Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Gestion des affaires : des professionnels à découvrir publié dans notre édition du mois de novembre.

SAGUENAY – Dès lors qu’il y a plus d’un actionnaire dans une entreprise, il est recommandé de se doter d’une convention entre actionnaires. Ce contrat qui lie les actionnaires permet de prévoir différentes situations pour protéger toutes les parties impliquées.

Selon Me Élisabeth Pagé, avocate au sein de la firme SBL Avocats, la convention entre actionnaires permet d’établir les règles s’appliquant à une variété de situations, dont la prise de décisions, les investissements futurs, l’implication de chaque propriétaire dans la gestion de l’entreprise, les circonstances obligeant une personne à vendre ses parts aux autres. Elle impose ainsi des limites à chaque partenaire à propos de ce qu’il peut faire avec ses parts dans l’organisation.

"C’est important d’y penser. Ça va régir vraiment nos relations entre actionnaires. Même si ça va bien au départ, les personnes peuvent éventuellement avoir des intérêts qui divergent. […] Et oui, même si on se lance en affaires avec son conjoint ou un membre de sa famille, c’est mieux d’en élaborer une. […] Avoir une convention entre actionnaires, ça permet de protéger tout le monde et d’éviter bien des impasses", souligne Me Pagé.

Parmi les situations qui peuvent être précisées dans ce type de contrat, on peut penser à l’émission de nouvelles actions, aux modalités à suivre si l’un des actionnaires souhaite vendre ses actions ou prendre sa retraite, à ce qui se passe en cas de décès ou d’invalidité, au droit de suite si un groupe majoritaire veut vendre ses actions, les prêts d’urgence où les actionnaires doivent remettre de l’argent dans l’organisation pour pallier des difficultés. C’est également là qu’on va déterminer la composition du conseil d’administration.

"On va aussi prévoir les situations où un actionnaire n’aura pas le choix de vendre ses actions à ses partenaires, par exemple lorsqu’il y a une fraude ou encore dans le cas d’une personne dont le statut d’actionnaire dépend de celui d’employé. Si cette personne quitte ses fonctions ou est renvoyée, il faut s’assurer qu’elle ne sera plus liée à l’entreprise", précise l’avocate.

Sur mesure

La convention entre actionnaires est réalisée sur mesure en fonction des besoins et des particularités de chaque entreprise. "Chaque partie doit y trouver son compte. La convention va différer selon l’entreprise et les personnes qui composent l’actionnariat, parce que les considérations et les intérêts ne seront pas les mêmes d’une société à une autre", indique Élisabeth Pagé. Elle suggère également que le document soit révisé par des fiscalistes, puisqu’il comporte de nombreux aspects fiscaux.

Par ailleurs, la convention doit être facilement applicable dans l’entreprise pour laquelle elle a été rédigée. "On peut avoir plein de belles clauses, mais qui au final sont très dures à mettre en application compte tenu de la réalité de l’organisation. La convention doit aussi être bien comprise par chacune des parties. C’est un document légal, qui peut avoir des mots complexes, mais il faut s’assurer que les entrepreneurs peuvent bien la comprendre", rappelle l’avocate.

Contrat évolutif

La convention entre actionnaires est généralement rédigée au moment de lancer une entreprise. Toutefois, il n’est jamais trop tard pour en réaliser une. Dès qu’un nouvel actionnaire se joint, on devrait penser à en faire une ou à la réviser, puisque cela change la situation de l’organisation.

"C’est un contrat évolutif, dans le sens qu’il doit refléter la réalité de l’entreprise. Même si la convention est très bien rédigée, si elle n’est plus adaptée à cette réalité, elle n’est plus adéquate. Chaque transaction dans l’actionnariat devrait amener à la réviser pour s’assurer qu’elle est applicable et qu’elle répond à nos besoins", mentionne Me Pagé.

50-50

Selon Élisabeth Pagé, la convention entre actionnaires est pertinente pour tout type de partage des actions, mais revêt une importance particulière dans le cas où deux parties possèdent chacune la moitié des actions. "Le risque d’une situation problématique où les deux personnes sont en désaccord est plus présent par rapport à une entreprise où il y a un actionnaire majoritaire et un minoritaire. Dans un partage 50-50, c’est égalitaire et ça peut mener à des situations où on se retrouve bloqué. La convention entre actionnaires fait partie des mécanismes à mettre en place pour contrer les risques et permettre à la société de continuer à avancer. Elle sera d’ailleurs rédigée en fonction du fait qu’on est partenaires 50-50", fait-elle valoir.

La clause shotgun, à envisager avec prudence

SAGUENAY – La clause shotgun fait partie des règles qu’on peut retrouver dans une convention entre actionnaires. Elle doit toutefois être envisagée avec prudence, puisqu’elle peut entraîner une obligation de vendre ses actions ou d’acheter celles de son partenaire.

"Cette clause prévoit que, si un actionnaire fait une offre à l’autre pour racheter ses actions à certaines conditions et que ce dernier refuse, il sera forcé d’acquérir les actions de celui qui a fait l’offre aux mêmes conditions et prix", explique Me Élisabeth Pagé, avocate chez SBL Avocats.

Celle-ci précise que ce n’est pas une clause qu’on met d’emblée dans toutes les conventions entre actionnaires. Elle peut être bénéfique dans certaines situations, mais il faut alors que toutes les parties soient conscientes que la clause peut se retourner contre elles. "Ce n’est pas à prendre à la légère. Ça peut faire en sorte que l’associé qui utilisait cette clause pour racheter son partenaire, finalement, soit obligé de vendre. C’est quand même lourd de conséquences", affirme Me Pagé.

Lorsqu’elle est incluse dans la convention entre actionnaires, la clause shotgun servira surtout si un actionnaire veut quitter et n’est pas capable de vendre à un tiers ou encore lorsque la relation entre les associés ne fonctionne plus ou qu’il y a un litige irréconciliable. "Ce n’est pas quelque chose qu’on applique souvent. […] Fréquemment, d’autres clauses vont entrer en jeu ou il y a moyen de négocier ensemble", indique l’avocate.

Bien analyser

Généralement, les professionnels qui écrivent les conventions d’actionnaires vont analyser le dossier, les tenants et les aboutissants de la relation entre les actionnaires avant de proposer la clause, si elle est pertinente pour eux. "C’est important de bien comprendre le fonctionnement de la clause, comment elle est rédigée. Il faut savoir que selon la manière dont elle sera rédigée, les impacts ne seront pas les mêmes. Ça prend une bonne analyse de chaque situation", mentionne Me Élisabeth Pagé.

L’avocate estime que la clause shotgun peut être pertinente et utile dans certains cas. Elle recommande toutefois aux entreprises qui l’envisagent de s’assurer que la rédaction est bien faite et que chaque actionnaire comprend bien ce qu’elle peut avoir comme conséquence.

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