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Karine Boivin Forcier

ALMA – Lux Aerobot, une entreprise de robotique aérospatiale, s’est établie à Alma l’an dernier, attirée par les avantages du Centre d’excellence sur les drones (CED). La jeune firme connaît une forte croissance et compte déjà des clients à l’international.

L’entreprise développe et opère des ballons stratosphériques munis de caméras haute résolution pour l’observation terrestre et l’analyse de ces données. En plus de ses bureaux d’Alma, elle possède des installations à Montréal ainsi que dans la ville d’Adélaïde, en Australie. Propriété de Katrina Albert et Vincent Lachance, l’entreprise emploie déjà neuf personnes, dont trois dans la région et trois en Australie. Les deux actionnaires prévoient embaucher encore de deux à trois ingénieurs à Alma l’an prochain. Dans les années suivantes, ils estiment qu’ils pourraient engager des dizaines d’employés, puisqu’ils confirment négocier actuellement des contrats de plusieurs millions de dollars.

Alma, un incontournable

Si Lux Aerobot a choisi Alma en 2019, c’est en raison de la combinaison idéale entre l’incubateur La Suite Entrepreneuriale Desjardins et le CED. « Le CED a une relation étroite avec Transport Canada, qui est l’institution auprès de laquelle on doit avoir nos certifications pour opérer nos ballons. […] En plus, il est basé à l’aéroport d’Alma, donc toute l’installation qui est nécessaire pour les lancements et les tests de la plateforme est déjà sur place. […] C’est un peu la combinaison entre le CED pour l’intégration mécanique et les tests des ballons, et avoir un bureau plus corporatif au centre-ville d’Alma avec La Suite qui nous a convaincus », indique Katrina Albert.

Un levier de diversification

L’arrivée de la jeune pousse technologique cadre d’ailleurs parfaitement avec les visées du CED. « C’est carrément notre vision, notre stratégie d’utiliser le CED comme levier de développement et de diversification économique. […] Ça confirme qu’on peut attirer ce genre d’entreprises à haute valeur ajoutée en région. […] Ça démontre le bien fondé de notre vision de départ qui est d’avoir le CED et l’incubateur qui peuvent travailler en complémentarité », souligne Martin Belzile, directeur général par intérim de la Corporation de développement et d’innovation Alma–Lac-Saint-Jean-Est (CIDAL), organisation responsable du CED.

M. Belzile explique que le CED est un des deux seuls sites au Canada qui permet de tester le vol hors vue, un élément essentiel pour Lux Aerobot, dont les ballons grimpent à une hauteur de 18 à 25 kilomètres. Selon lui, les ballons stratosphériques constituent aussi une technologie très proche des drones. Un autre avantage offert par le CED vient du Créneau d’excellence sur les drones civils et commerciaux, qui permet d’accéder à des fonds du ministère de l’Économie et de l’Innovation (MEI).

L’incubateur entrepreneurial, qui offre notamment des locaux, l’accès à des experts, du coaching, des services communs et des échanges avec d’autres entrepreneurs à la tête de jeunes organisations, représente un autre avantage. « Une startup techno comme Lux a besoin d’un soutien à différents niveaux, tant technique que financier. Grâce au soutien qu’on leur apporte avec le CED et La Suite, les entrepreneurs de Lux peuvent se concentrer à 110 % sur le développement de leur produit et de leur entreprise. Toute cette complémentarité permet à Lux d’aller plus loin. Ça répond vraiment à leur besoin de jeune pousse », estime Martin Belzile.

Le directeur général par intérim de la CIDAL affirme d’ailleurs que l’organisme a déjà des échanges avec certaines entreprises qui pourraient être intéressées à s’installer dans la région. « Lux est un premier exemple de ce qu’on vise. On espère attirer d’autres entreprises de ce type-là, puisqu’on sait qu’on peut répondre à leurs besoins. Notre approche avec le CED et l’incubateur, on peut l’offrir à d’autres types d’entreprises qui gravitent dans ce domaine », précise-t-il.

Deux semaines de lancements

Lux Aerobot prévoit des lancements de plateformes stratosphériques à Alma l’été prochain. « On a un calendrier de lancement de deux semaines de prévu. On va faire certaines démonstrations, on est en discussion avec la SOPFEU entre autres, et on fait un projet collaboratif avec d’autres compagnies canadiennes en aérospatiale pour tester les nouvelles versions du produit », confirme Katrina Albert.

