Auteur

Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – Arianne Phosphate a franchi une première étape vers la construction d’une usine de production d’acide phosphorique purifié à Saguenay. La minière, qui développe aussi un projet de mine de phosphate au Lac à Paul, a dévoilé récemment des résultats positifs pour l’étude de préfaisabilité.

Le projet nécessiterait un investissement initial (CAPEX) d’environ 1,65 G$ US. Il prévoit la construction du complexe dans la zone industrialo-portuaire (ZIP) de Saguenay. Celui-ci inclut des installations de production d’acide sulfurique, l’usine de fabrication d’acide phosphorique ainsi qu’une section de purification de cet acide.

« Nous avons des discussions avec Port de Saguenay. Il y a quelques possibilités de terrains en fonction de nos besoins », affirme Raphaël Gaudreault, chef des opérations de l’entreprise.

Production d’envergure

Selon l’étude, l’usine pourrait produire annuellement 350 000 tonnes d’acide phosphorique purifié, ce qui en ferait le plus grand producteur à l’extérieur de la Chine. Elle fabriquerait également 220 000 tonnes d’un acide phosphorique secondaire, utilisé dans la production d’engrais spécialisés et d’aliments pour animaux. Le gypse, un sous-produit de la conversion du concentré de phosphate en acide phosphorique, pourrait aussi être vendu.

L’installation, qui pourrait créer environ 75 emplois, utiliserait du concentré de phosphate de haute qualité (igné) en provenance, notamment, de la mine du Lac à Paul. Un système de transport du concentré sur la rive sud de la rivière Saguenay est d’ailleurs inclus dans la planification de l’usine.

Les deux projets sont toutefois développés de façon indépendante et celui de l’usine d’acide phosphorique ne modifie pas les plans initiaux de celui de la mine.

Aspects économiques

Pour construire le modèle économique, Arianne Phosphate s’est basée sur un coût du concentré de phosphate de 213 $ la tonne, conforme à l’étude de faisabilité bancable du projet du Lac à Paul.

Les coûts d’opération ont ainsi été chiffrés à 1 195 $ la tonne. Cela ferait de l’installation de Saguenay un producteur à faible coût, alors que Benchmark Mineral Intelligence (Phosphoric Acid Market Outlook, Q1 2024) indique que toute production inférieure à 1 450 $/t serait considérée dans cette catégorie.

L’étude de préfaisabilité a calculé une valeur actuelle nette du projet de 4,5 G$ US. Les profits bruts annuels ont été estimés à 650 M$, avec un retour sur investissement en 3,03 ans. Le taux de rentabilité interne a été établi à 32,8 %.

Selon le président d’Arianne Phosphate, Brian Ostroff, des opportunités comme celle-là ne se présentent pas souvent. « L'accès à un concentré de phosphate de haute qualité, la capacité de produire économiquement de l’APP pour des applications spécialisées et l'avènement et la croissance de la batterie LFP offrent des conditions économiques extrêmement convaincantes […]. En outre, l'étude démontre également l'opportunité pour notre mine du Lac à Paul d'avoir un client local", a-t-il déclaré par voie de communiqué.

Production d’électricité

Selon les données présentées dans l’étude de préfaisabilité, le procédé de production d’acide sulfurique permettrait également à Arianne Phosphate de produire l’électricité nécessaire au fonctionnement de son projet, en plus de générer environ 10 MW supplémentaires.

« C’est un avantage pour nous. Nous devons encore avoir des discussions avec Hydro-Québec, mais effectivement, nous ne serions pas dépendants du réseau », souligne M. Gaudreault.

Prochaines étapes

Les dirigeants de la minière évaluent maintenant la possibilité de lancer une étude de faisabilité, mais aucune date n’a encore été fixée. « Après cette étude, si elle est positive, il y aurait les autorisations environnementales à aller chercher. Pour les prochains 18-24 mois, nous allons nous concentrer à compléter les études et à aller vers ces autorisation », précise M. Gaudreault,

Ce dernier ajoute que la durée de la construction sera définie dans l’étude de faisabilité, mais pourrait s’étendre sur au moins 24 mois.

« Comme le montre clairement cette étude, le Saguenay a la possibilité de devenir un acteur majeur dans l'industrie essentielle de l'acide phosphorique. Le projet répond à de nombreux critères : sécurité d'approvisionnement, accès logistique facile à un minerai essentiel, défis opérationnels minimes et économie très impressionnante, le tout dans le contexte d'une norme ESG élevée. En tant que professionnel de l'exploitation minière depuis plus de 20 ans, je peux dire qu'il est extrêmement rare que tous les éléments soient réunis de manière aussi cohérente », conclut Raphaël Gaudreault.

Commentaires