Auteur

Maxime Hébert-Lévesque

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « Transport : un nouveau virage pour l’industrie » publié dans notre édition du mois de mai.

SAINT-HONORÉ – Le transport aérien représente pour les entreprises de la région des opportunités de contrat dans le Nord. Le transporteur ExactAir en sait quelque chose. Celui qui s’est d’abord fait connaître à titre d’école de pilotage consacre aujourd’hui une grande partie de ses activités au nolisement.

« Nous faisons beaucoup de changements de quart de travail pour des firmes de la région. Ceux-ci ont des contrats avec Hydro-Québec ou encore dans les communautés Cri du Nord québécois. Notre tâche consiste, entre autres, à faire la rotation de leurs employés sur le terrain. Nous ramenons des gens et en transportons de nouveaux », souligne Emmanuel Carpentier, actionnaire et instructeur-chef d’ExactAir, une entreprise basée à l’aéroport de Saint-Honoré.

L’expert en aéronautique explique qu’il y a un travail d’éducation à faire auprès des PME et des entrepreneurs généraux du Saguenay–Lac-Saint-Jean (SLSJ). « La voie des airs peut leur apporter plusieurs opportunités pour des contrats difficiles d’accès comme ceux dans le Grand Nord. Chez ExactAir, nous faisons régulièrement affaire avec une quinzaine d’entreprises de la construction pour des vols à la pièce. Nos plus gros clients demeurent toutefois la SOPFEU, Hydro-Québec et le gouvernement du Québec. »

Attirer la main-d’œuvre

Lors des dernières années, le monde de l’aéronautique a connu une importante pénurie de main-d’œuvre. Tant au niveau des pilotes que des mécaniciens, la situation a été catastrophique en région. « Les grands transporteurs ont littéralement aspiré les talents pour combler leurs besoins et les petites PME comme la nôtre ont beaucoup souffert. Nous avons dû revoir nos façons de faire pour éviter la fermeture. » L’une des stratégies adoptées par le groupe pour récupérer des mécaniciens a été d’approcher l’École Nationale d’Aérotechnique (ÉNA) située à Saint-Hubert sur la Rive-Sud de Montréal.

« Il y a une méconnaissance des emplois en région et chaque année, nous envoyons notre chef mécanicien parler avec les étudiants de l’ÉNA. Les bons emplois ne sont pas seulement à Montréal. Il est vrai que les principales entreprises d’aéronautiques s’y trouvent, mais les emplois dans la région sont souvent plus stimulants. Lorsqu’un technicien sort de sa formation, il est souvent embauché par des sociétés qui font le maintien des trains d’atterrissage. Certes, c’est intéressant, mais au bout de quelques années ça devient très répétitif. À l’inverse, en région, les petits transporteurs vont permettre à leurs mécaniciens de travailler sur des bimoteurs, des avions à turbine et plusieurs types d’aéronefs. »

Créer un écosystème

Emmanuel Carpentier se souvient qu’à son arrivée chez ExactAir en 2018, l’école n’avait plus d’instructeur de vol. « Ça nous a pris deux ans pour remettre l’entreprise sur pied. Ça n’a pas été facile et la COVID nous a, étonnamment, donné un coup de main. En effet, un phénomène semblable à celui créé par le film Top Gun à la fin des années 80 est survenu. C’est comme si les gens en pandémie ont décidé de réaliser leur rêve. Le métier de pilote d’avion est redevenu attrayant et nous avons eu de belles cohortes d’élèves. » De plus, l’instructeur précise qu’au niveau du service de nolisement, les choses n’ont pas été ralenties par le confinement et les restrictions reliés aux mesures sanitaires. « Puisque nous transportions des travailleurs et des gens du gouvernement, nous étions considérés comme service essentiel. »

Afin d’assurer une constance au niveau des pilotes, ExactAir a entrepris d’offrir des emplois à ses finissants. « L’idée est de conserver la ressource dans notre giron pour au moins quatre ans. Cela représente la période qu’un pilote titulaire d’une licence professionnelle met pour atteindre 1500 heures de vol. Un chiffre clé puisque c’est à partir de ce moment qu’il peut devenir pilote de ligne. C’est donc un échange intéressant. Nous lui permettons d’accumuler ses heures pour propulser sa carrière et en retour, il pilote pour nous le temps qu’on forme la relève. »

Une fausse bonne idée

Annoncé en grande pompe par le gouvernement du Québec en période préélectorale, le billet d’avion inter-régional à 500 $ n’est pas réaliste selon Emmanuel Carpentier. « Ce n’est pas une mesure qui va aider les petits transporteurs comme nous. Annoncer des transports à 500 $, ça sous-entend que les compagnies aériennes chargent trop cher, ce qui est totalement faux. Avec la hausse du carburant que nous subissons, tous les prix augmentent et au même moment, l’État annonce des vols au rabais… »

Le pilote professionnel stipule que seules les entreprises offrants des lignes régulières auront accès aux subventions gouvernementales. « Si le souhait est d’encourager les vols régionaux et les PME, la subvention devrait être offerte aux particuliers et non aux entreprises. Présentement, une poignée de transporteurs déjà en moyen auront le droit à l’aide financière, les autres passeront sous le radar. En contrepartie, si le consommateur reçoit un crédit d’impôt ou encore une subvention reliée à son contrat de transport avec une compagnie aérienne régionale, cela serait plus bénéfique. Ça nous permettrait de charger le prix juste et ensuite le client recevrait une compensation de l’État », termine Emmanuel Carpentier.

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