Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « Agriculture et agroalimentaire : cultiver la nordicité » publié dans notre édition du mois de juillet.

SAGUENAY – La première Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire a été adoptée le 6 juin. Alors qu’elle reconnaît officiellement l’importance de préserver les zones agricoles, le président de l’Union des producteurs agricoles du Québec (UPA), Martin Caron, souhaite voir des actions concrètes en émerger.

« On parle de plus en plus d’autonomie alimentaire, mais pour l’obtenir, il faut protéger notre garde-manger. On retrouve une validation de ça dans la politique nationale. Nous sommes contents que la préservation des terres agricoles soit incluse dans les grandes orientations. Cependant, c’est vraiment au niveau des indicateurs et des moyens qui seront mis en place que ça va se jouer », explique M. Caron.

Ce dernier rappelle que le territoire propice à l’agriculture ne représente que 2 % de la superficie du Québec, ce qui est très peu en comparaison d’autres pays. Par exemple, en Ontario, ce chiffre monte à 3,6 % et atteint 45 % aux États-Unis, alors qu’en France, c’est 59 %. « Quand on joue à 2 % de zones agraires, on comprend que c’est d’autant plus important de les protéger. »

Baisses substantielles

Bien que cette superficie ait connu une stabilité relative à l’échelle provinciale depuis 1990, des baisses substantielles de terres cultivées ont tout de même été constatées en raison de la croissance urbaine et de l’enfrichement. Cela s’est avéré même s’il existe, depuis 1978, la Loi sur la protection des terres agricoles, qui devait interdire l’utilisation du sol à d’autres fins que l’agriculture. C’est que la Commission de protection du territoire agricole, qui applique cette loi, a le pouvoir d’accorder des exceptions.

De même, la multiplication des usages non agricoles, tels que commerces ou résidences, dans ces zones entraîne de fréquents différends de cohabitation. Ainsi, la capacité nourricière du territoire a diminué. « Si l’on regarde les 10 dernières années, ce sont 10 000 hectares qui ont été perdus. Les conflits d’usage ont un impact aussi, même s’il est plus difficile à chiffrer. Ces conflits peuvent provoquer des restrictions aux activités agraires », rappelle le président de l’UPA.

Aucune perte nette

Martin Caron estime que, comme pour les milieux humides et hydriques, il est nécessaire d’implanter le principe « d’aucune perte nette » de zone agricole. Il souhaite que le gouvernement se donne les capacités pour assurer cette vision en établissant des moyens concrets.

Selon lui, des programmes de compensations offertes aux municipalités qui garantissent la préservation des terres propices à l’agriculture dans leur aménagement territorial pourraient être établis. « Un des enjeux, c’est que les agglomérations vont chercher des revenus de taxes supplémentaires avec les nouvelles entreprises et maisons qui s’installent dans leur secteur. Des compensations pourraient aider à s’assurer que ces constructions soient concentrées dans des espaces plus urbains. En plus, dans ces endroits, les infrastructures sont là. Il y a d’autres façons d’obtenir des revenus avec un développement plus réfléchi. »

L’attention portée aux choix des usages non agricoles permis en zone agraire constitue une action intéressante pour la préservation du garde-manger québécois. M. Caron croit qu’il faut penser aux manières de réduire l’impact de la cohabitation pour les producteurs. « Même si nous avons le souci de protéger nos terres et le bon voisinage, les travaux que nous menons génèrent de la poussière, des odeurs, du bruit. Avec l’étalement urbain, l’arrivée de citadins en milieu rural, cela cause parfois des conflits. »

L’UPA préconise ainsi une réflexion sur les usages permis dans ces zones en tenant compte des impacts. Entre autres, il pourrait être préférable pour les MRC de miser sur des activités compatibles ou complémentaires à l’agriculture, comme des kiosques pour la vente de produits du terroir, des ateliers mécaniques pour la machinerie, des cours d’équitation.

Cohérence

Martin Caron prétend que l’adoption de la Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire devrait amener plus de cohérence dans le développement futur. « Nous avons vu dans le passé des décrets gouvernementaux qui annonçaient l’utilisation de terres agricoles pour autre chose. Si l’urbanisme est mieux réfléchi, il ne devrait plus y avoir de cas comme ceux-là. Pour une question de santé de la population ou d’eau potable, nous pouvons comprendre. Une notion de prévisibilité, de planification à long terme devrait toutefois toujours être incluse », affirme-t-il, ajoutant avoir bon espoir que cela se concrétise.

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