Des contrats majeurs en Australie

En pleine croissance, Lux Aerobot a déjà levé 1 M$ de financement au cours des derniers mois, en contrats et en bourses. Elle a notamment signé des ententes majeures avec la Australian Defense Force en lien avec les feux de forêt. Les ententes, de près d’un quart de million de dollars, prévoient l’utilisation de la technologie de la jeune entreprise afin de délimiter l’endroit où les incendies se trouvent grâce aux images aériennes de haute résolution fournies par les ballons stratosphériques et faire une analyse prédictive pour savoir dans quelle direction le feu se dirige. Cette première phase pourrait déboucher sur la signature d’autres contrats de plusieurs millions de dollars, qui sont en cours de négociation. « Les feux de forêt ont été un gros souci pour eux l’été passé. Une des raisons, c’est que c’était extrêmement difficile de bien allouer les ressources aux bons endroits parce qu’ils manquaient d’informations sur la localisation des feux en temps réel et où est-ce qu’ils se dirigeaient. Les technologies que les Australiens utilisaient n’avaient pas une bonne fréquence ou résolution d’image pour pouvoir identifier les feux qui débutaient sur le vaste territoire », explique Katrina Albert.

Or, la technologie de plateformes stratosphériques pour l’observation terrestre développée par Lux Aerobot permet d’obtenir des images haute résolution beaucoup plus précises que celles offertes par les drones, avions et satellites. Ses ballons jumelés à une caméra et à des instruments scientifiques, qui opèrent entre 18 et 25 km d’altitude, peuvent rester en vol relativement stationnaire plusieurs jours grâce à un système de contrôle de l’altitude leur permettant de naviguer sur les différents vents pour demeurer au même endroit. Ils transmettent aussi leurs images en temps réel, un avantage non négligeable.

L’importance de l’analyse

Lux Aerobot allie cette technologie de pointe à une expertise en intelligence artificielle, qui, en combinant les images à d’autres sources de données disponibles et en utilisant notamment la technique du object identification, une forme de machine learning, peut offrir une analyse prédictive à ses clients. « On a l’expertise interne au niveau de l’analyse de l’information. La valeur n’est pas juste dans l’image aérienne. Si elle n’est pas analysée, elle ne va pas donner les informations nécessaires à l’entreprise. Chaque industrie cherche à avoir un type d’information précise pour les aider dans leurs opérations, donc nous on offre la plateforme qui utilise nos images aériennes pour fournir de l’information qui n’est actuellement pas disponible pour ces marchés-là », explique Mme Albert. En Australie, la surveillance des côtes et l’observation scientifique de la barrière de corail sont également des avenues envisagées pour les plateformes stratosphériques de l’entreprise.

Une « constellation » de ballons

La vision de Lux Aerobot pour les prochaines années est de développer une flotte de ballons afin d’acquérir des informations pour différents types d’industries, comme la forêt, les mines ou l’agriculture, par exemple. « D’ici cinq ans, on veut avoir une constellation de ballons qui opèrent au-dessus de l’Australie et de l’Amérique du Nord. […] L’idée, c’est d’avoir une infrastructure de base consistant en des ballons de haute altitude d’observation terrestre, qui sont au-dessus d’un territoire et qui peuvent, à travers l’imagerie, offrir de l’information pour plusieurs différents types d’industries », mentionne la copropriétaire.

Cette flotte de ballons entraînerait aussi l’acquisition de données supplémentaires qui pourraient être utilisées par la firme. « Juste en opérant nos flottes de ballons, on acquiert des informations sur la météo dans la stratosphère, donc une autre vision qu’on a pour la compagnie, c’est que comme deuxième service, on pourrait offrir de l’information précise au niveau de la météo, notamment pour la prédiction des changements climatiques », affirme Mme Albert.

Maturité technologique

Pour ce faire, la jeune firme devra développer de nouvelles versions de ses ballons, qui pourront demeurer dans les airs plusieurs mois au lieu de jours. L’équipe travaille actuellement sur le développement de la deuxième génération, qui devrait voir le jour d’ici la fin de 2021. La version qui sera commercialisée de masse devrait quant à elle faire son entrée en 2022. « On travaille présentement sur notre première ronde de financement privé. […] Ça nous permettra d’atteindre le niveau de maturité technologique qui nous amènera à avoir un produit qui pourra être commercialisé plus de masse », précise Katrina Albert.

Intérêt de Rio Tinto

Lux Aerobot a suscité l’intérêt de Rio Tinto, qui travaille avec elle à l’élaboration d’un projet pilote en Australie concernant ses mines à ciel ouvert. « On est en discussion avec eux pour les aider dans leurs activités autant d’exploration que de gestion de mine à ciel ouvert », souligne Mme Albert. La multinationale a également offert une contribution financière non remboursable de 75 000 $ par le biais de son fonds de Développement économique régional pour le Québec, qui est basé à Alma. « Nous sommes heureux d’être le premier partenaire privé et de soutenir depuis le tout début Lux », assure Emmanuel Bergeron, directeur du Développement économique régional Québec pour Rio Tinto.

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