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Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – Avec plus de 90 000 entreprises qui vont chercher un repreneur au cours des prochaines années, la relève constitue désormais un enjeu économique de taille pour le Québec. Au-delà du risque de fermeture ou de déplacement des sièges sociaux à l’extérieur de la province, cet enjeu représente également un risque fiscal pour les entrepreneurs cédants.

« Statistiquement, ce qu’on constate, 50 % des propriétaires de PME ont 55 ans et plus. Seuls 10 % d’entre eux ont un plan de relève formel. Dans le transfert, ce qui est vraiment très important, c’est la préparation. Un plan de transfert, ça peut durer d’un à cinq ans et il y en a pour qui c’est encore plus long. Et là, on en a seulement 10 % qui sont préparés, c’est inquiétant. Il faut prévoir pour garantir la pérennité des PME », souligne Marie-Josée Chabot, directrice de compte dans l’équipe de Transfert d’entreprise du Mouvement Desjardins.

Le fait d’arriver à cette étape de la vie d’un entrepreneur sans être préparé représente un risque fiscal pour lui. « Il y a des démarches à faire au point de vue fiscal, notamment pour économiser au niveau de l’impôt pour leur patrimoine. Les cédants doivent s’assurer qu’ils auront assez d’argent après la vente de leur entreprise pour maintenir leur rythme de vie. Il faut que ce soit planifié », rappelle Mme Chabot.

Le modèle d’affaires choisi peut également comprendre une balance de prix de vente, soit une portion du montage financier que le repreneur doit verser au cédant trois à cinq ans après la vente de l’entreprise. « C’est important de sélectionner les bonnes personnes pour la relève si on veut être certain que cette balance de prix de vente puisse être payée », précise la directrice de compte.

Un choc

La relève comporte également un risque pour l’entreprise. « Un transfert, c’est un choc pour une entreprise. On l’endette au maximum, donc elle doit rester assez performante pour être capable de payer cette dette-là », indique Marie-Josée Chabot.

Le montage financier doit donc être bien réfléchi afin de ne pas étouffer les repreneurs. « Par exemple, une compagnie qui a 50 véhicules doit les garder à jour et en changer quelques-uns chaque année. Il faut conserver une marge. Quand nous faisons le montage financier, nous projetons le repreneur dans le futur. Il faut prendre en compte l’entretien de l’équipement, les modernisations nécessaires, etc. On doit préserver de l’espace pour que l’entreprise puisse poursuivre ses activités et également avoir une croissance si c’est ce que les releveurs visaient. C’est très important d’avoir un bon montage financier qui s’adapte à l’entreprise. »

La réalisation du montage financier est facilitée lorsque la relève est bien planifiée. Par ailleurs, même si l’équipe de Transfert d’entreprise de Desjardins se spécialise dans le montage financier, elle connaît les étapes nécessaires à la relève et peut aiguiller l’entrepreneur vers les bons professionnels pour l’accompagner. « Nos entrepreneurs font déjà affaire avec nous. Nous pouvons les éclairer sur les étapes à compléter pour optimiser le processus. Nous pouvons vérifier avec lui s’il a fait évaluer son entreprise, sa relève, ses bâtiments. Ensuite, il y a des gens autour, comme des fiscalistes, des conseillers en ressources humaines, des évaluateurs agréés, des comptables, qui seront importants pour le guider dans ses démarches », affirme Mme Chabot.

L’enjeu, c’est l’humain

En dehors des aspects financiers, l’enjeu principal de la relève d’entreprise, c’est l’humain. La première étape pour un entrepreneur est donc de bien identifier sa relève, selon Marie-Josée Chabot. Elle rappelle que 50 % des transferts qui échouent sont dus à un mauvais choix d’équipe de direction ou d’actionnaires. « C’est rarement l’aspect financier ou le secteur d’activité qui fait que le transfert ne fonctionne pas. Pour la grande majorité, c’est le mauvais choix des partenaires qui est en cause. »

Il est donc essentiel de bien sélectionner les repreneurs afin d’assurer le succès de la relève. « Il y a des gens qui rêvent d’être entrepreneurs, mais qui n’ont pas de tolérance au stress ou au risque. Pour prendre le relais d’une entreprise, il faut vouloir l’amener à un autre niveau, la faire évoluer. […] Le cédant doit miser sur une équipe de direction qui a une vision, qui est capable de gérer du stress et de prendre des risques. S’ils n’ont pas choisi le bon repreneur, il y a un risque aussi », estime la directrice de compte chez Desjardins.

Le deuxième point important selon Mme Chabot est de faire évaluer la valeur de l’entreprise. « En sachant combien vaut la compagnie, l’entrepreneur pourra mieux planifier sa retraite. C’est à partir de là qu’il va pouvoir analyser l’aspect fiscal, s’assurer d’être bien structuré. Dans sa tête, le vendeur peut penser que sa PME vaut un certain montant, mais il est possible qu’elle vaille plus ou moins que ce qu’il pensait. C’est de là que tout va découler et qu’on va choisir les stratégies à adopter », conclut-elle.

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