SAGUENAY - Lorsqu'il s'est implanté à Saguenay en 2021, le studio de création d'effets visuels pour le cinéma Folks VFX entrevoyait une gain d'autonomie rapide pour ce bureau. Si la croissance n'a pas suivi le rythme prévu, les gestionnaires ne lâchent pas prise sur leur projet saguenéen.  

À l'origine, l'entreprise envisageait que son studio de Saguenay compterait, à terme, quelque 75 employés. Trois ans plus tard, ils sont une seulement une douzaine à œuvrer dans les locaux de la rue Racine.

Selon le directeur des studios de Montréal et Saguenay, Simon Devault, c'est principalement le contexte qui a ralenti les projets de Folks VFX dans la région. « Le but initial, c'était d'offrir une alternative à la grande ville pour tous ceux qui font des VFX. Le télétravail nous a un peu coupé l'herbe sous le pied. Nous espérions faire croître le bureau plus rapidement, mais le fait que les gens ont pu se délocaliser de la ville, aller où ils veulent pour travailler à distance, ça a enlevé en partie ce qui nous permettait de les attirer dans la région », indique-t-il.  

Quatrième étage

Le directeur affirme que plusieurs employés originaires du Saguenay-Lac-Saint-Jean ont profité de l'occasion pour revenir en région. Toutefois, par la suite, il a été plus difficile d'attirer d'autres salariés à aller s'y établir.

Cette croissance moins prompte qu'envisagé fait en sorte que le bureau de Saguenay n'a pas encore acquis l'autonomie prévue dans ses projets. « On voit beaucoup Saguenay comme le quatrième étage du bureau de Montréal présentement. Nous voulions faire grandir l'équipe rapidement pour qu'elle devienne autosuffisante et qu'elle puisse avoir ses propres projets, mais nous n'en sommes pas encore là. En ce moment, ce sont comme des employés du bureau de Montréal, mais qui sont basés à Saguenay », explique M. Devault, qui a lui-même fait ses études au Cégep de Jonquière en Art et technologie des médias (ATM). 

Période difficile

Le secteur des effets visuels québécois connaît actuellement une période plus difficile, notamment en raison des grèves à Hollywood. En mai, des changements apportés par Québec au crédit d'impôt pour des services de production cinématographique (CSPC) sont venus compliquer encore plus la situation. Ils ont fait en sorte de diminuer le taux effectif total du CSPC de près de 10 points de pourcentage, selon les estimations du gouvernement, ce qui fait que les clients des firmes de VFX regardent dans d'autres pays qui offrent mieux pour confier leurs mandats. 

« Maintenant, les clients magasinent avant de venir vers le Québec. Il y a des crédits d'impôt plus alléchants dans d'autres circonscriptions, donc nous ne sommes plus le go to comme la province était auparavant. Ça, ça nous fait mal », résume Simon Devault. 

Celui-ci souligne que, sur les quelque 8 000 artisans en VFX au Québec, il y en a un peu moins de 3 000 en emploi présentement, selon les derniers sondages. « Les grèves ont creusé un gros trou. Avec les changements des crédits d'impôt, nous avons vécu des moments très difficiles. Tous les bureaux de VFX au Québec souffrent actuellement. [...] Ça a vraiment eu un dur impact », précise M. Devault, qui a aussi dû faire des mises à pied temporaires au sein de ses équipes. 

Lueur d'espoir

Si les activités n'ont pas repris aussi fortement que prévu après les grèves à Hollywood, le directeur des bureaux de Montréal et Saguenay entrevoit une lueur d'espoir pour son industrie. « Ça reprend actuellement, mais pas comme avant les grèves. Les VFX, avant ça, c'était en pleine effervescence. On se battait pour la main-d'œuvre », partage-t-il.

Selon lui, c'est l'expertise des artisans québécois de ce domaine qui pourrait réduire l'impact des changements au CSPC. La province est en effet renommée au niveau mondial dans le secteur des effets spéciaux par rapport à la forte qualification de sa main-d'œuvre. « Ça risque de nous sauver, mais on va quand même perdre des plumes », estime-t-il. 

Simon Devault rappelle qu'il demeure difficile de prévoir l'évolution du marché à plus long terme. L'impact des changements au crédit d'impôt se fera surtout sentir l'an prochain, puisque plusieurs productions sur lesquelles Folks VFX travaille sont encore sous l'ancien régime. « À court terme, nous vouons une reprise de notre côté. Mais avant, nous savions un an et demi à deux ans d'avance ce qui s'en venait. Maintenant, nous avons de la difficulté à prévoir un an d'avance », nuance-t-il. 

ATM

L'un des aspects qui ont poussé Folks VFX à s'établir à Saguenay est la présence du programme d'Art et technologie des médias (ATM) du Cégep de Jonquière, qui lui permet d'avoir accès à une banque de diplômés. Actuellement, c'est d'ailleurs le principal moyen d'expansion du studio saguenéen. 

À l'origine, les dirigeants du studio d'effets visuels se voyaient venir compléter la formation des étudiants d'ATM dans le domaine. Un espace du bureau devait notamment être destiné à la formation. « Nous voulions faire grandir ce studio avec les jeunes qui sortent de l'école. Nous désirions donner à ce bureau le type de projets qui est parfait pour apprendre et monter, devenir meilleurs. C'est encore ça que nous souhaitons faire, mais c'est plus long que ce que nous avions espéré », affirme Simon Devault. 

Celui-ci précise que Folks VFX continue de maintenir une étroite collaboration avec les responsables d'ATM. D'ailleurs, le seul stagiaire reçu par la firme à la fin de l'été est un étudiant de Saguenay, au bureau de Saguenay. Avec la reprise, le studio a pu l'engager officiellement à la suite de ce stage.

Même si la machine des effets visuels est construite pour de grosses productions avec un budget moins limité, M. Devault se dit ouvert à collaborer avec des projets de moindre envergure. « C'est un peu ce qu'on voulait amener avec le bureau de Saguenay pour des productions plus modestes. Ce sont des projets parfaits pour le développement des artistes. [...] Avec tout ce qui s'est passé, on veut être plus flexible, trouver des solutions pour accommoder de plus petits projets », conclut-il.