« Actuellement, l'électrification des camions nécessite des applications spécifiques pour être pleinement rentable, explique Éric Boulianne. Les camions électriques excellent dans la livraison locale, avec des trajets quotidiens allant de 200 à 400 km. L'institut du véhicule innovant a même démontré qu'une autonomie de 480 km avec de multiples arrêts est envisageable. »
La collecte des déchets se révèle être une autre application idéale, permettant jusqu'à 1000 levées par jour. « La collecte des ordures est une application parfaite », souligne M. Boulianne. « Le camion s'arrête et repart constamment, ce qui est idéal pour la technologie électrique. Nous sommes justement en train de tester des camions de vidange électriques et nous nous entendons déjà des résultats très positifs. »
Le transbordement d'entrepôt et la livraison en centres de distribution sont également des domaines où les camions électriques se démarquent. M. Boulianne cite l'exemple de Tanguay, qui a pu utiliser un camion électrique pendant trois jours sans recharge, réalisant ainsi des économies substantielles de carburant. « La livraison locale et le transport de marchandise entre deux centres de distribution locaux sont des applications pour lesquelles une flotte électrique peut se démarquer. On ne parle pas d'un déplacement Québec-Californie, où le diesel ou d'autres carburants sont à prioriser. L'expérience de Tanguay nous confirme qu'ils ont la stratégie idéale pour une utilisation optimale de ces véhicules », rappelle-t-il.
L'utilisation de camions électrifiés trouve déjà des applications concrètes dans la région. « L'expérience à St-Félicien, où un client a pu transporter des copeaux entre deux usines sur 200 km, avec un camion entièrement électrique, s'est avérée concluante », souligne Éric Boulianne. De plus, Purolator a annoncé son intention d'utiliser une flotte de véhicules électriques pour la livraison locale au Saguenay, ce qui serait une avenue bien réfléchie selon lui. « L'entreprise a bien compris qu'il serait illogique de les affecter sur des routes du Lac-Saint-Jean compte tenu de la grande distance à parcourir. Ils ont l'application parfaite pour la flotte qu'ils souhaitent convertir », commente-t-il.
Réseau de recharge à moderniser
L'électrification du transport de marchandises n'est pas sans défis. L'infrastructure de recharge doit être développée et adaptée aux besoins spécifiques de ces véhicules. Le réseau électrique actuel n'est pas toujours compatible avec les exigences des camions électriques. De plus, le coût initial de ces véhicules reste élevé. « Le réseau électrique est de génération 2, alors que les camions électriques fonctionnent avec la génération 3 », explique le directeur.
Hormis ces obstacles, l'avenir de l'électrification des camions est prometteur. De nouvelles applications émergent, comme la livraison de meubles ou le remorquage local. Les avancées dans le domaine des énergies renouvelables, comme le gaz naturel et l'hydrogène, ouvrent également de nouvelles perspectives pour le transport longue distance.
Malgré les défis, Éric Boulianne demeure optimiste. « L'électrification est une opportunité pour le Québec », affirme-t-il. « Avec ses ressources en hydroélectricité et son industrie innovante, la province est bien positionnée pour devenir un leader dans ce domaine. Il suffit de cibler les bonnes applications pour que l'électrique en vaille la peine. » Il souligne toutefois un problème avec le programme Éco Camionnage : « Les concessionnaires, qui sont au cœur du processus, n'ont aucune aide », déplore-t-il, rappelant que le coût des bornes de recharge pour camion demeure très élevé.
Une transition en marche
Malgré les défis, M. Boulianne est confiant de voir une augmentation notable de la flotte électrifiée sur les routes dans les prochaines années. L'industrie du camionnage est à l'aube d'une transformation majeure et l'électrification, même si elle nécessite des ajustements, jouera sans aucun doute un rôle clé dans cette évolution.