants.

Simon Brisson, le président des Éditions Nordiques, qui possèdent quatre hebdomadaires sur la Côte-Nord et à Charlevoix, dresse un parallèle avec l’industrie du livre. « Quand les livres numériques sont arrivés, on a prédit la fin des livres papier. Et pourtant, aujourd’hui, on assiste à leur retour en force. […] Je pense que le journal papier va rester, mais il faut qu’il trouve sa place », illustre-t-il

Enseignante en journalisme à l’École supérieure en Art et technologie des médias, Cathy Tremblay constate toutefois que la tendance du marché tend malgré tout vers le numérique. Elle considère que les médias n’ont pas le choix d’aller vers l’endroit où le lectorat se situe. « Les jeunes de moins de trente ans sont durs à aller chercher. Ils n’ont pas connu le plaisir d’avoir son journal le matin dans les mains et de le feuilleter. Ils sont plus dans l’ère des écrans », indique-t-elle.

Question de coûts

Il ne faut toutefois pas considérer que seule une absence de lectorat est à la base de ce virage vers le numérique de l’industrie médiatique. « Quand on regarde les chiffres, les gens consomment encore du papier. C’est l’offre qui devient moins grande. Je pense que c’est un facteur de choix économique et opérationnel qui amène la décision de délaisser le papier », estime Josée Otis, vice-présidente stratégie et lead affaires chez Cossette Média.

Les différents intervenants s’accordent tous sur le fait que le papier demeure pertinent dans certains cas, notamment pour les hebdomadaires, les journaux locaux ou spécialisés et les magazines. « Le papier, pour les hebdomadaires de proximité, locaux ou régionaux, ça crée un sentiment d’appartenance dans les communautés. C’est un média qui est personnalisé, si on veut. Ça traite de l’information locale et du milieu. Il y a quand même des gens qui s’y retrouvent », souligne Cathy Tremblay.

Journaliste retraitée ayant évolué dans les médias du Saguenay–Lac-Saint-Jean pendant plus de 40 ans, Dominique Savard croit également que le papier occupe toujours une belle place pour les hebdomadaires régionaux, mais qu’ils pourraient éventuellement finir par se numériser, en raison des coûts et de la distribution. « Pour les journaux spécialisés, qui sont dirigés vers une clientèle ciblée, le papier est encore pertinent », ajoute-t-elle.

Simon Brisson abonde en ce sens. « Le papier, on en a besoin. Les bons médias régionaux et spécialisés vont rester. Les gens désirent de l’information. Ils veulent être renseignés et, surtout, bien renseignés », assure-t-il.

Crédibilité

Le format papier se distingue aussi par sa crédibilité. « L’information qui se retrouve dans un journal, on sait qu’elle est fiable et vérifiée. Alors que sur Internet, il y a souvent de la fausse information, de la désinformation », note Cathy Tremblay.

D’ailleurs, outre le discours de soutien aux médias locaux, Josée Otis rappelle que certaines données viennent maintenant prouver leur performance publicitaire par rapport à Facebook ou aux géants du Web. « En surface, ils semblent exceller moins que les médias sociaux parce qu’il y a moins de monde et que ça clique moins vite. Cependant, avec le temps, on démontre qu’au-delà du nombre et de la popularité, les médias sociaux n’engendrent pas d’aussi bons résultats qu’on le pensait. Les médias traditionnels, eux, en génèrent des tout aussi satisfaisants. La qualité de l’environnement est intéressante, c’est connu et crédible, ce qui fait en sorte que l’état d’esprit du visiteur est ouvert pour le contenu, mais également pour la publicité », mentionne-t-elle.

Cette dernière explique que la qualité des visites en provenance des médias locaux, même si elle est moins nombreuse, est meilleure. La visibilité de l’impression est aussi plus grande. « Pour les campagnes de valorisation de marque, c’est plus difficile sur Google ou Facebook. Quand on voit ça dans des médias traditionnels, c’est plus crédible », précise la vice-présidente stratégie et lead affaires chez Cossette Média.

Bonne vitrine

Selon Cathy Tremblay, en raison de leur mission et leur contenu, les médias régionaux constituent une bonne vitrine pour les commerçants locaux qui souhaitent rejoindre leur public. Mme Otis confirme que d’un point de vue strictement publicitaire, les critères pour la sélection du format demeurent les mêmes. « Le choix d’un journal ou autre, c’est une question de stratégie. Les journaux d’information locale réussissent souvent à rejoindre des cibles qu’on ne pourrait pas rejoindre autrement », conclut-elle.

Commentaires