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Maxime Hébert-Lévesque

SAGUENAY – L’avenir des centres commerciaux est-il compromis ? S’il n’y a pas unanimité sur la question, tous s’entendent pour dire que ce modèle d’affaires est à revoir. Pierre Delisle, ancien président de la SDC Zone Talbot et directeur général de la chaîne de vêtements et chaussures LCR, pense que le magasinage physique n’est pas prêt de disparaître, mais qu’il doit se réinventer.

En 2019, au Québec, il s’est dépensé environ 12,45 G$ de dollars en achat en ligne. Cela représentait alors une augmentation de 19 % comparativement à l’année précédente. En début d’année, c’était 63 % des adultes québécois qui effectuaient au moins un achat en ligne, une tendance qui a drastiquement été accélérée avec la situation de la COVID-19 où, notamment, la majorité des boutiques situées dans les centres commerciaux ont été contraintes de fermer pour une durée de trois mois au printemps. Une fermeture qui a fait mal, puisque selon un sondage réalisé par la firme saguenéenne Segma Recherche et rendu public lors du webinaire : l’évolution des habitudes de consommation — Bilan et perspectives présentés le 7 octobre dernier, 89 % des gens de la région ont réduit leurs visites dans les centres commerciaux avec mail intérieur.

Lors de la réouverture des centres d’achat en juin, les choses n’étaient plus comme avant : port du masque, sens de déplacement unique, lavage de main obligatoire et limitation aux salles d’essayage et aux articles en général. « La situation n’est pas propre aux centres commerciaux, mais à l’ensemble du commerce de détail. Il faut redéfinir l’expérience client. Aujourd’hui, inutile de le cacher, nul n’aime aller magasiner avec toutes les restrictions », explique Pierre Delisle.

Se coller aux besoins du consommateur

Selon le propriétaire des boutiques LCR, il faut plus que jamais chercher à comprendre les nouvelles habitudes et les satisfaire. Autrement dit, se coller sur les besoins des gens parce qu’ils ont changé de façon définitive, pense-t-il. « Je n’ai pas peur pour l’avenir des centres commerciaux, ils appartiennent pour la plupart à de grands groupes qui ont les moyens de se réinventer et d’observer les meilleures pratiques à l’international pour les implanter à leurs modèles d’affaires. Cela prendra un moment, mais ils réussiront à trouver une formule gagnante. Toutefois, pour les plus petits joueurs, c’est autre chose… ce n’est vraiment pas évident le défi que nous avons sur les bras. Il s’agit d’attirer les clients à revenir en boutique, malgré les nouvelles contraintes et leur désintérêt. Une solution pourrait être l’utilisation des technologies ».

Combattre le feu par le feu

Bien que l’arrivée d’Internet y soit pour quelque chose avec le déclin du commerce de détail traditionnel, l’intégration de la technologie est sans contredit un aspect à ne pas négliger selon les experts. Dans un article publié par la firme Deloitte à propos de l’avenir des centres commerciaux, on observe que les entreprises gagnent à développer une harmonie entre leurs services physiques et numériques. Un constat que fait également Pierre Delisle. « Il faut voir la boutique en ligne comme d’un bon outil marketing en complémentarité de son commerce. Internet offre plusieurs opportunités, mais demeure un secteur où la compétition est très forte. Il faut investir constamment dans des campagnes de référencement et sur l’amélioration du site. Il est faux de croire qu’avec 5 000 $ vous allez connaître le succès instantané. »

En effet, si ouvrir une page pour les transactions en ligne peut sembler simple, développer son trafic et sa visibilité, en revanche, demeure quelque chose d’ardu. « Nous ne croyons pas que l’avenir du commerce de détail est numérique. Nous avons toujours misé sur le développement local et au moment du déconfinement les clients ont répondu présents à l’appel en magasin. »

La thématique

Proposer une thématique par centre commercial pourrait être une façon de susciter l’intérêt. Le consommateur n’aurait pas à se casser la tête et saurait d’emblée qu’en allant à tel ou tel édifice, il retrouverait ce dont il a besoin. Dans le communiqué de presse, L’avenir du centre commercial : Deloitte voit poindre un nouveau genre d’expérience de magasinage dans l’après-pandémie, on propose même de bonifier l’offre en restauration. Une place d’achat pourrait ainsi devenir un carrefour gastronomique incluant des boutiques. Les thématiques pourraient également se jouer au niveau des produits.

« Je n’aurais pas de crainte à ouvrir un nouveau commerce dans un centre d’achat. Sur mes huit boutiques, deux se trouvent dans un centre et je dois avouer que le volume d’affaires et la réception de la clientèle sont encore très bons. Toutefois, je n’irais pas dans un endroit comme Place du Royaume, c’est un marché pour les grandes chaînes. Nous visons les endroits comprenant essentiellement des magasins locaux. Miser sur les créneaux, c’est une solution intéressante. Regardez les Galeries Lac-Saint-Jean, situées à Alma, c’est plein et personne n’a fermé. D’ailleurs, l’endroit propose pratiquement que des propriétaires locaux ou des produits régionaux, à l’exception d’une ou deux chaînes. »

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