Guy Bouchard
Auteur

Guy Bouchard

SAGUENAY – Informe Affaires a appris que le Centre de recherche et de développement Arvida (CRDA) de Rio Tinto travaille actuellement sur un alliage aluminium-scandium, un produit à haute performance qui pourrait éventuellement être produit dans les installations régionales de Rio Tinto. L’ajout de scandium au métal gris permettrait, entre autres, d’augmenter sa limite d’élasticité jusqu’à 150 % tout en préservant sa densité et la résistance à la corrosion. Cet alliage possède un haut potentiel, notamment pour l’industrie aéronautique.

L’opportunité de développer ce nouveau produit prend sa source auprès de la division Fer et Titane de Rio Tinto située à Sorel-Tracy (RTFT). Selon la multinationale, les équipes du Centre de technologie de RTFT ont développé un nouveau procédé pour extraire de l’oxyde de scandium à partir des sous-produits générés lors de la production de dioxyde de titane dans le complexe métallurgique de la Montérégie. Le scandium, qui est l’élément le plus rare dans la catégorie des terres rares, est considéré comme un minéral critique par les gouvernements du Canada, des États-Unis et de plusieurs autres pays. Il permet notamment d’améliorer les performances des piles à combustible à oxyde solide et de produire des alliages d’aluminium.

Les recherches des dernières années démontrent que l’ajout de petites quantités de scandium dans les alliages d’aluminium améliorent considérablement les propriétés mécaniques, la résistance à la chaleur et à la corrosion, ainsi que le potentiel de soudage. Depuis les années 1980, les alliages de scandium aluminium sont utilisés à des fins structurelles pour apporter aux avions militaires des avantages en termes de poids, de maniabilité et de portée. Aujourd’hui, de la poudre d’alliage aluminium-scandium-magnésium est même utilisée en impression 3D. De nombreuses applications ont également été développées pour des équipements sportifs tels que des bâtons de baseball, de crosse et des cadres de vélo. À titre d’exemple, l’entreprise Kona Bikes estime que le scandium lui permet de réduire le poids de ses cadres en aluminium de 10 à 15 %.

Une usine pilote chez RTFT

Le complexe métallurgique de RTFT à Sorel-Tracy traite du minerai d’ilménite pour produire du dioxyde de titane. Les chercheurs du Centre de technologie de RTFT ont mis au point un nouveau procédé pour extraire de l’oxyde de scandium de haute pureté des sous-produits générés lors de la production de dioxyde de titane. Depuis le second semestre de 2019, un laboratoire produit de l’oxyde de scandium de haute qualité qui répond aux spécifications du marché et le même procédé est présentement utilisé à plus grande échelle dans une usine pilote. Ce procédé révolutionnaire présente de faibles coûts de production et nécessite un investissement en capital minimal :

• Pas de coûts directs d’extraction

• Récupération de l’oxyde de scandium directement à partir des sous-produits du complexe métallurgique existant

• Fonctionnement indépendant des actifs existants sans impact sur la production principale Rio Tinto constate un vif intérêt sur le marché et évalue actuellement la possibilité de passer à la production d’oxyde de scandium à l’échelle industrielle ici au Québec. Le calendrier, l’échelle et le montant de l’investissement potentiel pour passer à une production industrielle sont présentement à l’étude.

Collaboration RTFT et CRDA

La technologie d’extraction de ce minéral recherché a été entièrement développée à Sorel-Tracy par les chercheurs de RTFT. L’oxyde de scandium est extrait du minerai provenant de la mine d’ilménite située à Havre-Saint-Pierre sur la Côte-Nord, et les équipes de Rio Tinto Fer et Titane travaillent avec celles de Rio Tinto Aluminium au Saguenay–Lac-Saint-Jean, notamment celles du CRDA, pour tester la production d’alliage mère aluminium-scandium. Les premières coulées de l’alliage ont déjà été effectuées dans les installations du CRDA à Saguenay. D’ailleurs, selon un porte-parole de Rio Tinto, des discussions seraient en cours avec des clients potentiels pour l’acquisition de la production de cet alliage de niche.

Le scandium un minéral recherché

Des problèmes d’approvisionnement et un coût de production élevé ont limité la croissance de la demande de scandium pendant de nombreuses années. Le marché actuel est estimé à 12 à 14 tonnes par an, selon le projet Scandium Aluminium Europe (SCALE), soutenu par la Commission européenne. Le scandium est présent dans la plupart des gisements de terres rares et dans les résidus de bauxite, communément appelés « boues rouges ».

Toutefois, à ce jour, il n’a été extrait sous forme minérale que dans quelques mines dans le monde, principalement concentrées en Asie (Chine, Japon, Kazakhstan, Philippines) et en Russie. En janvier 2020, le Canada et les États-Unis ont finalisé un plan d’action canadoaméricain pour la collaboration dans le domaine des minéraux critiques afin de sécuriser les chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques - tels que le scandium - qui sont « nécessaires à d’importants secteurs manufacturiers, notamment les technologies de communication, l’aérospatiale et la défense, et les technologies propres ».

À propos du CRDA

Depuis1946, le Centre de recherche et de développement Arvida (CRDA) couvre l’ensemble des activités industrielles de Rio Tinto Alcan et a pour but de livrer rapidement les solutions technologiques à l’ensemble des clients de la multinationale. Il est en constante interaction avec un réseau de partenaires regroupant des universités canadiennes et internationales, dont l’UQAC, des laboratoires et centres spécialisés, ainsi que des équipementiers. Plus d’une centaine de personnes travaillent au sein des équipes du CRDA situé à Arvida.

Commentaires