N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « Nos mines, une richesse à exploiter » publié dans notre édition du mois de mars.

SAGUENAY – Déjà connu pour son agriculture, le Saguenay–Lac-Saint-Jean pourrait aussi devenir un pôle important en matière de production d’engrais, si l’on en croit différents experts.

Il y a bien sûr la filière du phosphate, transformé pour être utilisé dans les engrais traditionnels, que le projet du Lac à Paul d’Arianne Phosphate a fait connaître. « Le besoin en engrais, surtout en engrais propres, augmente. Par exemple, il y a plusieurs sources de phosphate qui sont riches en contaminants, comme l’uranium. Les sources ignées, comme celle du Lac à Paul, sont des phosphates très propres. […] C’est un marché de niche, mais c’est très intéressant », mentionnent Paul Bédard, directeur par intérim du Centre d’études sur les ressources minérales (CERM) de l’UQAC, et Benoît Lafrance, directeur de la Table régionale de concertation minière.

Agriculture biologique

Toutefois, la géologie de la région recèle d’autres substances qui pourraient présenter un potentiel pour les engrais, notamment biologiques. C’est le cas du projet de wollastonite de Vertical Exploration. C’est l’entreprise saguenéenne Magnor Exploration, qui a vendu cette propriété à la minière vancouvéroise, qui est l’exécutant des opérations.

Ce projet vise à extraire une roche à haute teneur en wollastonite (37 %) d’un dépôt situé à 40 kilomètres au nord de Saint-Ludger-de-Milot. Ce minerai pourrait être utilisé en agriculture biologique comme amendement de sol. « La beauté de notre projet, c’est que la constitution de la roche est favorable à être utilisée telle quelle pour la production de notre amendement de sol. Nous ne faisons que dynamiter, puis broyer la roche. Nous n’avons pas d’autres étapes », explique Frédéric Bergeron, propriétaire de Magnor Exploration, précisant que les autres constituants de la roche sont la diopside, riche en magnésium, le marbre et la silice.

Actuellement, des études sont réalisées par Agrinova à Alma pour confirmer l’effet fertilisant et bénéfique du produit dans l’agriculture biologique. « Il a été constaté ailleurs que l’assemblage de minéraux de notre roche avait des bénéfices importants dans l’agriculture pour le contrôle de certains insectes. Il permettrait aussi d’éliminer une sorte de champignon qui s’attaque aux racines de certaines plantes. Des études internationales ont aussi démontré que le produit pouvait stocker du carbone. »

Projet porteur

Si Vertical et Magnor attendent les résultats des études d’Agrinova afin de s’assurer des bénéfices de leur produit spécifique, la wollastonite suscite de plus en plus d’intérêt à l’échelle internationale avec plusieurs recherches réalisées. En Ontario, un site similaire à celui du Lac-Saint-Jean est en opération depuis plusieurs années et connaît du succès auprès des agriculteurs locaux.

En 2022, les deux entreprises continuent d’aménager le site qui avait été développé dans les années 90 par Ressources Orléans. La production, notamment pour des études, devrait reprendre en juin. Un contrat a également été conclu avec une petite entreprise régionale pour l’achat de 500 à 1000 tonnes de produits cette année.

« C’est un projet porteur et novateur pour la région. Il permet de marier le secteur minier à l’agriculture dans une optique d’agriculture durable et biologique. […] Nous voulons donner une chance aux entreprises régionales de se démarquer avant la conclusion d’ententes avec de grands distributeurs », affirme l’exploitant.

Engrais alternatifs

Arianne Phosphate s’intéresse également au marché des engrais alternatifs. En effet, la minière a entrepris en février un programme de recherche en collaboration avec le Groupe de recherche en environnement et en biotechnologie du Cégep de Rivière-du-Loup. Celui-ci vise le développement d’une nouvelle génération d’engrais à partir de déchets organiques et de son concentré de phosphate à haute pureté et à faible contaminant.

Dans les engrais traditionnels, le concentré de phosphate doit d’abord être transformé en acide phosphorique avant de subir une deuxième transformation pour former un engrais. « Les recherches que nous faisons sont pour contourner ces étapes. Nous voulons prendre directement notre concentré à la sortie de la mine, le bonifier avec des microorganismes pour attaquer la roche et rendre le phosphate biodisponible, puis le mélanger à des matières résiduelles pour avoir un engrais complet. Ça fait un engrais qui est biologique. C’est relativement nouveau parce que ça prend un phosphate de haute pureté avec très peu de contaminants comme le nôtre », précise Raphaël Gaudreault, chef des opérations de l’entreprise.

Selon M. Gaudreault, cette avenue est intéressante puisqu’elle lui permet de vendre directement son concentré comme produit final, tout en valorisant des déchets comme les rejets de papetières, le compost de bacs bruns ou les résidus de scieries. Arianne Phosphate prévoit pouvoir faire des essais en serre au printemps et, possiblement, des tests à grande échelle dans les champs cet été ou en 2023.

 

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